Transitions & Energies

Pourquoi nous ne pourrons pas nous passer de la climatisation


Dans un monde marqué par la multiplication des vagues de chaleur et des canicules, la climatisation devient indispensable pour des raisons de santé et d’activité économique. Elle est décriée… Mais la plupart du temps pour de mauvaises raisons. L’idéologie selon laquelle les populations doivent souffrir du réchauffement climatique pour y faire face est assez malsaine. Ce sera déjà le cas des athlètes pendant les jeux olympiques de Paris l’an prochain, puisque le village olympique ne sera pas climatisé…

Les températures caniculaires des derniers jours l’ont douloureusement rappelé. Si la lutte contre le changement climatique par la baisse des émissions de gaz à effet de serre est indispensable, nous n’échapperons pas non plus à de nécessaires mesures d’adaptation afin de supporter les vagues de chaleur amenées à devenir de plus en plus régulières et prononcées.

Santé publique, bien être, productivité… Les grandes chaleurs impactent directement la société. Sur les réseaux sociaux, les vidéos de service hospitaliers – dont certains de pédiatrie – dans lesquels la température dépasse les 40 degrés Celsius font le buzz. La canicule est mortelle pour les plus vulnérables. La seule réponse semble aujourd’hui rester les traditionnels messages sur l’hydratation ou la fermeture des volets.

Îlots de chaleur

La climatisation est pourtant l’une des solutions indispensables afin de permettre de travailler, dormir ou tout simplement vivre dans des conditions décentes et sans mettre sa santé en danger. Elle est évidemment décriée, mais est-ce pour de bonnes raisons ?

Le premier reproche qui est fait à la climatisation est la création d’îlots de chaleur dans les centres-villes. Une climatisation fonctionne sur le principe de la pompe à chaleur inversée : elle va capter les calories présentes à l’intérieur pour les rejeter à l’extérieur, et ainsi, refroidir l’air ambiant. Se faisant, dans des villes fortement équipées, ces rejets de chaleur ont tendance à réhausser la température des rues, déjà étouffantes…

Si ce phénomène est réel, il convient déjà de le quantifier. Dans une ville comme Phoenix, aux Etats-Unis, où 98 % des logements sont équipés de climatisation, l’estimation est d’une augmentation d’un degré Celsius de la température extérieure.

18.000 vies sauvées par an aux Etats-Unis

Cet impact, loin d’être anodin, doit cependant être mis en parallèle avec l’apport constaté de la climatisation. Dans ce même pays, dont certaines régions sont déjà et depuis toujours soumises à des vagues de chaleur extrême, les études estiment que la climatisation permet de sauver 18.000 vies par an. Difficile d’en nier l’utilité. De plus, l’argument de l’îlot de chaleur est totalement inopérant en dehors des aires urbaines à forte concentration.

Le second argument revient à opposer climatisation et meilleure isolation des bâtiments. La lutte contre les passoires thermiques est un impératif afin d’éviter les déperditions de chaleur et donc d’énergie l’hiver. Mais elle permet aussi de faciliter la conservation du frais et donc d’améliorer le confort l’été.

Isoler une habitation revient techniquement à limiter et ralentir les transferts thermiques entre l’intérieur et l’extérieur, dans un sens comme dans un autre. Elle permet donc de conserver le frais plus longuement. Mais dans le cas d’une vague de chaleur de plusieurs jours, elle ne permet pas de refroidir.

Climatisation et isolation sont complémentaires pas substituables

L’isolation est donc complémentaire de la climatisation comme elle l’est du chauffage. Isoler permet de réduire l’effort de chauffage l’hiver et de climatisation l’été. Opposer les deux n’a donc aucun sens.

Troisième argument, celui des « HFC », les HydroFluoroCarbures. Ils sont une famille de fluides frigorigènes largement utilisés dans les climatisations et sont nuisibles en cas de fuite. Ils possèdent par ailleurs un pouvoir d’effet de serre bien supérieur au CO2.

Des efforts restent à faire dans le domaine : un bon entretien des machines permet de limiter les risques de fuite, les normes européennes prévoient le remplacement des liquides les plus nocifs dans les prochaines années… Mais on ne peut nier qu’à l’heure actuelle, c’est un point à surveiller.

Cependant, ces liquides se retrouvent aussi dans les pompes à chaleur dont beaucoup réclament l’accélération du déploiement. Pompe à chaleur qui fréquemment font aussi office de climatiseur, via les équipements dits réversibles. S’opposer à l’un et favoriser l’autre est donc un non-sens.

Le problème de consommation d’électricité n’en est pas un si elle est décarbonée comme en France

Le quatrième argument est celui de l’énergie. Un climatisateur est un appareil relativement gourmand en électricité. On peut déjà considérer que c’est un non-problème dans un pays au mix électrique aussi décarboné que la France.

Mais ce que beaucoup oublient de noter, c’est que l’utilisation de la climatisation est directement corrélée avec les pics de production photovoltaïque – qui sont souvent des creux de consommation : les jours chauds, très ensoleillés, d’été lorsque l’économie tourne au ralenti.

Ainsi, la climatisation est complémentaire avec la production photovoltaïque. Et, en absorbant une partie des excédents solaires qui de plus en plus souvent sont écrétés (non produits), peut participer à l’équilibre du réseau électrique. Le tout sans dégager le moindre gramme de CO2 supplémentaire.

La climatisation devient indispensable

La réalité est que la climatisation va vite – et malheureusement – devenir indispensable. Pourtant, par idéologie certains tentent encore de s’y opposer par tous moyens. Idéologie qui veut qu’en réduisant l’impact sur nos vies du changement climatique nous serions moins enclins à lutter contre. Mais l’enfant de 18 mois qui n’arrive pas à dormir à cause de la chaleur, les personnes malades, hospitalisées, etc… Tous doivent-ils être tenus responsables et souffrir, en forme de contrition, pour pousser à lutter contre ce phénomène mondial.

Par idéologie, Paris 2024 ne climatisera pas le village olympique…

D’autres voient aussi dans la climatisation une forme « d’individualisme ». Ignorant que, comme il existe des réseaux de chaleur urbains, des réseaux de froid existent aussi. Permettant dans les grandes villes de fournir de la fraîcheur à l’ensemble des habitants et entreprises. Le plus grand du monde se trouve d’ailleurs… à Paris.

Terminons en rappelant que Paris accueillera l’an prochain les jeux olympiques. Et que le choix a été fait de ne pas climatiser le village olympique, sous des prétextes environnementaux dont nous venons de le voir la solidité n’est pas acquise. Une décision qui pourrait beaucoup faire parler d’elle selon les conditions météorologiques du moment…

Philippe Thomazo

La rédaction