Tout d’abord, qu’est-ce que la géoingénierie ? Elle est définie par la Royal Society comme :« la manipulation délibérée à grande échelle de l’environnement planétaire destinée à contrecarrer le changement climatique d’origine anthropique ». Elle est rejetée farouchement par les écologistes et a parfois toutes les apparences de technologies d’apprentis sorciers. Mais pourra-t-on se passer de la possibilité d’une intervention humaine pour limiter le réchauffement, s’il devient incontrôlable, et ses conséquences pour la vie sur terre ?
On voit ainsi depuis plusieurs années une accélération de la recherche, des expérimentations et des moyens mis en œuvre pour développer les technologies de la géoingénierie solaire. Il s’agit sommairement de réduire le réchauffement climatique en réfléchissant une partie de la lumière du soleil dans l’espace avant qu’elle n’atteigne la surface de la Terre. Réduire de seulement 2% le rayonnement solaire qui atteint la terre serait suffisant pour abaisser la température moyenne sur le globe de 1,5 degré Celsius. Voilà pourquoi la Commission européenne, le gouvernement américain et le Programme mondial de recherche sur le climat mettent en avant la nécessité d’intensifier la recherche dans ce domaine.
Toucher à des équilibres et des systèmes qui nous échappent
Ce que l’Académie des Sciences rejette catégoriquement. Pour elle, le danger de manipuler des équilibres qui nous échappent est bien trop grand. Notre compréhension de la complexité du système climatique est limitée. Dans un rapport rendu public le 2 octobre, l’institution appelle à la signature d’un accord international bannissant toute initiative « publique ou privée » visant à modifier le rayonnement solaire pour refroidir la Terre et met en garde contre la « probabilité d’un chaos climatique incontrôlable ».
« Les méthodes de modification du rayonnement solaire pourraient, en théorie, permettre de refroidir la Terre à court terme, mais au prix de risques considérables à long terme si la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère restait élevée », soulignent les académiciens.
Un risque de « rattrapage climatique » et de « choc terminal »
Ils mettent en garde contre les incertitudes sur l’impact de l’utilisation de ses technologies sur la santé humaine ou sur les régimes de précipitation. Mais le principal risque surviendrait lors de l’arrêt des injections d’aérosols.
Cela « entraînerait inévitablement un rattrapage climatique, appelé choc terminal, caractérisé par un réchauffement global extrêmement rapide » ainsi que « des changements climatiques rapides et inégaux selon les régions, bien trop soudains pour que les sociétés humaines et les écosystèmes aient le temps de s’y adapter », écrit l’Académie. Dans ces conditions, « la probabilité d’un chaos climatique incontrôlable est très élevée » et « les bénéfices potentiels ne compenseraient pas les conséquences négatives probables, tant à l’échelle locale que globale ». Le rapport plaide donc pour un accord international interdisant toute initiative de géoingénierie solaire.
Capture de CO2 dans l’atmosphère
Pour autant, les académiciens ne ferment pas la porte à toutes les autres formes de géoingénierie. « Si on veut atteindre les objectifs climatiques, on va avoir besoin d’émissions négatives », explique l’académicien Laurent Bopp, coauteur du rapport. C’est-à-dire de retirer de l’atmosphère des gaz à effet de serre. « Car on n’a pas été capables de baisser nos émissions assez vite pour se conformer aux objectifs de l’Accord de Paris ».
Le rapport recommande ainsi de soutenir la recherche sur le stockage de CO2 dans la biomasse vivante terrestre et les sols (forêts, prairies permanentes, etc.), sur le piégeage de carbone par les océans (restauration des écosystèmes, alcalinisation de l’océan) et aussi sur la capture directe de CO2 dans l’atmosphère.