Transitions & Energies
Centrale EDF Belleville

EDF exporte à nouveau de l’électricité


Soumis depuis de nombreuses années par les gouvernements successifs à des injonctions contradictoires qui l’ont affaibli financièrement comme humainement, EDF a connu de surcroît une année 2022 noire. Elle a été marquée par une production d’électricité nucléaire historiquement basse à la suite de problèmes de maintenance et de corrosion sous contrainte sur un certain nombre de réacteurs et EDF a été contraint par le gouvernement de vendre une quantité encore plus importante de son électricité nucléaire à perte à ses concurrents. Mais l’énergéticien public a plus de ressource qu’on l’imagine. Depuis le début de l’année 2023, bénéficiant de températures clémentes, du redémarrage progressif d’une grande partie de son parc de réacteurs nucléaires et de vents importants pour alimenter les éoliennes, il est redevenu fortement exportateur d’électricité.

Depuis des décennies, la France s’est placée comme l’un des plus grands producteurs d’électricité au monde, mais aussi comme l’un des plus grands exportateurs. Or en 2022, une accumulation d’éléments défavorables (planning de maintenance surchargé, corrosion sous contrainte détectée sur certains réacteurs qui se sont trouvés être les plus puissants du parc, sécheresse réduisant la production hydroélectrique) a fait momentanément basculer le pays dans le camp des importateurs.

Ce changement a été vécu comme un traumatisme. Le symbole d’un déclin. Un tremblement de terre dans le monde politique qui a entraîné la constitution à l’Assemblée nationale d’une commission visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France.

Deux millions de MWh exportés sur les seuls 13 premiers jours de janvier

Beaucoup ont alors cédé aux sirènes du déclinisme. EDF serait condamnée, plombée par ses dettes, et par le trou financier en 2022 créé à la fois par la baisse de sa production et par certaines décisions politiques comme le bouclier tarifaire et l’augmentation du quota d’ARENH (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique) pour les fournisseurs alternatifs.

Mais si les années se suivent, elles ne se ressemblent pas forcément. Et les premières semaines de 2023 sont là pour nous le rappeler. Ainsi, les planètes semblent cette fois parfaitement s’aligner pour l’énergéticien français. Le redémarrage des réacteurs nucléaires, s’il a pris du retard durant l’automne 2022, s’est accéléré durant le mois de décembre. La météo est clémente et l’hiver particulièrement doux ces dernières semaines. Le vent, très présent, participe à une excellente (et sûrement record) production éolienne.

Et ces conditions exceptionnelles se répercutent immédiatement sur les chiffres. Alors qu’EDF avait dû importer 8,7 millions de MWh (8,7 TWh) sur les 9 premiers mois de 2022 pour compenser la faiblesse de sa production locale, ils se retrouvent exportateur de plus de 2 millions de MWh (2 MWh) sur les seuls 13 premiers jours de janvier.

Mettre fin à la sinistrose

Alors bien entendu, il est encore trop tôt pour tomber dans la simple satisfaction. De nombreux problèmes restent à régler. Les tranches les plus puissantes du parc n’ont pas encore été reconnectées au réseau et ne commenceront à l’être que dans quelques jours. Il va falloir débuter dans les prochaines semaines les maintenances printanières habituelles avec un planning qui reste chargé. Et 6 réacteurs de 1.300 MW doivent être arrêtés pour des réparations liées à la corrosion sous contrainte.

Malgré tout, les symboles sont importants. Tout d’abord pour les marchés: rien de plus efficace pour rassurer les marchés que d’être capable de se poser à nouveaux comme des leaders européens. D’autre part, il était temps de mettre un terme à la sinistrose ambiante en France, en particulier dans le milieu de l’énergie.

Et cela a deux impacts majeurs. Tout d’abord, la détente sur les prix, signe d’un marché qui se rassure, est une excellente nouvelle pour nos entreprises bien entendu. Mais le retour à une production importante devrait permettre à moyen terme à la France de bénéficier pleinement de la stabilité qu’offre son parc nucléaire et de sa faible exposition aux besoins de combustible fossile. Et de facto, de bénéficier de prix à terme de l’électricité (ce qui fixe le montant des contrats pour les entreprises) significativement inférieur à ceux de ses voisins. Offrant un avantage comparatif extrêmement important.

Des investissements massifs restent indispensables

Deuxième impact et non des moindres: en 2022, pour compenser la baisse de son parc, le pays a dû utiliser durant tout l’été des centrales thermiques au gaz, que ce soit sur le territoire français ou en important depuis l’étranger. En 2023, le retour à une production suffisante devrait permettre d’éviter l’utilisation de plusieurs millions de mètres cubes de méthane, facilitant la reconstitution des stocks en vue de l’hiver prochain.

Enfin, un risque important existe. L’arrêt du renouvellement du parc nucléaire français était principalement dû à une croyance: la France était en surproduction électrique et, la consommation interne stagnant, cet état de fait était destiné à durer. Construire plus de capacité de production était inutile.

Nul doute que les craintes de l’hiver 2022 risquent d’être bien vite oubliées par certains qui retomberont dans leurs travers en la matière. Et que les décisions d’investissement ne tarderont pas à être questionnées au nom d’une surproduction instantanée. Il convient donc de rester très attentif.

Attentif à l’évolution de la situation du parc nucléaire, et à la capacité d’EDF à retrouver une production normale dans les prochains mois. Mais aussi attentif aux tentations qui pourraient saisir certains de profiter d’une relative accalmie et d’un semblant de retour à la normale pour tenter, à nouveau, de saborder le développement de l’appareil productif français.

Philippe Thomazo

La rédaction