Transitions & Energies

Les réseaux électriques, talon d’Achille de la transition


La nécessité de produire massivement de l’électricité bas carbone, notamment renouvelable, pour mener la transition nécessite d’adapter et de fortement développer les réseaux électriques pour qu’ils puissent gérer une production extensive étalée géographiquement et souvent intermittente. Les réseaux devront doubler de taille et atteindre 160 millions de kilomètres d’ici 2040. Cela exige des investissements considérables qui selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie ne sont tout simplement pas là aujourd’hui.

La transition énergétique passe par l’électrification des usages et le développement des électro-carburants (hydrogène, carburants synthétiques, ammoniac…). Cela signifie produire des quantités considérables d’électricité bas carbone, renouvelable (éolien, solaire, hydraulique, géothermique, biomasse…) et nucléaire, et pouvoir ensuite les acheminer vers les lieux de consommation, de transformation et de stockage. Cela est d’autant plus nécessaire que les renouvelables intermittents (éolien et solaire) ont pour caractéristiques d’être des moyens de production extensifs, étalés géographiquement, avec des puissances nominales relativement limitées et d’être comme leur nom l’indique intermittents. Il est donc indispensable d’investir massivement dans les réseaux pour s’adapter à ses faiblesses et les compenser en partie.

Les investissements doivent doubler pour atteindre 600 milliards de dollars par an

C’est un défi dont la mesure n’a pas été vraiment prise selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). «Le manque d’ambition et d’attention risque de faire des réseaux électriques le maillon faible des transitions énergétiques propres», prévient l’AIE dans un rapport publié le 17 octobre. Selon les estimations de l’Agence, le monde doit ajouter 80 millions de kilomètres de réseaux d’ici 2040 aux 80 millions existants qu’il faudra aussi rénover. «Tandis que les investissements annuels dans les réseaux… sont restés globalement stables», il est nécessaire qu’ils doublent «pour atteindre plus de 600 milliards de dollars par an d’ici 2030».

«Depuis plus d’un siècle, les réseaux constituent l’épine dorsale des systèmes électriques, alimentant en électricité les foyers, les usines, les bureaux et les hôpitaux. Leur importance ne fera que croître au fur et à mesure que le rôle de l’électricité dans les systèmes énergétiques va augmenter». Mais l’Agence constate que les réseaux «ne suivent pas le rythme de croissance rapide» de la production d’électricité bas carbone et des besoins résultant du développement également rapide des voitures électriques à batteries, des pompes à chaleur, des électrolyseurs…

Un nombre grandissant de parcs éoliens et solaires en attente de connexion

«Les gouvernements accordent beaucoup d’importance à la construction de centrales électriques mais ils oublient (…) que cette électricité, il faut l’acheminer jusqu’aux foyers, aux stations de charge de véhicules ou à l’industrie», affirme Fatih Birol, le directeur exécutif de l’AIE. Les gouvernements doivent «soutenir les projets à grande échelle» et «les développeurs de réseaux et les opérateurs adopter la numérisation» pour concevoir des réseaux «plus résilients et flexibles».

L’Agence souligne qu’il existe «un nombre important et croissant de projets d’énergies renouvelables» en attente d’être connectés au réseau, l’équivalent de 1.500 GW de futures capacités. Environ 50% de ces projets en attente se trouvent aux États-Unis et 20% en Europe.

Dans son rapport l’AIE a construit un scénario catastrophe, le «Grid Delay Case» (le cas du retard des réseaux) qui estime quelles pourraient être les conséquences d’investissements insuffisants. (Voir le graphique ci-dessous). Selon le modèle de l’Agence, les émissions cumulées de dioxyde de carbone (CO2) entre 2030 et 2050 seraient supérieures de près de 60 milliards de tonnes à ce qu’elles seraient si les réseaux étaient développés suffisamment rapidement. Cela représente les émissions de CO2 du secteur mondial de l’électricité lors des quatre dernières années.

Le scénario du retard des réseaux

Emissions en gigatonnes de CO2. En bleu foncé, en cas de retard des investissements dans les réseaux et en bleu clair si les engagements sont respectés. Source AIE.

La rédaction