Transitions & Energies
Mine de cuivre Bingham Canyon Wikimedia

La France doit redevenir un pays minier


La France peut produire sur son sol une partie importante des métaux stratégiques indispensables à la transition énergétique. Les ressources ne manquent pas.
 Reste à passer de la parole aux actes et à franchir les obstacles financiers, technologiques, environnementaux et à surmonter l’opposition des populations locales. Article publié dans le numéro 12 du magazine Transitions & Energies. Par Stéphanie Haerts.

Depuis la fermeture en 2004 de la dernière mine française de charbon, la France, en tout cas la métropole, n’est plus un territoire minier. Ce qui ne l’empêche par de receler d’importantes ressources de lithium, de cuivre ou de tungstène. Redevenir producteur de métaux stratégiques, relocaliser des approvisionnements devenus indispensables est soudain apparu comme une priorité en Europe en général et en France en particulier. Que cela plaise ou non, la transition environnementale et numérique nécessite l’ouverture de mines et la création de filières comprenant le traitement et le recyclage.

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que d’ici 2040, avec le développement des énergies renouvelables et de la voiture électrique, le monde consommera 40 fois plus de lithium, 20 fois plus de nickel et 7 fois plus de manganèse.

Dépendance pour l’extraction et la transformation des minerais

Notre dépendance n’est pas seulement liée aujourd’hui à l’extraction des minerais mais aussi à la transformation. Les mines de cobalt sont en République démocratique du Congo mais ce minerai est transformé en Chine. Reste aussi à passer des mots aux actes et à surmonter de nombreux obstacles à l’ouverture de mines et de centres de traitement qui vont des moyens financiers importants à mobiliser, des technologies à maîtriser, notamment pour réduire les nuisances et les pollutions inévitables, et à le faire accepter par les populations locales.

En dehors du nickel de Nouvelle-Calédonie et des mines d’or de Guyane, la France est-elle capable d’aller chercher dans son sous-sol les minerais dont elle va avoir de plus en plus besoin, dont les cours s’envolent et dont les productions actuelles sont insuffisantes pour faire face dans les prochaines années aux besoins de la transition? Difficile de répondre à cette question, car si la volonté politique existe, les obstacles à l’ouverture de nouvelles mines en métropole sont considérables. D’abord, parce que le temps des mines semblait définitivement révolu. Il y a un an, en mars 2021, le gouvernement a pourtant signé des ordonnances visant à une «valorisation durable des res- sources et usages du sous-sol». Il s’agissait de réformer les articles du projet de loi climat et résilience faisant référence au code minier et de rendre ainsi plus facile une éventuelle activité minière.

Des obstacles presque insurmontables

Le problème, c’est que vouloir relancer l’exploitation du sous-sol français est une vieille histoire. Une histoire de discours, d’intentions, de velléités… En 2012 déjà, François Hollande annonce son intention de relancer des activités mi- nières. En 2014, Arnaud Montebourg, ministre de l’Économie de l’époque, se donne pour objectif de lancer une grande campagne de prospection pour évaluer les ressources. Des re- cherches de cuivre et d’or débutent dans la Sarthe et la Mayenne. Et puis c’est tout. Les obstacles, réglementaires notamment, semblent insurmontables. La loi sur la transition énergétique de 2015 stipule que la France doit s’assurer que les intérêts retirés de l’exploitation des mines sont plus importants que l’impact environnemental sur les territoires exploités. Des évaluations et des calculs dont la méthodologie dépend avant tout des conclusions auxquelles on veut parvenir…

Pourtant, les besoins sont là et le potentiel bien réel. Selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), le Massif armoricain et le Massif central sont les régions parmi les plus riches en matériaux dits stratégiques. Mais l’exemple est celui de la Nouvelle-Calédonie qui produit du chrome, du cobalt et surtout du nickel. Longtemps menacée par la faiblesse des cours, cette dernière activité a aujourd’hui un avenir extrêmement prometteur. Les cinq îles de l’archipel abritent 25% des ressources mondiales (identifiées par les géologues) et 9% des réserves (jugées exploitables sur le plan technique et économique) au même titre que l’Indonésie et l’Afrique du Sud. Ce métal est indispensable à la fabrication des batteries.

Le lithium est aussi indispensable aux batteries lithium- ion qui équipent les véhicules électriques et la quasi-totalité des équipements électroniques. Le Chili possède les plus grandes réserves mondiales, mais il y a en Alsace de quoi per- mettre en théorie à la France d’être autosuffisante. Le lithium se trouve dans les eaux chaudes du fossé rhénan. Il faut aller les chercher avec les techniques de la géothermie profonde.

À Strasbourg, plusieurs entreprises comme Eramet se sont installées. En décembre 2021, les premiers kilos de lithium géothermique ont été extraits à Soultz-sous-Forêts.

Associer les populations

Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, est formelle. « La France doit extraire du lithium sur son territoire… «Si l’on veut rentrer dans une société dans laquelle on émettra moins de gaz à effet de serre, il faut assumer les conséquences : nous avons be- soin de matériaux comme le lithium.»

L’Europe recense en tout 30 matières premières jugées «critiques» dont l’approvisionnement est incertain pour des raisons de capacités existantes, mais aussi de compétition économique et de rivalités géopolitiques. Cuivre, lithium, tantale, cobalt, uranium ou gallium pour en citer quelques-unes.

Quand c’est possible, il faut les retirer de notre sous-sol. Il faut s’inscrire dans le temps long, comme le fait la Chine, associer étroitement les populations et les convaincre du bien-fondé, de la nécessité et de l’intérêt à redevenir une puissance minière.

La rédaction