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Centrale nucléaire Gravelines wikimedia commons

Chute de la consommation d’électricité en France et plans pour éviter un black out


La consommation d’énergie en général, et d’électricité en particulier, baissent en France avec le confinement et le ralentissement de l’activité économique et des transports. Pour autant, EDF, RTE et Enedis multiplient les mesures exceptionnelles pour assurer que la production et la distribution d’énergie ne soient pas affectées par l’épidémie.

Sans surprise, le confinement, la réduction considérable des transports et la mise à l’arrêt de bon nombre d’entreprises ont réduit assez sensiblement la consommation d’électricité en France. Selon le Réseau de Transport d’Électricité (RTE), elle a diminué de 15% après les premiers jours de confinement. Et elle devrait encore se réduire dans les prochaines semaines. La demande de gaz a baissé dans le même temps de 10 à 15% sur le réseau de GRTgaz a indiqué la société qui gère la majeure partie du réseau de transport gazier français.

Les rythmes de consommation d’électricité ont également été modifiés durant la journée. Habituellement, elle atteint son plus haut niveau aux alentours de 8h, lorsque les Français débutent leur journée, que les industries et les entreprises démarrent leurs activités et que les transports collectifs trains et métros fonctionnent à pleine capacité. Cette consommation reste élevée jusqu’à la mi-journée. Depuis la mise en place des mesures de confinement, la consommation augmente plus lentement le matin, et n’atteint un pic qu’aux alentours de 13h.

L’après-midi, la consommation diminue également plus fortement qu’en temps normal, reflet du ralentissement de la vie économique. RTE n’a donc aucun mal à assurer l’équilibre en temps réel entre production et consommation. La France continue par ailleurs à exporter de l’électricité. Mais elle doit aussi se préparer aux conséquences éventuelles sur les capacités de production d’électricité de l’épidémie de coronavirus, surtout si elle continue à prendre de l’ampleur et affecte le personnel des entreprises qui produisent et distribuent l’électricité.

Force d’action rapide nucléaire

Les grandes entreprises et tout particulièrement EDF se disent prêtes à toute éventualité. EDF, qui ne communique ni sur les taux d’absentéisme liés au virus ni sur le nombre de cas avérés parmi ses effectifs, indique disposer de plans permettant de faire fonctionner ses centrales nucléaires avec 25% de personnel en moins pendant trois mois et 40% en moinspendant deux à trois semaines.

L’électricien public s’est doté par ailleurs d’une force d’action rapide nucléaire Elle est prête à entrer en action à tout moment et dispose de vivres, de lits de camp et de matériel de soins supplémentaires. Ses 300 agents, répartis sur cinq sites, sont prêts à intervenir, en hélicoptère, en barge, ou encore en camion tout-terrain. Formé d’agents très pointus, qui multiplient les exercices tout au long de l’année, cette force d’action rapide du nucléaire peut prendre les commandes d’une centrale nucléaire avec une équipe réduite, en urgence. Cela n’est encore jamais arrivé.

La Force d’action rapide nucléaire, créée au début des années 2000, n’est intervenue qu’une fois, pour une opération qui n’avait pas de lien avec le nucléaire. C’était à Saint-Martin, après le passage du cyclone Irma, en 2017. Mais l’entreprise publique doit garantir la production d’électricité, quelle que soit l’étendue de l’épidémie. Il en va de la sécurité nationale et de la poursuite d’activités vitales qu’elles soient sanitaires, de communication et de transport notamment. Les centrales nucléaires qui assurent en moyenne plus de 70% de la production électrique et nécessitent un personnel minimum hautement compétent sont vitales dans le dispositif. Selon les chiffres en temps réel de RTE, le 22 mars à zéro heure, le nucléaire produisait 65% de l’électricité française, l’hydraulique 15%, l’éolien 13%, et les centrales thermique 5%. Le reste était réparti entre la biomasse et le pompage.

Un communiqué sur la centrale de Gravelines

Le 19 mars, dans un communiqué, EDF s’est voulu rassurant sur la capacité de la centrale nucléaire de Gravelines, la plus grande d’Europe. «Le scénario d’une épidémie existe à la centrale nucléaire de Gravelines, la plus grosse d’Europe occidentale, avec ses six réacteurs. Il permet de fonctionner pendant douze semaines, avec un quart du personnel en moins et, en cas d’aggravation de la crise sanitaire, avec 40 % d’absents, pendant au moins deux semaines. Et la centrale peut anticiper, en mettant à l’abri des personnels, en les laissant chez eux en cas de besoins futurs. Le but est de continuer à produire de l’électricité, tout en maintenant le programme de travaux obligatoires sur les réacteurs. Ainsi la tranche 2 doit être arrêtée pour rechargement de combustible dans les jours à venir. Concrètement,  EDF a surtout besoins d’agents de maintenance et de conduite. En temps normal, il y a 7 équipes fonctionnant en quart, qui peuvent passer à 2, en mode très dégradé.»

En fait, toute la filière doit être capable de faire face à l’absentéisme d’agents susceptibles d’être contaminés. EDF a suspecté plusieurs cas dans sa centrale normande de Flamanville. L’électricien a donc déclenché un plan de continuité d’activité pour ces deux réacteurs (alors à l’arrêt), réduisant à une centaine le nombre d’agents présents sur le site, contre environ 800 habituellement.

Groupes d’interventions

Chez RTE (le gestionnaire du réseau de transport) et Enedis (pour la distribution), des plans ont été aussi activés pour faire face à l’épidémie. Dès le 1er mars, une cellule de crise s’est mise en place chez Enedis. Le distributeur d’électricité a mobilisé partout en France des brigades d’agents prêtes à intervenir en urgence, surtout en cas d’inondation ou de tempête qui viendrait ajouter accroître les problèmes. Elles assurent aussi, évidemment, les dépannages d’urgence sur le réseau, sept jours sur sept. En cas de défaillance ou de fatigue, une deuxième vague d’agents-réservistes, qui ne côtoie jamais la première, est elle aussi sur le pied de guerre.

Enedis doit aussi et avan tout garantir que l’électricité ne manquera ni à un hôpital, ni à une maison de retraite, ni encore à un gymnase susceptible d’accueillir du public en cas de crise. Guidé par les préfectures, Enedis repère donc les endroits les plus sensibles et les sécurise. La filiale d’EDF est, par exemple, prête à intervenir rapidement sur le groupe électrogène d’un hôpital s’il tombe en panne. Et Enedis, en cas de problème majeur, a aussi sa Force d’intervention rapide d’électricité, ou Fire. Tout un programme.

La rédaction