Transitions & Energies
Tesla dans la neige

Pour l’équipementier Bosch, l’Union Européenne se trompe en imposant la voiture électrique à batteries


En imposant la voiture électrique à batteries aux consommateurs tout comme aux constructeurs automobiles, l’Union Européenne mise-t-elle sur une technologie qui a un potentiel et un avenir finalement limités? La question mérite d’autant plus d’être posée que cette transition rapide imposée vers la voiture électrique à batteries met à mal l’industrie automobile européenne. Elle y perd son avance technologique sur ses concurrents en Asie et en Amérique et son indépendance vis-à-vis des producteurs de batteries. Il s’agissait pourtant d’une des rares industries dans laquelle l’Europe était encore dominante. Reste que les doutes exprimés par les constructeurs, même s’ils visent avant tout à défendre leurs intérêts, arrivent de toute façon bien tard.

Peu à peu les langues des dirigeants de certains groupes automobiles européens se délient. Il y a un an et demi, Carlos Tavares, le patron de PSA, s’en était pris «à la pensée unique» qui fait que l’automobile et de loin l’activité la plus mise à contribution quand il s’agit de réduire les émissions de CO2. Une obsession automobile dont la France est un bon exemple qui vient encore de créer une taxe supplémentaire sur le poids des véhicules et dont l’automobile rapportait en 2019 pas moins de 36% des recettes fiscales nettes de l’Etat (83,9 milliards d’euros)… «J’ai discuté avec un haut responsable de l’industrie de l’énergie. Or, j’ai l’impression qu’on ne leur demande pas la même pente de progrès qu’à l’automobile», expliquait Carlos Tavares. Il ajoutait «qu’Il faut aussi mesurer l’empreinte carbone du puits à la roue en prenant en compte l’ensemble du cycle de vie d’une voiture, de la façon d’extraire les matières premières à la fabrication des batteries des voitures électrifiées et au recyclage. Il faut une analyse d’ensemble

Les limites techniques et économiques des véhicules 100% électriques

Il y a un an, le directeur de la recherche et du développement de BMW, Klaus Frölich, s’était également laissé aller à des critiques publiques politiquement peu correctes sur les limitations techniques et économiques des véhicules électriques à batterie, même si BMW en construit. Il avait souligné que les voitures électriques coûtent plus chères à fabriquer que leurs équivalents à moteur thermique à cause des prix des matières premières nécessaires à leurs batteries. Et Klaus Frölich pensait que cela n’était pas prêt de changer. L’autre problème majeur vient, selon lui, du temps de recharge des véhicules électriques à batterie et de leur autonomie dans la vie réelle. Il expliquait que les constructeurs ne sont pas prêts de proposer des voitures avec des temps de recharge approchant ceux des voitures thermiques, pour la bonne et simple raison qu’une recharge trop rapide peut user la batterie en seulement quelques années (deux ou trois selon lui).

Il y a un mois, le nouveau patron de Renault, l’italien Luca de Meo,  s’était livré pour sa part à un réquisitoire contre la politique automobile en Europe lors d’une interview en Italie sur la chaîne de télévision La7. Il reprochait aux gouvernements de subventionner des véhicules électriques peu performants et réservés aux plus favorisés, de ne pas soutenir l’innovation pour améliorer les véhicules et de ne pas être capables de construire un réseau dense de bornes de recharge.

A l’encontre du politiquement correct

Et maintenant c’est au tour de Franz Fehrenbach, le patron du conseil de surveillance de Bosch, le premier équipementier automobile au monde, d’affirmer que l’Union européenne se trompe lourdement en misant tout sur les voitures électriques à batteries. Et cela même si Bosch produit des groupes motopropulseurs pour les voitures électriques.

«Il y a un problème de double standard au détriment du moteur à combustion et au détriment du climat», affirme-t-il dans une interview à un journal de Stuttgart. Il considère que l’Europe a une position idéologique sur la voiture électrique et refuse de prendre en compte un certain nombre de réalités environnementales comme la façon dont est produite l’électricité qui recharge les batteries, quand il s’agit d’énergies fossiles, ou celui du coût réel en matière d’émissions de gaz à effet de serre de la fabrication des véhicules électriques et plus particulièrement de leurs lourdes batteries. Il ajoute que le manque criant de stations de recharge limite encore les possibilités d’utilisation des véhicules électriques à batteries. Il croit par ailleurs bien plus à l’avenir du véhicule électrique à hydrogène, qui a beaucoup moins de limitations d’usage, que celui à batteries.

Toyota tout aussi critique

Le président de Toyota, Akio Toyoda, n’est pas non plus convaincu par les véhicules 100% électriques et croit plus dans les hybrides, dont Toyota est le pionnier, et les voitures électriques à hydrogène dont Toyota est aussi un précurseur avec son modèle Mirai. Dans des propos rapportés à la fin de l’année dernière par le Wall Street Journal, il met en avant lui aussi les limites techniques et économiques des véhicules électriques à batteries.

Il considère que précipiter l’électrique sur les marchés des voitures particulières neuves revient à rendre ces dernières inaccessibles pour une très large frange des automobilistes. Pour la président de Toyota, il vaut mieux mettre l’accent sur des modèles moins polluants accessibles au plus grand nombre avec des technologies fiabilisées que des modèles 100% électriques trop coûteux et difficiles à recharger.

La rédaction