Oubliez les renouvelables intermittents à la mode, l’éolien et le solaire. La fabrication de ses équipements demande des quantités considérables de matières premières et de métaux stratégiques. Les parcs éoliens et solaires utilisent des surfaces considérables et dégradent les paysages et les environnements. Et enfin et surtout, leur production est intermittente et aléatoire, elle dépend de la météorologie, à savoir des vents et de l’ensoleillement. Ce qui signifie qu’il faut obligatoirement d’autres moyens de production dits pilotables, fossiles, nucléaires, hydrauliques quand la météorologie n’est pas favorable ou des moyens de stockage à grande échelle qui n’existent pas aujourd’hui et pas dans un avenir proche. Résultat, les renouvelables intermittents produisent trop ou trop peu et déstabilisent les réseaux électriques et les marchés de gros de l’électricité en faisant fluctuer les cours en quelques heures jusqu’à des prix négatifs ou au contraire extrêmement élevés. La solution existe, elle s’appelle géothermie.
Rappelons qu’il s’agit d’une source d’énergie renouvelable, décarbonée, locale, non intermittente, présente sous toute la surface terrestre. Elle permet d’accéder aux calories du sous-sol qui sont permanentes et constantes. Les équipements géothermiques (sondes, doublets…) ont une très longue durée de vie, de très nombreuses décennies. Le problème avec la géothermie est qu’elle n’a jamais bénéficié du poids politique et économique des lobbys des industries éoliennes et solaires et s’est heurtée à la toute-puissance des producteurs et distributeurs d’électricité et de gaz naturel. Son dernier handicap est qu’elle nécessite des investissements de départ relativement importants.
Les techniques d’exploration et de production de l’industrie pétrolière
Mais les choses changent rapidement avec notamment l’utilisation croissante des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures dans la géothermie. C’est le cas du champion français du secteur, le groupe Arverne, dont les fondateurs viennent de l’industrie pétrolière. Et on voit cela aussi aux Etats-Unis, où la géothermie bénéficie du soutien inattendu de l’administration Trump. Chris Wright qui occupe le poste de secrétaire américain à l’énergie, est aussi le fondateur de la société de services pétroliers Liberty Energy. Cette dernière a investi dans la start-up spécialisée en géothermie Fervo Energy. En prenant ses nouvelles fonctions au sein de l’administration, Chris Wright a bien indiqué qu’il couperait ses liens financiers avec Fervo afin d’éviter tout conflit d’intérêts, mais a souligné dans le même temps son soutien à la géothermie. Il a expliqué qu’il s’agit d’une « source d’énergie au potentiel énorme… C’est une question qui me passionne toujours. Je vais m’en faire le champion ».
Et une expérimentation menée en ce moment outre-Atlantique… par Fervo Energy semble particulièrement prometteuse. Un nouveau type de centrale géothermique a vu le jour dans le désert du Nevada il y a deux ans. Baptisée Project Red, elle a commencé par le forage de deux puits profonds d’environ 2,5 kilomètres à travers des sédiments rocheux et du grès où les températures atteignaient jusqu’à 180 degrés Celsius. Les foreuses ont ensuite creusé un passage horizontal de 400 mètres entre les deux puits.
Les ingénieurs ont injecté de l’eau dans l’un des puits à une pression si élevée qu’elle a fissuré les roches chaudes du sous-sol. L’eau s’est ensuite écoulée dans les interstices, absorbant la chaleur intense, avant de jaillir dans le passage horizontal, créant ainsi un réservoir souterrain. En circulant entre les couches de roches chaudes, l’eau a continué à accumuler de la chaleur. Enfin, l’eau pompée par le second puits – qui atteint une température d’environ 190 degrés Celsius – est remontée à la surface et utilisée pour fabriquer l’électricité qui alimente le centre de données de Google dans le Nevada.
Trois centrales sont prévues
La technologie de Fervo Energy est basée sur la fracturation hydraulique qui consiste à injecter de l’eau dans la roche pour libérer le pétrole et le gaz du sol. Mais dans ce cas, il s’agit d’une méthode durable qui utilise simplement le puissant four intérieur de la Terre pour chauffer l’eau à une température dite « supercritique ». L’eau devient extrêmement chaude sans bouillir, car la pression intense la maintient à l’état liquide. Contrairement à d’autres centrales géothermiques, l’eau des profondeurs n’est pas utilisée sous forme de vapeur pour faire tourner une turbine et produire de l’électricité. Au lieu de cela, le système utilise cette eau chaude, appelée « saumure », pour chauffer et vaporiser un autre système de circulation d’eau qui est transformée en valeur et fait alors tourner une turbine pour produire de l’électricité. L’eau injectée dans le sous-sol ne passe jamais à l’état de vapeur avant d’être réinjectée.
La saumure est renvoyée sous terre, où elle se réchauffe à nouveau et retourne à la surface, formant ainsi un système efficace en boucle fermée. La centrale, qui a commencé à fonctionner fin 2023 est la première d’une série de trois qu’a prévu de construire Fervo Energy qui est basé à Houston au Texas, la capitale de l’industrie pétrolière américaine.
Une des centrales de Fervo en construction dans l’Utah s’annonce spectaculaire. Elle pourrait produire 100 fois plus d’électricité que celle expérimentale du Nevada qui peut fournir 3,5 mégawatts heure à Google. La nouvelle installation devrait produire entre 400 et 500 MWh, suffisamment pour couvrir les besoins annuels en électricité de plus de 400.000 foyers explique Quinn Woodard Jr, directeur des installations de surface de Fervo, au media Interesting Engineering.
Un potentiel illimité
L’énergie thermique fournit gratuitement sous nos pieds par la Terre, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, offre un potentiel gigantesque et une solution à bon nombre de nos problèmes énergétiques. Le noyau de magma qui se trouve au cœur de notre planète restera encore liquide pendant des milliards d’années. Il offre une source de calorie ininterrompue et pratiquement illimitée sans émettre le moindre gaz à effet de serre. Selon les estimations de l’industrie, au moins 20% des besoins énergétiques mondiaux pourraient être satisfaits dans un avenir prévisible si nous pouvions capter ne serait-ce qu’une infime partie de la chaleur géothermique qui se dissipe constamment du noyau de nickel et de fer en fusion de la Terre.
À l’échelle mondiale, la géothermie n’alimente aujourd’hui que 0,34% des besoins en énergie. Un chiffre qui devrait considérablement augmenter à mesure que la technologie permettant de surmonter les difficultés liées aux forages profonds progressera.