Transitions & Energies

Il faut sauver le nickel calédonien


Plusieurs « réunions de travail » auront lieu cette semaine au ministère de l’Economie pour tenter de relancer la production de nickel en Nouvelle-Calédonie. Un métal dit critique pour la transition énergétique mais dont la production n’est plus rentable en Nouvelle-Calédonie… depuis douze ans!

C’est un paradoxe difficile à comprendre. Le nickel est un de ses fameux métaux critiques indispensables à la transition énergétique et notamment à la fabrication des batteries pour les véhicules électriques. C’est un métal qu’il sera difficile de produire en quantités suffisantes pour faire face aux besoins des prochaines années. La France a une grande chance avec le fait que la Nouvelle-Calédonie possède des réserves très importantes de nickel. Faudrait-il encore être capable de surmonter le problème politique qui rend son exploitation inefficace et non rentable.

Le nickel n’est pas un métal rare. Le problème, c’est qu’il a bénéficié de peu d’investissements au cours des dernières années avec des cours faibles et qu’il n’est extrait que dans un nombre assez limité d’endroits, notamment en Indonésie, premier producteur mondial, aux Philippines, en Russie, en Australie, au Canada et… en Nouvelle-Calédonie. Pour bien mesurer les besoins, une batterie lithium-ion de 400 kilos pour une voiture électrique d’une technologie classique contient 60 kilos de nickel. Et pour obtenir les 60 kilos de nickel, il faut traiter 5 tonnes de minerai.

Douze années de pertes

Mais cela fait maintenant douze ans que les exploitants présents en Nouvelle-Calédonie, la Société le Nickel / SLN, Koniambo Nickel SAS et Prony enregistrent des pertes. Et la situation de leurs trésoreries devient préoccupante. En fait, ces sociétés semi-publiques servent de vache à lait à la Nouvelle-Calédonie et emploient 5.035 personnes, soit 7,5% des salariés du secteur privé de l’archipel.

Un audit de l’Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l’économie (CGE), rendu public le 1er août, a bien montré que les conditions d’exploitation issues d’une négociation politique entre indépendantistes et non-indépendantistes a créé une usine à gaz qui est un cauchemar économique. Selon le rapport, la « défaillance simultanée » des trois entreprises, qui n’est pas une hypothèse gratuite, « conduirait à une augmentation du chômage sur le territoire d’environ 50% », à un « déséquilibre » des comptes sociaux de la Nouvelle-Calédonie et à des coûts environnementaux importants.

Une gestion calamiteuse

La production des trois métallurgistes « pourrait théoriquement représenter jusqu’à 85% des besoins des giga-usines françaises de batteries en 2030, ou 14% des besoins de l’UE en 2035 », relève le rapport de l’Inspection générale des finances.

Le document plaide pour des « transformations profondes » de la filière, via notamment une « intégration verticale » avec des acteurs européens, et la création d’une « agence des participations de Nouvelle-Calédonie » pour rationaliser l’actionnariat public en le réduisant progressivement.

Pour que les exploitants deviennent enfin rentables, l’audit préconise d’augmenter la production ne serait-ce que pour permettre aux usines d’atteindre leur capacité nominale, de réduire leurs coûts incroyablement élevés au regard de la concurrence internationale.

Il faudrait aussi convertir deux usines de ferronickels, essentiellement utilisés dans la fabrication des alliages inoxydables, à la production de nickel utilisable dans les batteries, c’est-à-dire de sulfate de nickel. Il s’agit d’une substance cristalline et scintillante tirée, comme son nom l’indique, du nickel. Elle est indispensable pour fabriquer les batteries lithium-ion. Les batteries à haute teneur en nickel ont de grandes qualités dont la stabilité à des températures élevées et la résistance à la surcharge.

Pour tenter de sortir de l’impasse, « plusieurs réunions de travail au niveau technique avec les différentes parties prenantes sur le sujet du nickel » vont se tenir au ministère de l’Economie cette semaine. À Nouméa en juillet dernier, Emmanuel Macron avait promis un « projet nickel d’avenir » pour rendre rentables les usines qui exploitent ce minerai.

La rédaction