Transitions & Energies
Alstom Coradia iLint Test Pays-Bas

La France va se doter de trains régionaux à hydrogène


Sur les 30.000 kilomètres de voies ferrées en France, environ la moitié n’est pas électrifiée. Et les électrifier n’aurait aucune chance de devenir un jour rentable. La solution pour remplacer les 1.100 motrices diesel qui circulent sur ses voies passe par les trains à hydrogène et notamment ceux fabriqués par Alstom. Ils sont testés dans plusieurs pays européens depuis des années et quatre régions françaises vont enfin passer commande de plusieurs rames dans les prochains jours. Il a fallu vaincre les réticences de la SNCF.

La transition énergétique dans les transports ne peut se faire qu’en développant des technologies de substitution aux carburants fossiles. Pour les moyens de transport lourds, maritimes, aériens et terrestres, l’hydrogène est aujourd’hui la seule solution réaliste. Cela est notamment le cas dans le transport ferroviaire, pour remplacer les motrices diesel. Testé depuis 2018 en Allemagne, le train à hydrogène d’Alstom arrive enfin en France avec la signature imminente d’un contrat pour 12 à 14 rames destinées à quatre régions pionnières. Les premiers essais commerciaux sont prévus en 2023.

Voies secondaires et TER

Ces trains rouleront sur des voies secondaires non électrifiées où circulent aujourd’hui des motrices diesel. Les moteurs électrique fonctionnant avec de hydrogène et des piles à combustible n’émettent aucun gaz à effet de serre, seulement de l’eau. L’hydrogène devient un vecteur d’énergie, ce n’est pas une source d’énergie, il faut le fabriquer comme l’électricité, réellement vert que s’il est produit par électrolyse avec de l’électricité décarbonée. Une autre solution consiste à fabriquer l’hydrogène avec du gaz naturel mais à capturer et stocker le CO2 émis lors du processus.

La France et plus particulièrement la SNCF ont mis du temps à adopter une technologie qui a été pourtant développée par un constructeur national à savoir Alstom. Cela est d’autant plus incompréhensible qu’ il s’agit de la seule technologie permettant à la SNCF de tenir son engagement de se séparer d’ici 2035 de toutes ces motrices diesel.

Mais le train à hydrogène va enfin démarrer avec la signature dans les prochains jours d’une commande par quatre régions. L’Auvergne-Rhône-Alpes, la Bourgogne-Franche-Comté, le Grand Est et l’Occitanie vont profiter d’un contrat-cadre existant pour acheter des rames auprès d’Alstom, via la SNCF. Trois chacune, et deux supplémentaires en option pour le Grand-Est. Des TER à hydrogène circuleront à partir de 2023-2024 à Auxerre, entre Lyon et Clermont-Ferrand, à Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne). Les Pays de la Loire devraient se joindre au mouvement et utiliser de telles rames pour la transversale Caen-Le-Mans-Tours.

Des prototypes et des commandes en Allemagne, aux Pays-Bas, en Autriche, en Italie

Des trains à hydrogène circule depuis plusieurs années. Alstom a fait fonctionner des prototypes en Allemagne entre 2018 et 2020, puis l’an dernier aux Pays-Bas et en Autriche. Le groupe français a reçu des commandes fermes pour 41 rames en Allemagne qui doivent entrer en service commercial à partir de 2022. Le groupe a aussi vendu six rames à une compagnie italienne, en adaptant un modèle produit dans le pays. Des commandes devraient suivre au Royaume-Uni.

La chaîne de traction fabriquée à Tarbes doit être la même pour les trains français et allemands, avec une autonomie de l’ordre de 400 à 600 kilomètres. Mais les modèles allemands seront propulsés uniquement par leurs piles à combustible à hydrogène tandis que les français auront deux modes de traction et pourront également rouler sur des voies électrifiées en utilisant les  caténaires.

Si la SNCF, longtemps réticente, a fini par se convertir à l’hydrogène, le cahier des charges avec les régions a été difficile à mettre en place tout comme le financement des rames. Les premières rames coûteront 17,3 millions d’euros chacune aux régions, environ un tiers plus cher qu’un train classique. Mais en fait le surcoût est pris en charge par l’Etat qui apporte 47 millions, «ce qui couvre tous les surcoûts» et dans une moindre mesure Alstom et la SNCF qui ont accepté de mettre 16 millions dans le projet. Mais le marché est potentiellement gigantesque. Près de 1.100 TER utilisent aujourd’hui des motrices diesel en France.

Des obstacles économiques et techniques

Cela est lié au fait que près de la moitié des 30.000 kilomètres de voies du réseau ferroviaire français ne sont pas électrifiées. L’électrification des voies par caténaire n’est pas généralisable à l’ensemble du réseau en raison des lourds investissements nécessaires qui ne seraient jamais rentables et du coût de l’entretien des voies électrifiées. Selon une étude récente de l’Agence de la transition écologique (Ademe) sur «52 lignes prioritaires au verdissement identifiées par les régions françaises, 34 lignes pourraient être pertinentes pour l’hydrogène par rapport à une électrification des voies» avec «un  besoin post 2025 de 200-250 trains».

Mais si les débuts du train à hydrogène en France ont été compliqués, la suite ne sera toujours pas facile. Il subsiste des obstacles à la fois économiques et techniques. Il faudra très certainement dans un premier temps utiliser de l’hydrogène gris, fabriqué avec du gaz naturel et qui n’est pas vert, ou bleu, produit avec du gaz mais avec captage du CO2. Tout simplement car les capacités de production d’hydrogène vert ne seront pas suffisantes en France avant plusieurs années et avant qu’une filière se développe.

Certains projets comme celui d’Auxerre intègrent d’ailleurs la production d’hydrogène vert. Elle sera réalisée en utilisant de l’électricité décarbonée provenant des barrages du Morvan.

Il y a aussi enfin un vrai problème industriel. Le modèle de rame adapté à l’hydrogène appelé Coradia est fabriqué sur le site alsacien d’Alstom de Reichshoffen. Mais le constructeur français s’est engagé à céder l’usine et le modèle de train à un concurrent pour obtenir le feu vert de Bruxelles à son rachat du groupe Bombardier Transport. Il faudra donc associer le futur repreneur aux contrats en cours et à venir. Alstom est en négociation exclusive jusque fin avril avec le groupe tchèque Skoda.

La rédaction