<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Energie: l’Europe prise à nouveau en flagrant délit d’irresponsabilité

27 novembre 2025

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Flamme Gaz Naturel Wikimedia Commons
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Energie: l’Europe prise à nouveau en flagrant délit d’irresponsabilité

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L’Europe en général et l’Allemagne en particulier ne sont pas prêts à faire face à un hiver rigoureux. Les stocks de gaz, surtout de l’Allemagne et des Pays-Bas, sont à des niveaux trop faibles pour répondre à une éventuelle envolée prolongée de la demande. La crise énergétique de 2022 n’a pas servi de leçon. Dans la panique, les dirigeants européens avaient alors acheté toutes les cargaisons de gaz naturel liquéfié (GNL) disponibles et à n'importe quel prix. La conséquence avait été une flambée des prix du gaz et de l’électricité. Un scénario qui pourrait se reproduire si la météorologie n’est pas favorable.

La perspective d’une éventuelle cessation des hostilités en Ukraine a eu un impact immédiat sur les marchés de l’énergie et plus particulièrement celui du gaz. Le prix de référence du gaz naturel TTF en Europe est tombé sous le seuil des 30 €/MWh, son plus bas niveau depuis mai 2024. Certains acteurs du marché vont jusqu’à anticiper une reprise de livraisons de gaz naturel russe vers l’Europe occidentale. Un pronostic pour le moins hasardeux. Ce que cette baisse des cours du gaz reflète également est une forme de légèreté sur la réalité de la sécurité d’approvisionnement énergétique de l’Europe occidentale.

Cours du gaz en Europe, en euros du MWh.

En règle générale, les prix du gaz en Europe augmentent au cours du second semestre de chaque année quand les pays regarnissent leurs stocks à l’approche de l’hiver et de la hausse saisonnière de la demande de chauffage. Elle est fort logiquement étroitement liée au niveau des températures et au caractère plus ou moins rigoureux de l’hiver. Mais cette année est une exception assez incompréhensible. Les cours du gaz baissent en fait depuis la fin du mois de juin. Et plus préoccupent, l’Europe entre dans l’hiver avec des stocks de gaz bien moins élevés qu’au cours des dernières années.

Des stocks remplis en Allemagne à seulement 70%

Au 31 octobre, date traditionnelle du début de la saison de chauffage, les stocks de gaz européens n’étaient remplis qu’à 83%. En comparaison, ils étaient remplis à 95% en 2024 et à 99% en 2023. Cette situation est avant tout la conséquence des faibles niveaux de stockage en Allemagne (70%), le plus grand consommateur de gaz en Europe, et aux Pays-Bas (68%). Le niveau de remplissage actuel de l’Allemagne est le plus bas pour cette période de l’année depuis dix ans ! En revanche, il est de 87% en France, de 89% en Italie, de 94% en Pologne est de 84% en Espagne et en Belgique.

Tout cela signifie que l’Allemagne est en risque. Avec la petite vague de froid qui a traversé l’Europe en cette fin du mois de novembre, l’Allemagne produit déjà plus d’électricité à partir du gaz naturel qu’à aucun autre moment depuis 2021, lorsque la Russie a commencé à restreindre ses approvisionnements en gaz par gazoduc en prévision déjà de l’invasion de l’Ukraine en février 2022. Cet épuisement relatif des stocks de gaz augmente la possibilité qu’un hiver rigoureux, associé à des conditions météorologiques de type « Dunkelflaute » (calme plat et fortes nébulosités qui réduisent considérablement la production solaire et éolienne), puisse entraîner une forte augmentation de la consommation de gaz. Dans cette hypothèse, l’Allemagne pourrait manquer de gaz à la fin de l’hiver.

L’Allemagne est irresponsable en matière d’énergie depuis des années

L’Allemagne nous a habitué depuis des années maintenant à avoir une politique énergétique irresponsable. En investissant massivement des les renouvelables intermittents et en fermant ses centrales nucléaires ce qui s’est traduit par une envolée des prix de l’électricité dans toute l’Europe et une dépendance accrue aux centrales à charbon et au lignite. Ou en se mettant totalement dans les mains de la Russie pour son approvisionnement en gaz…

Maintenant, en cas d’hiver rigoureux et de forte augmentation de la demande de gaz, l’Allemagne et d’autres pays européens ne seront pas menacés de pénurie car ils chercheront immédiatement à augmenter leurs importations de gaz, ce qu’ils avaient fait dans la panique en 2022. Reste à savoir, d’où proviendront les importations supplémentaires et comment les pays feront face alors à l’augmentation inéluctable et forte des prix du gaz et de l’électricité.

Il faudra importer encore plus de GNL

Les nouvelles importations de gaz ne viendront pas par gazoduc et pas de la Russie. Si la guerre en Ukraine se termine et même si certains pays européens accueilleraient favorablement le retour du gaz russe, les pays clés traversés par des gazoducs terrestres, à savoir la Pologne et l’Ukraine, ne seront pas enclins à faciliter les importations énergétiques russes. Et si l’un des quatre gazoducs Nord Stream sous la Baltique vers l’Allemagne est intact et devrait pouvoir être utilisé, les obstacles juridiques et politiques à sa mise en service sont considérables.

La seule possibilité consiste donc à importer davantage de gaz naturel liquéfié (GNL). Au deuxième trimestre 2025, les terminaux d’importation allemands fonctionnaient généralement à environ 9 millions de MWh par mois, contre une capacité de près de 20 millions de MWh. Cela signifie qu’il est possible d’augmenter les importations de GNL d’environ 10 millions de MWh par mois, ce qui est suffisant pour répondre à une hausse de la demande.

Les Etats-Unis au maximum de leurs capacités d’exportation

Mais qui fournira ce GNL ? En théorie, une partie pourrait provenir de Russie. En octobre, plus de 10% des importations de GNL de l’Union européenne, soit environ 14 millions de MWh, provenaient de Russie. Sur la base des données d’importation passées, ce chiffre pourrait probablement être augmenté d’environ 7 millions de MWh. Mais la politique de l’UE reste de réduire à zéro sa dépendance vis-à-vis des importations énergétiques russes d’ici 2027, et un revirement est aujourd’hui invraisemblable.

Donc la majeure partie du GNL supplémentaire devrait provenir d’autres producteurs, notamment des États-Unis, le plus grand exportateur mondial qui fournit actuellement environ 60% des importations européennes, soit 85 millions de MWh en octobre.

Ces derniers mois, les États-Unis ont exporté environ 130 millions de MWh par mois, ce qui est très proche de leur capacité maximum. Par conséquent, si une vague de froid prolongée frappe l’Europe, ils ne pourront répondre à la demande européenne qu’au détriment d’autres acheteurs. Parmi ceux-ci pourrait figurer la Chine et d’autres pays asiatiques. Ce qui se traduira par une guerre des prix. Si l’Europe connaît un hiver rigoureux, les Européens pourraient se retrouver à payer beaucoup plus cher leur gaz et leur électricité dans les mois à venir. La récente baisse des prix des cours du gaz TTF aura été une illusion.

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