Transitions & Energies
Vue aérienne centrale Civaux

La France échappe au scénario catastrophe pour la production d’électricité cet hiver


Un des risques qui pèse sur l’approvisionnement d’électricité en France, et en Europe, pour l’hiver prochain a été en partie levé. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a validé le plan d’EDF pour traiter le problème provenant de la découverte depuis octobre 2021 de corrosion sur certains réacteurs de son parc. Si l’ASN avait demandé l’arrêt supplémentaire de réacteurs, cela aurait déstabilisé encore un peu plus le système électrique européen, déjà affaibli par la menace d’une pénurie de gaz faute de livraisons russes. Pour autant, compte tenu de la faiblesse de la production d’électricité nucléaire française, le risque de pénurie est toujours très présent, surtout en cas d’hiver rigoureux.

La quantité de réacteurs nucléaires que la France sera capable de faire fonctionner cet hiver va être une donnée presque aussi importante pour la sécurité énergétique européenne que le niveau des stocks de gaz. Car si la France est contrainte d’importer massivement de l’électricité, au lieu d’en exporter, comme elle le faisait depuis des décennies, elle va déstabiliser encore un peu plus le système électrique européen en le contraignant à faire fonctionner ses centrales à gaz.

Il est difficile d’imaginer un scénario dans lequel l’Allemagne, faisant face à une pénurie de gaz pour alimenter son industrie et chauffer ses logements, utilise une partie de ses ressources pour produire de l’électricité et l’envoyer en France. Devant une telle perspective, les prix de l’électricité ont quasiment doublé en quelques semaines sur le marché européen. Ils sont passés sur l’électricité pour livraison en 2023 en France autour de 500 euros le mégawattheure (MWh) contre moins de 300 euros mi-juin.

30 réacteurs sur les 56 du parc sont aujourd’hui à l’arrêt

Il faut dire qu’aujourd’hui, pas moins de 30 réacteurs sur les 56 du parc nucléaire français sont à l’arrêt. Pour des raisons de maintenance dite classique, pour 18 d’entre eux, qui a pris beaucoup de retard, et pour 12 d’entre eux, du fait de la découverte depuis octobre 2021 de sérieux problèmes de corrosion sur des circuits de sécurité essentiels en cas d’incident pour refroidir les réacteurs.

Plus précisément, des problèmes de corrosion ont été détectés ou sont soupçonnés au niveau de soudures des coudes des tuyauteries d’injection de sécurité (RIS) du circuit primaire qui permettent de refroidir le réacteur en cas d’accident. Cette corrosion dite «sous contrainte» se traduit par la présence de petites fissures.

La nouvelle rassurante est que l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a validé mercredi 27 juillet la stratégie d’EDF pour faire face aux problèmes de corrosion. EDF prévoit de contrôler l’ensemble de ses réacteurs d’ici à 2025 par ultrasons pour rechercher d’éventuelles traces de ce problème. Le groupe doit contrôler en priorité les réacteurs de 1.450 MW -les plus puissants- et certains de 1.300 MW.

Pas d’arrêt supplémentaire et inopiné de réacteur

L’ASN «considère que la stratégie d’EDF est appropriée compte tenu des connaissances acquises sur le phénomène et des enjeux de sûreté associés», indique-t-elle dans un communiqué. L’Autorité fait une seule remarque négative: «s’agissant du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Belleville, l’ASN considère que le contrôle de ce réacteur prévu en 2024 est trop tardif». EDF en «prend acte» et «étudie une nouvelle programmation des contrôles pour ce réacteur», indique l’électricien public dans une note d’information.

L’information la plus importante est que le calendrier des contrôles de corrosion «s’inscrit dans le cadre des arrêts déjà programmés sur les années 2022 à 2025». Mais «ces arrêts sont susceptibles de se prolonger en cas de réparation pour des durées totales pouvant atteindre 25 semaines». Cela signifie qu’il ne devrait pas y avoir d’arrêt inopiné de réacteurs dans les prochaines années et que le niveau de production électrique ne sera pas affecté, si ce n’est, éventuellement, par la durée des réparations.

«Je trouve que c’est plutôt rassurant que l’ASN prenne cette décision» a déclaré Sébastien Menesplier, de la CGT Mines-Energie. «Compte-tenu de la situation énergétique aujourd’hui et celle du parc de production, tant mieux que l’ASN valide cela», a-t-il ajouté.

«Le scénario auquel on échappe, c’est celui où l’ASN rajoute une contrainte supplémentaire qui diminue la disponibilité nucléaire pour l’hiver à venir», explique Julien Teddé, directeur général du courtier Opéra Energie. «Un avis négatif de l’ASN aurait pu être une mauvaise nouvelle, voire une catastrophe».

La menace de pénurie existe toujours

Mais évidemment, l’ASN ménage l’avenir en estimant que les connaissances sur le phénomène sont «encore évolutives» et que «le programme de contrôle devra être adapté si les contrôles ou analyses mettent en évidence des éléments nouveaux».

Cela dit, la menace de pénurie existe toujours. Ce n’est pas pour rien si pour compenser le manque de gaz livré par la Russie, l’Allemagne et d’autres pays européens, y compris la France, vont recourir de façon bien plus importante aux centrales au charbon.

La production d’électricité nucléaire est aujourd’hui en France à son plus bas niveau depuis 1993 à moins de la moitié de son potentiel de 61,4 gigawatts. Même si quelques réacteurs redémarrent d’ici la fin de l’année, la capacité de production devrait être inférieur d’au moins 25% à ce qu’elle est habituellement à cette période de l’année.

Et les renouvelables ne pourront pas compenser. En 2020, ils ont participé à hauteur de 26,9% à la couverture de la consommation d’électricité de France métropolitaine, l’essentiel provenant de l’hydroélectrique. Les capacités installées éoliennes et solaires augmentent certes, mais avec le sérieux inconvénient d’être aléatoires et intermittentes. Par définition, les journées sont plus courtes et l’ensoleillement plus faible en hiver, voilà pour le solaire. Et les conditions de vent sont difficiles à prévoir.

 

 

La rédaction