La promesse ultime des robots humanoïdes est d’offrir une nouvelle « technologie polyvalente » : une machine alimentée par l’intelligence artificielle capable d’effectuer un large éventail de tâches physiques actuellement réalisées par des travailleurs humains, s’intégrant parfaitement dans des environnements allant des entrepôts et des usines aux maisons de retraite. Elon Musk, le Pdg de Tesla en proie à de multiples difficultés est devenu le premier évangéliste de la révolution à venir des robots humanoïdes. Il y voit un moyen de relancer Tesla et concentre les ressources de son entreprise sur son projet de robot humanoïde Optimus, affirmant qu’il s’agirait du « plus grand produit jamais créé ».
Selon Elon Musk, les robots humanoïdes pourraient devenir le prochain produit technologique grand public, aussi omniprésent que les voitures ou les smartphones. Elon Musk annonce qu’il y aura 10 milliards de robots humanoïdes en service d’ici 2040, coûtant entre 20.000 et 25.000 dollars chacun. Le mois dernier, Tesla a signé un accord de 16,5 milliards de dollars pour s’approvisionner en puces auprès de Samsung Electronics dont la production est prévue dans la nouvelle usine de Samsung à Taylor, au Texas. Les puces AI6 de nouvelle génération sont destinées aux véhicules autonomes… et au robot humanoïde Optimus.
Morgan Stanley et Goldman Sachs y croient
Il faut bien sûr toujours prendre les annonces d’Elon Musk avec beaucoup de précaution. Mais les financiers font aussi le pari des robots humanoïdes. La banque Morgan Stanley y voit un avantage économique considérable. Elle a calculé qu’un robot humanoïde coûtant 5 dollars de l’heure pourrait égaler la productivité de deux travailleurs humains gagnant 25 dollars de l’heure, créant ainsi pour une entreprise un gain d’environ 200.000 dollars par unité au cours de sa durée de vie.
Goldman Sachs prévoit que le marché mondial des robots humanoïdes atteindra une valeur de 205 milliards de dollars d’ici 2035. Citibank prévoit 648 millions de robots humanoïdes d’ici 2040, tandis que Bank of America table sur 3 milliards d’ici 2060.
La Chine a basculé dans la robot-mania
Reste à savoir à quel point ces rêves d’une révolution robotique sont proches de se réaliser et ce que cela signifie pour les sociétés humaines, les économies et le monde de l’énergie ? Car comme toutes les machines, les robots ont besoin d’une chose pour fonctionner… de l’énergie.
Le plus impressionnant est sans doute la façon dont l’usine du monde, la Chine, a basculé depuis quelques mois dans la robot-mania et a décidé de mettre autant de moyens et d’ambitions pour développer cette technologie que dans les panneaux photovoltaïques, les batteries et les voitures électriques avec le succès que l’on sait.
Les robots humanoïdes font fureur en Chine. Ceux qui sont fabriqués par la start-up Unitree (voir la photographie ci-dessus) ont dansé devant 300 millions de téléspectateurs lors du gala annuel du Nouvel An chinois diffusé en janvier sur CCTV, l’émission de télévision la plus regardée du pays. Le fondateur de l’entreprise a ensuite été invité à rencontrer le Président Xi Jinping aux côtés des dirigeants de géants technologiques établis tels que Huawei et Alibaba. Depuis, les robots humanoïdes sont omniprésents dans les médias sociaux et traditionnels, avec une série d’événements publics tels que des marathons et des matchs de football robotisés au cours desquels ils ont démontré des mouvements et des compétences presque semblables à ceux des humains.
Afflux massif de capitaux
Plus significatif, les entreprises engagées dans la fabrication de robots humanoïdes et de leurs composants ont levé 23,2 milliards de yuans (3,2 milliards de dollars) auprès d’investisseurs depuis le début de l’année 2025, plus que pendant toute l’année 2024.
De nombreux dirigeants d’entreprises chinois estiment que le développement de robots humanoïdes est une nouvelle voie technologique la plus prometteuse pour la Chine. Elle lui permet de combiner sa base industrielle sans équivalent avec les nouvelles capacités issues des modèles d’intelligence artificielle. Pour les fabricants chinois d’équipements technologiques comme Xpeng, Xiaomi et Honor, les barrières à l’entrée dans le domaine des robots humanoïdes ne semblent pas très élevées. Ces entreprises estiment que les compétences, les chaînes de production et les réseaux de fournisseurs qu’elles ont développés pour la fabrication de smartphones et de véhicules électriques peuvent être adaptés et étendus à la fabrication de robots. À l’instar de Tesla, elles prévoient à la fois de développer des robots destinés à être utilisés dans leurs propres usines et de les vendre à d’autres clients. Et elles bénéficient de financements massifs du gouvernement et d’investisseurs privés.
Un saut technologique considérable
Car les secteurs auparavant préférés des gouvernements locaux comme les véhicules électriques et les panneaux solaires sont confrontés à une offre excédentaire et un effondrement des prix. Les collectivités locales se tournent donc… vers la robotique. La municipalité de Pékin et la province du Hubei ont toutes deux lancé des fonds de 10 milliards de yuans (1,4 milliard de dollars) pour investir dans l’industrie robotique et de nombreux autres fonds de plus petite taille ont été créés dans des villes comme Shanghai, Hefei ou Nanjing.
Reste maintenant à savoir si le saut technologique annoncé par Elon Musk et les groupes industriels chinois va se produire. Les robots humanoïdes existant aujourd’hui sont incapables de remplacer réellement des travailleurs humains du fait de la courte durée de vie de leurs batteries, de coûts d’entretien élevés, de leur fiabilité problématique et surtout des limites très rapidement atteintes de leur adaptation à leur environnement.
Un véritable robot à tout faire doit être capable d’analyser et de répondre au langage humain mais aussi de comprendre l’environnement visuel et les lois physiques du monde réel. Prenons l’exemple des véhicules autonomes, les promesses répétées pendant des années et relayées par des médias complaisants n’ont jamais été tenues. Et une voiture autonome est en fait un robot chargé d’exécuter une fonction (conduire) dans un environnement délimité (les routes). Les voitures autonomes sont en développement depuis plus d’une décennie et ne sont toujours pas commercialisées…
Mais quels que soient les progrès réels effectués et même leur lieu de production, les robots humanoïdes ne pourront échapper à l’industrie chinoise, au moins pour une bonne partie de leurs composants. Ils ont besoin de batteries, de capteurs, de caméras, de lidars, de moteurs électriques et de réducteurs pour permettre des mouvements précis.