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Méthane brulé lors de l'extraction de pétrole en mer de Chine

En dépit des baisses de production annoncées par l’Opep+, les experts ne voient pas le baril de pétrole revenir à 100 dollars


La baisse surprise de leur production décidée le week-end dernier par les pays producteurs de pétrole du cartel Opep+ a fait s’envoler les cours du baril. Pour autant, il s’agit avant tout d’un geste défensif des producteurs de pétrole qui ne veulent pas connaître un effondrement des cours comme lors de la crise financière et économique des années 2008-2009.

L’annonce soudaine dimanche 2 avril d’une baisse de production par les pays producteurs de pétrole du cartel élargi de l’Opep+ a fait brutalement remonter les cours du baril du pétrole au-delà des 80 dollars pour la qualité WTI (West Texas Intermediate) et des 84 dollars pour le Brent de mer du nord. Le WTI a ainsi regagné 17% depuis la mi-mars (67 dollars) et le Brent 15% (73 dollars). Cela a inversé une tendance qui avait vu les cours du baril perdre plus 40% entre l’été 2022 et mars 2023.

L’Opep+ regroupe les 13 pays producteurs de l’Opep «historique» menés par l’Arabie Saoudite et leurs 10 alliés menés par la Russie. Les uns et les autres ont voulu, et réussi, à enrayer une baisse des cours du pétrole que la crise bancaire américaine avait accéléré le mois dernier. Les pays de l’Opep ont ainsi annoncé le 2 avril une baisse de production de 1,16 million de barils par jour jusqu’à la fin de l’année et la Russie a annoncé pour sa part que sa baisse de production de 500.000 barils par jour prévue jusqu’en juin serait maintenue jusqu’à la fin de l’année. En février, les treize pays de l’Opep ont pompé 28,92 millions de barils par jour, selon les chiffres du cartel, et S&P Global Platts estimait à 42,67 millions de bpj la production de l’Opep+. La consommation mondiale est de l’ordre de 100 millions de barils par jour.

Incertitudes sur la croissance des deux premières économies mondiales, Etats-Unis et Chine

Pour Ed Morse, le responsable de la recherche sur les matières premières de Citigroup interrogé par l’agence Bloomberg, il reste peu probable en dépit des baisses de production que le baril de pétrole atteigne le seuil des 100 dollars cette année compte tenu des incertitudes sur la croissance et donc la demande de pétrole des deux premières économies mondiales, celles des Etats-Unis et de la Chine. Warren Patterson, responsable de la stratégie matières premières d’ING, estime que «nous devrons être vigilant pour savoir si le resserrement agressif de leurs taux d’intérêt par les banques centrales du monde entier entraîne un ralentissement plus fort que prévu plus tard dans l’année.»

«Il existe bien un scénario avec un baril à 100 dollars, mais nous en sommes encore très loin. Il faudrait pour cela que beaucoup plus d’offre de pétrole soit retirée du marché avec, par exemple, des perturbations de l’approvisionnement provenant en même temps de pays comme l’Iran, l’Irak, la Libye et le Nigeria et sans certitudes sur le retour de ce pétrole sur le marché pétrolier», affirme Ed Morse. Il ajoute que la baisse de production par l’Opep+ est avant tout une mesure défensive pour éviter un effondrement des prix du pétrole comme cela s’était produit durant la crise financière et économique des années 2008-2009.

Et puis les hausses de prix ont un impact sur la production de pétrole de schiste américaine. Le niveau de production des groupes pétroliers américains dépend étroitement des cours du baril car leur rentabilité est très inférieure à celle des pays de l’Opep+ avec des coûts de production de l’ordre de 50 dollars le baril. «Je suis persuadé que la hausse des prix que nous venons de voir va avoir un impact sur la croissance de la production américaine», explique Ed Morse.

D’autres analystes plus prudents

Il considère fondamentalement que le marché pétrolier restera assez équilibré. «Nous voyons le dernier sursaut de la demande». Il ajoute que si la croissance de la demande chinoise de pétrole est importante aujourd’hui, elle ne fait que compenser le recul de l’année dernière.

Mais d’autres analystes sont plus prudents à l’image d’Amrita Sen, fondateur et responsable de la recherche du cabinet Energy Aspects. Il estime que si la croissance économique tient aux Etats-Unis et en Chine, les prix du pétrole peuvent continuer à augmenter cette année et atteindre les 100 dollars.

De la même façon, la banque américaine Goldman Sachs a révisé à la hausse ses prévisions sur les prix du pétrole pour la fin de l’année de 90 à 95 dollars pour le Brent. Elle a fait de même pour 2024 portant sa prévision à 100 dollars contre 97 dollars auparavant.

La rédaction