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Après les obligations vertes, les «obligations du paradis»


A priori, l’idée peut sembler farfelue. Mais elle pourrait être efficace et orienter une partie de l’épargne et des investissements vers des projets qui ne dégradent pas la nature et réduisent les émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit d’un nouveau type d’obligations d’Etat dont la création est proposée par le World Economic Forum sous le nom de Eden Bonds, littéralement «obligations du paradis».

Le World Economic Forum explique que les dirigeants politiques ont aujourd’hui «une opportunité historique pour initier un changement massif dans l’utilisation des terres». Les circonstances sont favorables avec à la fois une conscience environnementale de plus en plus grande dans les opinions publiques, des avancées technologiques rapides et des taux obligataires particulièrement bas, voire même négatifs. «Cela permet de diriger la finance vers des projets qui protègent la nature».

Racheter les terres à des prix élevés et les «rendre» à la nature

Jusqu’à aujourd’hui, souligne le World Economic Forum, les structures économiques ont encouragé la conversion du capital naturel en capital financier. La conséquence est qu’une grande proportion des terres habitables est utilisée pour l’agriculture. «Même si cela est justifié par la nécessité d’assurer les besoins alimentaires des populations et de maintenir bas les prix de la nourriture, la réalité est que la production de grains dépasse aujourd’hui largement les besoins alimentaires», écrit le World Economic Forum. Au cours du 20ème siècle, la mécanisation de l’agriculture, la création de semences hybrides et l’utilisation intensive de produits chimiques ont permis d’augmenter les rendements par trois ou quatre en moyenne.

Mais lors des deux dernières décennies, les politiques de promotion des biocarburants ont aggravé les dommages écologiques. En subventionnant l’utilisation des récoltes pour fabriquer des carburants, les gouvernements ont cherché à créer une demande supplémentaire afin notamment de soutenir les cours mondiaux des denrées agricoles. Mais il n’y a aucune logique environnementale aux carburants bio. Le World Economic Forum propose donc comme première étape du retour d’une partie des terres à leur état naturel d’arrêter de les cultiver pour fabriquer des biocarburants.

Le risque serait alors de rendre plus difficile encore la situation des agriculteurs et de détruire les économies rurales. Non seulement, les prix des grains devraient baisser mais dans la foulée, ceux des terres agricoles. La réponse consiste à financer et soutenir la population rurale grâce aux «obligations du paradis».

Pour le World Economic Forum, il est bien préférable de subventionner «l’intérêt général», à savoir la préservation et la restauration de la nature, que la surproduction de grains. La solution: que les gouvernements achètent des terres aux agriculteurs à des prix élevés, déterminés à l’avance. Ces terres seront ensuite «rendues» à la nature. Pour les agriculteurs, le prix du rachat des terres doit leur permettre: de rembourser les emprunts faits pour faire fonctionner leurs exploitations et de compenser largement les pertes de revenus liées à l’arrêt de l’exploitation des terres vendues et à la fin des subventions à la production.

Un rendement de très long terme

Mais comment vont faire les gouvernements pour convaincre les épargnants et les investisseurs d’acheter des «obligations du paradis» qui serviront à racheter les terres à des prix élevés? Aujourd’hui, les taux d’intérêt des emprunts d’Etat sont extrêmement faibles et même souvent négatifs, ce qui met d’ailleurs les compagnies d’assurance, les fonds pension et les investisseurs de long terme dans une situation intenable. Les «obligations du paradis», nouvelle classe d’obligations à côté des obligations vertes déjà existantes, pourraient elles offrir un rendement garanti à très long terme, sur plusieurs décennies. Elles deviendraient alors des investissements attrayantes, notamment en Europe et au Japon.

Le World Economic Forum suggère que ces obligations soient considérées de fait comme le paiement du prêt, pendant 50 ans par exemple, d’une parcelle de terre rachetée par l’Etat qui émet l’obligation. Au bout de 50 ans, la parcelle sera rachetée par les gouvernements à un prix fixé par avance. Pendant ce temps là, les gouvernements verseront un intérêt pour avoir la certitude que les terres resteront en friche et qu’elles seront entretenues et protégées par la main d’oeuvre locale. Les acheteurs des «obligations du paradis» et donc les propriétaires temporaires des terres rendues à la nature pourront même vendre des crédits de carbone à des entreprises.

L’enjeu des «obligations du paradis» n’est pas anecdotique. Environ un quart des émissions de gaz à effet de serre provient de l’exploitation des terres et des forêts.

 

La rédaction