La demande mondiale d’énergie a augmenté d’un peu plus de 1% l’année dernière et la croissance record de la production d’énergies renouvelables n’a réduit en rien la domination des combustibles fossiles, qui représentent toujours 82% de la consommation mondiale et environ 61% de la production d’électricité dans le monde selon le rapport Statistical Review of World Energy 2023 (Revue statistique de l’énergie mondiale 2023) de l’industrie, publié au début de la semaine.
En 2022, la consommation mondiale d’énergie primaire s’est élevée précisément à 604,04 exajoules (unité de mesure d’énergie internationale correspondant à une multiplication par 10 puissance 18 d’un joule) soit une hausse de 1,1% par rapport à 2021 et près de 3% par rapport au niveau d’avant Covid de 2019. Cette augmentation de la demande a été tirée, comme en 2021, par les économies émergentes qui dans le rapport comprend la Chine. Logiquement, les émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie -qui comptent selon le rapport pour 87% de l’ensemble des émissions mondiales de CO2- ont continué à augmenter. Elles se sont élevées à 39,3 milliards de tonnes en 2022, 0,8% de plus qu’en 2021.
Evolution de la consommation mondiale d’énergie par sources d’énergie. Dans l’ordre du graphique : pétrole, gaz naturel, charbon, nucléaire, hydroélectricité et renouvelables. Source : Statistical Review of World Energy 2023.
Part des sources d’énergie en pourcentage dans la consommation mondiale. Dans l’ordre du graphique : pétrole, charbon, gaz naturel, renouvelables, hydroélectricité et nucléaire. Source: Statistical Review of World Energy 2023
Il faut souligner parmi les faits saillants que la consommation mondiale de charbon a encore augmenté de 0,6% en 2022 et a compté pour 35,4% de la production mondiale d’électricité. Et cela même si la production d’électricité des filières renouvelables hors hydroélectricité (qui reste de loin la principale filière renouvelable dans le mix électrique mondial) a encore augmenté de 14% en 2022 après une hausse de 16% en 2021. La part du nucléaire, filière dont la production a chuté de 4,4% dans le monde en 2022, a légèrement baissé à un peu plus de 9% du mix électrique mondial.
L’année dernière a été plus particulièrement marquée dans le monde de l’énergie par les fortes turbulences sur les marchés nées de l’invasion en février de l’Ukraine par la Russie. Cela s’est notamment traduit par une envolée des prix du gaz et du charbon à des niveaux record en Europe et en Asie.
Le rapport annuel, qui fait autorité depuis plus de 70 ans a été publié pour la première fois par l’Energy Institute (EI) en collaboration avec les cabinets de conseil KPMG et Kearney. Il lui a été transmis par la compagnie pétrolière BP qui en est l’auteur depuis 1952. C’est en février que BP et l’Energy Institute ont annoncé dans une déclaration commune que l’EI serait le nouveau «gardien» de la Revue statistique de l’énergie mondiale. La déclaration commune décrivait la Revue comme «la collecte et l’analyse la plus complète, la plus objective et la plus opportune de données sur la production, la consommation et les émissions d’énergie dans le monde».
Pour la Présidente de l’Energy Institute, Juliet Davenport, «malgré la poursuite de la forte croissance de l’énergie éolienne et solaire dans le secteur de l’électricité, les émissions mondiales de gaz à effet de serre liées à l’énergie ont de nouveau augmenté. Nous allons toujours dans la direction opposée à celle requise par l’Accord de Paris». Le Directeur général de l’EI, Nick Wayth, a ajouté que «tandis que le monde sortait de la pandémie et de son impact sur la demande, il a vu en 2022 les marchés de l’énergie à nouveau en crise, avec le conflit ukrainien qui a bouleversé l’offre dans le monde. Cela a précipité une envolée des prix et de profondes pressions sur le coût de la vie dans de nombreuses économies».
Voici quelques points clés du rapport.
Consommation
La demande mondiale d’énergie primaire a augmenté de 1,1%, ce qui représente un ralentissement par rapport à la progression 5,5% de 2021, évolution liée avant tout au rattrapage ayant suivi l’année 2020 marquée par la pandémie mondiale de coronavirus. La demande mondiale d’énergie l’an dernier était supérieure d’environ 3% à celle de 2019 avant la pandémie.
La consommation d’énergie a augmenté partout dans le monde, sauf en Europe, y compris en Europe de l’Est.
Les énergies renouvelables, hors hydroélectricité, ont représenté 7,5% de la consommation mondiale d’énergie, soit environ 1% de plus qu’en 2021. La part des combustibles fossiles dans la consommation mondiale d’énergie est restée à 82%.
La production d’électricité a augmenté de 2,3%, soit un ralentissement par rapport à l’année précédente. L’énergie éolienne et solaire a atteint une part record de 12% de la production d’électricité, dépassant à nouveau le nucléaire, qui a chuté de 4,4%, et répondant à 84% de la croissance nette de la demande d’électricité.
La part du charbon dans la production d’électricité est restée dominante, à environ 35,4%.
Pétrole
La consommation de pétrole a augmenté de 2,9 millions de barils par jour (bpj) pour atteindre 97,3 millions de bpj, avec une croissance ralentie par rapport à l’année précédente. Par rapport aux niveaux pré-Covid de 2019, la consommation de pétrole a baissé de 0,7%.
La production de pétrole a augmenté de 3,8 millions de bpj, la part du lion provenant des membres de l’OPEP et des États-Unis. Le Nigeria a connu la plus forte baisse.
La capacité de raffinage du pétrole a augmenté de 534 000 bpj, principalement dans les pays non membres de l’OCDE.
Gaz naturel
Dans un contexte de prix record en Europe et en Asie, la demande mondiale de gaz a baissé de 3%, mais a tout de même représenté 24 % de la consommation d’énergie primaire, soit un peu moins que l’année précédente.
La production de gaz est restée stable d’une année sur l’autre.
La production de gaz naturel liquéfié (GNL) a augmenté de 5 % pour atteindre 542 milliards de mètres cubes (Gm3), soit un rythme similaire à celui de l’année précédente, l’Amérique du Nord et la région Asie-Pacifique étant les principales sources de croissance.
L’Europe a été à l’origine de la majeure partie de la croissance de la demande de GNL, augmentant ses importations de 57 %, tandis que les pays de la région Asie-Pacifique et de l’Amérique du Sud et centrale ont réduit leurs achats.
Le Japon a remplacé la Chine en tant que premier importateur mondial de GNL.
Charbon
Les prix du charbon ont atteint des niveaux record, augmentant de 145 % en Europe et de 45 % au Japon.
La consommation de charbon a augmenté de 0,6 %, son plus haut niveau depuis 2014, tirée principalement par la demande chinoise et indienne, tandis que la consommation en Amérique du Nord et en Europe a diminué.
La production de charbon a augmenté de 7 % par rapport à l’année précédente, la Chine, l’Inde et l’Indonésie étant à l’origine de la majeure partie de la croissance.
Renouvelables
La croissance de l’énergie renouvelable, hors hydroélectricité, a légèrement ralenti pour atteindre 14 %, mais la capacité solaire et éolienne a tout de même enregistré une augmentation record de 266 gigawatts, l’énergie solaire se taillant la part du lion. Ensemble, solaire et éolien ont atteint une part record de 12% de la production d’électricité, avec 25% pour le solaire et 13,5% pour l’éolien. Les énergies renouvelables (hors hydroélectricité) ont répondu à 84 % de la croissance nette de la demande d’électricité en 2022. C’est la Chine qui a installé le plus de capacités nouvelels de production d’énergie solaire et éolienne.
La part des renouvelables augmente rapidement dans la production électrique. Dans l’ordre du graphique : charbon, gaz naturel, renouvelables et pétrole. Source : Statistical Review of World Energy 2023.
Emissions de gaz à effet de serre
Les émissions mondiales liées à l’énergie, y compris les processus industriels et l’élevage, ont augmenté de 0,8%, atteignant un nouveau record de 39,3 milliards de tonnes d’équivalent CO2.