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Renationalisation d’EDF, la justice rejette le recours des petits actionnaires


La Cour d’appel de Paris a rejeté en bloc la plainte des petits actionnaires salariés et retraités d’EDF contre les conditions de l’OPA (Offre public d’achat) lancée par l’Etat pour renationaliser en totalité l’entreprises publique en faillite virtuelle. Une opération indispensable pour donner les moyens au champion français de l’électricité, sans cesse affaibli depuis 15 ans par les injonctions contradictoires de l’Etat, de prolonger la vie de son parc nucléaire et de lancer un programme de construction d’au moins six nouveaux réacteurs. Tant pis pour les petits actionnaires qui auront réalisé une très mauvaise opération financière depuis l’ouverture du capital d’EDF en 2005.

Les petits actionnaires salariés et retraités d’EDF auront bu le calice jusqu’à la lie. Non content d’avoir vu fortement baisser le cours de l’action d’une entreprise publique sans cesse affaiblie depuis sa privatisation il y a 18 ans par les injonctions contradictoires de l’Etat, ils auront subi une renationalisation au rabais. Il est vrai que la situation financière d’EDF est catastrophique, une faillite virtuelle, avec un endettement de près de 65 milliards d’euros et des pertes historiques l’an dernier de près de 17,9 milliards en 2022. Mais la valeur des actifs et le potentiel de ce qui a été le champion français de l’électricité auraient pu être mieux valorisées. C’était en tout cas l’avis des fonds communs de placement qui ont porté l’affaire devant la justice.

Ce n’est pas ce qu’a jugé la cour d’appel de Paris qui par un arrêt rendu mardi 2 mai «a rejeté le recours formé par des actionnaires minoritaires d’EDF contre la décision de l’Autorité des marchés financiers (AMF) du 22 novembre 2022 ayant déclaré conforme l’offre publique d’acquisition simplifiée de l’Etat sur les titres EDF».

Tout comme l’AMF, les magistrats ont estimé «que la note d’information de l’Etat sur son projet d’offre et la note en réponse de la société EDF à ce projet avaient été établies dans le respect des principes d’égalité de traitement des actionnaires et de transparence du marché».

L’OPA réouverte du 4 au 17 mai

Conséquence de ce jugement, l’AMF a annoncé après la décision des juges, la réouverture du processus d’OPA (Offre publique d’achat). Celle-ci permet aux actionnaires qui possèdent encore des titres d’EDF de les vendre, du 4 au 17 mai, date de la fin de l’opération, à l’Etat français, qui détient déjà près de 96% du capital de la société. Avant la renationalisation totale (à 100%), annoncée en juillet dernier par la Première ministre Elisabeth Borne et chiffrée à 9,7 milliards d’euros, l’Etat actionnaire détenait 84% du capital d’EDF.

Le principal motif de contestation des actionnaires salariés et retraités d’EDF étaient le prix de 12 euros par action fixé par l’Etat. Les plaignants réclamaient à minima 15 euros. Lors de l’ouverture du capital de l’énergéticien, en 2005, l’action avait été mise sur le marché boursier à 32 euros, avec une remise de 20% pour les salariés à 25,60 euros. Mais la cour a considéré que l’expert indépendant «avait vérifié que le prix de l’offre proposé par l’Etat était équitable, après avoir évalué la société EDF selon une approche multicritères prévue par la réglementation de l’AMF».

«La pire année qu’a connu EDF depuis sa création en 1946»

«La décision de renationalisation a été prise dans la pire année qu’a connu EDF depuis sa création en 1946», avait affirmé à l’audience fin mars Florent Segalen, l’avocat des actionnaires salariés et retraités d’EDF.

Les plaignants accusaient aussi au passage Jean-Bernard Lévy, alors Pdg d’EDF, d’avoir pris part à tort au vote du conseil d’administration d’EDF qui avait émis un avis favorable à l’OPA. En cause, le cumul de ses fonctions de censeur au conseil d’administration de la Société Générale, l’un des deux établissements financiers désignés par l’Etat pour présenter l’offre, et de mandataire social d’EDF. La cour a aussi écarté rapidement cet argument estimant que la note produite par EDF, après avis favorable du conseil d’administration, «assurait une information complète du marché sur les conditions dans lesquelles» celui-ci «avait adopté son avis».

Au moins 100 milliards d’euros d’investissements à financer

L’objectif annoncé des pouvoirs publics est de permettre à l’Etat de soutenir financièrement directement EDF pour lui donner les moyens de financer à la fois les travaux de maintenance de son parc de centrales nucléaires, afin de prolonger leur vie opérationnelle de dix et sans doute vingt ans au-delà des quarante prévus à l’origine, et la relance d’un programme de construction d’au moins 6 nouveaux réacteurs. Des investissements chiffrés au bas mot à 100 milliards d’euros et qu’EDF est incapable de financer seul.

La santé financière d’EDF a été notamment considérablement affaiblie par le mécanisme aberrant de l’Arenh (Accès régulé à l’énergie nucléaire historique) concocté par des technocrates hors sol au ministère de l’Economie en 2010 afin de créer une concurrence artificielle en France sur la distribution de l’électricité. Il revient à contraindre EDF à vendre à prix cassés chaque année à des distributeurs concurrents environ un quart de sa production d’électricité nucléaire (100 TWh) à un tarif fixé à 42 euros par MWh. Et l’an dernier, le gouvernement a même contraint EDF à vendre encore plus d’électricité via ce mécanisme (120 TWh) lui faisant supporter une partie importante du coût du soutien au pouvoir d’achat des ménages devant la flambée des prix de l’électricité. Une mesure au coût exorbitant de 8,34 milliards d’euros pour l’entreprise publique… Cela a contraint EDF à acheter encore plus d’électricité à des prix très élevés sur les marchés de gros  européens pour fournir ses clients et compenser à perte la vente d’une partie supplémentaire de sa production!

La rédaction