Transitions & Energies
Un portique ecotaxe wikimediacommons

Le retour de l’écotaxe


L’abandon de l’écotaxe en 2014, par la ministre de l’Ecologie de l’époque, Ségolène Royal, et sa directrice de cabinet, une certaine Elisabeth Borne, face à la contestation des Bonnets rouges bretons a été avec le recul une décision catastrophique. Elle a coûté plus d’un milliard d’euros de dédommagements, d’indemnisations et de pertes pures et simples au contribuable. Mais le manque de recettes a été plus que compensé pour l’Etat par une augmentation de la taxe sur les carburants qui elle n’est pas payée à plus de 30% par les camions étrangers comme l’aurait été l’écotaxe. Une écotaxe bis pourrait néanmoins faire sa réapparition sous deux formes, dans les régions d’abord et ensuite via une taxe sur les tarifs des péages autoroutiers. Ces deux possibilités se trouvent dans des décrets parus en catimini à la fin de l’année dernière. Et le gouvernement laisse le cadeau empoisonné aux régions et à ses successeurs. Il faudra attendre la prochaine décennie et le renouvellement des contrats de concession autoroutiers.

L’épisode de l’écotaxe n’avait pas été un grand moment de courage et de cohérence gouvernementales. Rappelons que cette contribution financière à la transition énergétique, instaurée en 2009 par un vote quasi-unanime de l’Assemblée nationale, devait entrer en vigueur en 2014. Elle concernait les camions de plus de 3,5 tonnes identifiés via des portiques installés sur les 15.000 kilomètres de grands axes routiers du pays. Elle taxait tous les véhicules circulant en France, y compris étrangers.

Mais elle s’était heurtée à une opposition farouche des Bonnets rouges bretons. Une sorte de prélude au mouvement des Gilets jaunes quatre ans plus tard. Résultat, l’écotaxe a été abandonnée en rase campagne par la Ministre de l’écologie de l’époque, Ségolène Royal, et sa directrice de cabinet, une certaine Elisabeth Borne.

« Un gâchis patrimonial, social et industriel »

La décision de créer l’écotaxe et celle de l’abandonner purement et simplement ont été dans un cas comme dans l’autre « prises dans la précipitation » sans « qu’aucune analyse préalable de la portée de cette décision n’ait été prise » écrivait la Cour des comptes en 2017.

Et qui a payé l’addition ? Le contribuable. Selon les calculs de la Cour des comptes, la facture des différentes indemnisations, dédommagements et équipements vendus à la casse s’est élevée à plus d’un milliard d’euros. Ainsi, par exemple, les portiques et autres éléments qui valaient 652 millions d’euros ont été finalement vendus pour 2,19 millions d’euros… Mais l’Etat n’a pas perdu la moindre recette, au contraire. Le gouvernement a intégralement compensé la perte et même au-delà en augmentant la TICPE (Taxe intérieure de consommation des produits énergétiques) sur le gazole de quelques centimes. Sauf que tandis que les camions étrangers roulant en France auraient payé 31% de l’écotaxe, ils ne contribuent qu’à 2% de la TICPE. Pour résumer, l’abandon de la taxe poids lourds a été « un gâchis patrimonial, social et industriel » écrivait la Cour des comptes…

Un décret publié en catimini le 31 décembre

Mais l’écotaxe va renaître de ses cendres sous deux formes. Deux décrets publiés en catimini les 27 et 31 décembre dernier réintroduisent une taxation qui s’en approche dans le principe. Le premier baptisé « écocontribution » permet aux collectivités locales de décider de l’instaurer sur certains axes routiers. Il s’appliquera éventuellement aux régions possédant des routes susceptibles de supporter un report significatif de trafic depuis les autoroutes à péages ou d’autres voies soumises à une taxe locale, dont elles assurent la gestion. Le montant de l’écotaxe sera déterminé en prenant en compte le niveau d’émission de carbone des véhicules, leurs caractéristiques techniques, ainsi que la nature de la route empruntée. Le gouvernement laisse aux régions et collectivités locales la liberté d’appliquer ou non cette mesure. Pour le moment, seule la Collectivité européenne d’Alsace a annoncé la mise en place de son écotaxe d’ici 2027, baptisée R’Pass.

Pour ce qui est des péages modulables sur les autoroutes, les échéances sont encore plus lointaines, pas avant la prochaine décennie. Les tarifs des péages des camions et des cars de plus de 3,5 tonnes seront modulés en fonction de leur niveau de pollution. Cette nouvelle écotaxe s’appliquera seulement au terme des concessions autoroutières actuelles. Elle sera effective « sur les futurs contrats d’autoroutes ». Plus de 90% des concessions actuelles autoroutières arriveront à leur terme entre 2031 et 2036. Les prix des péages seront alors « modulés en fonction de la classe des émissions de dioxyde de carbone du véhicule », rapporte le décret paru au Journal officiel.

« L’amplitude de cette modulation est fixée par le cahier des charges annexé au contrat de concession. Les péages seront aussi majorés d’une redevance pour coûts externe liée à la pollution atmosphérique due au trafic ». Un arrêté ministériel devra encore fixer les classes d’émissions et les détails de cette réglementation. Cette loi fait suite à une directive européenne de 2022 qui doit être mise en œuvre avant mars 2024.

La rédaction