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Les prix du pétrole et du gaz à la baisse, mais cela pourrait ne pas durer


Le ralentissement de l’activité économique aux Etats-Unis et en Europe et les politiques restrictives menées par les banques centrales pour lutter contre l’inflation pèsent depuis le début de l’année sur les cours du pétrole et du gaz. Dans ces conditions, l’annonce par TotalEnergies d’un plafonnement à 1,99 euro cette année du litre de gazole et de sans plomb 95 ne lui coûte rien aujourd’hui. Mais cela pourrait changer au fil des mois. Le redémarrage de l’économie chinoise et des prévisions d’importations records de pétrole cette année par la deuxième économie du monde pourraient déséquilibrer le marché pétrolier au deuxième semestre et faire s’envoler les cours. Les dirigeants de TotalEnergies prennent donc des risques financiers et même juridiques face à certains actionnaires. L’objet de l’entreprise n’est pas de mener la politique économique et sociale du pays à la place du gouvernement français…

Les prix du pétrole et du gaz naturel ont continué à baisser au cours lors des dernières semaines face aux craintes d’un ralentissement de l’économie mondiale. Le baril de Brent de la mer du Nord était à 82 dollars le 23 février, en recul d’un peu moins de 5% par rapport au début de l’année et son équivalent américain, le baril de West Texas Intermediate (WTI), s’est établi à 75 dollars en baisse de 6% depuis le 1er janvier. Les politiques résolues des banques centrales de remonter des taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation signifient que l’activité économique va rester atone dans les prochains mois aux Etats-Unis et en Europe.

Quant au gaz naturel, il est passé sous la barre des 50 euros le mégawattheure (MWh) pour le TTF néerlandais, considéré comme la référence européenne, profitant du niveau confortable des stocks des pays de l’Union Européenne.

Il reste encore beaucoup de gaz dans les réserves européennes

Le TTF a ainsi perdu plus de 85% depuis pic atteint en août dernier et environ 35% depuis le début de l’année. Les craintes d’un manque de gaz en Europe cet hiver en raison des baisses considérables d’approvisionnement venant de Russie ont disparu. «La fin de l’hiver n’est plus qu’à quelques semaines et les installations de stockage de gaz en Europe sont encore remplies à 64%», explique Carsten Fritsch, analyste chez Commerzbank, contre un peu moins de 40% et 30% les deux dernières années à la mi-février. Même s’il reste toujours possible que le mois de mars soit exceptionnellement froid et que les particuliers continuent de chauffer leurs habitations jusqu’en avril, il reste «fort probable que la phase de remplissage de l’hiver prochain commence au niveau confortable de plus de 50%», poursuit l’analyste.

TotalEnergies ne prend pas beaucoup de risques financiers à court terme

Sous la pression publique d’Emmanuel Macron qui a lui demandé «de faire un geste» et après avoir annoncé des profits records en 2022 (20,5 milliards d’euros un peu plus que les pertes d’EDF), comme toutes les grandes compagnies pétrolières mondiales, TotalEnergies a annoncé que le litre d’essence sans plomb 95 ou de diesel sera plafonné à 1,99 euro cette année dans les 3.400 stations-service du groupe en France. La mesure concerne le Diesel Premier B7, le Diesel Premier B10, le SP95-E10, le SP95-E5 et le Superéthanol E85 et exclut les deux carburants dits haut-de-gamme Excellium diesel et sans plomb 98. Elle sera mise en œuvre «ce samedi [25 février] sur les autoroutes» et à compter du 1er mars dans toutes les stations. De septembre à décembre 2022, TotalEnergies avait accordé des remises à la pompe de 20 puis 10 centimes dans ses stations, pour un coût total de 550 millions d’euros. 

Le gouvernement français a ainsi trouvé le moyen, en s’appuyant sur l’opinion et sans toucher à ses considérables recettes fiscales sur les carburants, de soutenir le pouvoir d’achat des automobilistes en faisant payer une entreprise privée. Les actionnaires de TotalEnergies pourraient s’en prendre aux dirigeants de la compagnie qui les appauvrit et dont l’objet n’est pas de se substituer au gouvernement pour mener la politique économique et sociale du pays…

Aujourd’hui, avec un baril autour de 80 dollars, l’annonce ne pèse pas vraiment sur les comptes de TotalEnergies. La semaine dernière, le gazole s’est vendu en France au prix moyen de 1,8382 euro le litre, et le sans plomb 95-E10 à 1,8776 euro. Mais si les cours du pétrole repartent à la hausse, ce sera autre chose. Or, les prévisions sont celles d’un resserrement du marché pétrolier mondial du fait de l’augmentation de la demande au deuxième semestre et d’une envolée alors des cours car les importations chinoises de pétrole pourraient atteindre cette année des niveaux records.

Une consommation chinoise de pétrole à des niveaux records

Les importations de pétrole chinoises pourraient augmenter cette année de 500.000 à 1 million de barils par jour en moyenne pour atteindre 11,8 millions de barils selon Energy Aspects, FGE, S&P Global Commodity Insights et Wood Mackenzie. Cela effacerait totalement le recul de la consummation de pétrole chinoise de 2021 et 2022 et dépasserait largement le record d’importation atteint en 2020 avec une moyenne de 10,8 millions de barils par jour.

Selon ses dernières prévisions rendues publiques la semaine dernière, l’Agence international de l’énergie (AIE) estime que la demande mondiale de pétrole devrait augmenter cette année de 2 millions de barils par jour. «La Chine devrait représenter à elle seule près de la moitié de l’augmentation de la demande avec les pays voisins qui bénéficieront également de l’abandon par Beijing de sa politique de zéro Covid», écrit l’AIE.

La banque Morgan Stanley a révisé de son côté à la hausse de 36% ses prévisions d’augmentation de la demande de pétrole dans le monde cette année citant le rebond de l’économie chinoise et aussi celui du transport aérien. Ses prévisions sont très proches de celles de l’AIE avec une augmentation de la consommation de 1,9 million de barils par jour contre 1,4 million auparavant.

Un baril proche des 100 dollars à la fin de l’année

«Les indicateurs de mobilité en Chine, comme les embouteillages, augmentent régulièrement», écrit Morgan Stanley ajoutant que «les planifications de vols ont raffermi la demande de kérosène». Pour autant, Morgan Stanley pense que le marché pétrolier ne sera pas trop déséquilibré parce que la Russie pourra répondre à une partie de l’augmentation de la demande chinoise. «Nous avions estimé auparavant la baisse de la production russe à 1 million de barils en 2023 et nous l’avons révisé à seulement 0,4 million», explique la banque.

Mais cela n’empêchera pas, toujours selon Morgan Stanley, de voir les cours du baril s’établir entre 90 et 100 dollars dans la deuxième partie de l’année. Une autre grande banque américaine, Goldman Sachs, considère elle que le baril pourrait même dépasser les 100 dollars à la fin de l’année.

La rédaction