Transitions & Energies

Les découvertes de pétrole, au plus bas depuis 70 ans


Les trois dernières années ont été les plus mauvaises depuis 70 ans en terme de découverte de nouveaux gisements de pétrole conventionnel. Un rapport de IHS Markit, spécialiste mondial des études de marché, intitulé Conventional Exploration Results in Early 2018 Through 2019 (Les résultats de l’exploration conventionnelle du début 2018 jusqu’en 2019) montre non seulement que les découvertes de gisements pétroliers sont les plus faibles depuis les années 1950 mais «qu’il ne faut pas s’attendre à un rebond significatif». Le pétrole dit conventionnel est issu des puits classiques contrairement au pétrole non conventionnel extrait, notamment par fracturation hydraulique, des schistes et des sables bitumineux.

La raréfaction de la découverte de nouveaux gisements  est une tendance qui existe depuis la crise financière de 2008 et s’est amplifiée encore depuis 2014 et la forte baisse des cours du pétrole. Les investissements de recherche ne cessent de baisser et dans le même temps trouver de nouveaux gisements devient de plus en plus difficile techniquement, il faut aller de plus en plus profondément en mer. Il faut y ajouter la concurrence des prospections moins coûteuses et moins risquées de pétrole non conventionnel. Les investisseurs ne veulent plus financer des explorations de plus en plus coûteuses et à la rentabilité incertaine.

Conséquence, le nombre de puits creusés dans des régions où il n’existe pas de réserves prouvées et en eaux profondes est tombé de 161 en 2014 à 68 en 2018. Les grandes compagnies pétrolières considèrent qu’il est devenu trop risqué financièrement de chercher du pétrole en mer à des milliers de mètres de profondeur.

«L’un des facteurs les plus importants expliquant cet évolution est le fait que les investissements par les pétroliers indépendants américains [non liés à un grand groupe pétrolier] se sont détournés de l’exploration internationales pour chercher des opportunités dans le pétrole de schiste aux Etats-Unis – des projets plus courts dans le temps – avec une plus grande souplesse pour répondre aux conditions changeantes du marché» explique Keith King, auteur du rapport IHS Markit . «Ces opérateurs peuvent rapidement stopper un projet non conventionnel et arrêter de creuser si les prix du pétrole baissent», ajoute-t-il.

La fracturation hydraulique a totalement changé la donne sur le marché du pétrole. Elle a réorienté les investissements et aussi permis aux Etats-Unis de redevenir, 50 ans après, le premier producteur au monde. Ils ont extrait la semaine du 27 septembre, 12,4 millions de barils par jour en moyenne, à un cheveu de son record de 12,5 millions atteint en août. Cela explique notamment le fait que les prix du baril sont aujourd’hui de l’ordre de 60 dollars en dépit des difficultés de production et d’exportation de grands pays producteurs comme le Venezuela, l’Iran et la Libye. Même les attaques menées le 14 septembre contre des installations pétrolières saoudiennes n’ont pas eu un impact durable et important sur le marché.

Les investisseurs se détournent du pétrole

Peut-on dire pour autant que nous avons atteint le fameux «peak oil», le moment où l’extraction mondiale de pétrole se trouve à son niveau maximal et ne peut plus ensuite que décliner compte tenu de l’épuisement progressif des réserves. Sans doute pas. Le «peak oil» a été tellement pronostiqué dans le passé, depuis les années 1970, que les experts qui l’annoncent ont du mal à se faire entendre. Il y a en fait deux sortes de «peak oil»: celui des limites de la production de pétrole et celui des limites de la consommation de pétrole dans le monde.

Selon l’Agence  Internationale de l’Energie (AIE), qui s’est souvent trompée et annonçait encore le «peak oil» pour 2006, la capacité de production de pétrole continuera à augmenter dans le monde jusqu’en 2025, notamment avec l’exploitation du pétrole de schiste. En matière de consommation, l’AIE ne s’attend pas à une stabilisation avant 2040, du fait de l’augmentation de la demande de l’industrie pétrochimique et du transport aérien qui feront plus que compenser la réduction de la demande du transport routier.

L’équation pétrolière n’est pas aujourd’hui une question de limite des ressources. Les réserves de pétrole dans le sous-sol, notamment marin, restent considérables. La seule question est celle du coût économique et environnemental pour y accéder et pour les exploiter. Les cours du pétrole, autour de 60 dollars le baril, sont aujourd’hui trop faibles pour cela. Ils avaient atteint à leur sommet en 2008, 147 dollars…

Et puis les investisseurs commencent à se détourner des groupes pétroliers. Cela est assez spectaculaire sur les marchés boursiers. Les investisseurs anticipent le déclin de ce qui est depuis des décennies la première source d’énergie au monde. Même s’il n’est pas encore clair s’il s’agit d’un changement d’attitude sur la durée, lié au développement des énergies renouvelables et à l’arrivée de substituts possibles comme l’hydrogène ou d’une crainte assez passagère résultant de la faiblesse des cours du pétrole.

On devrait avoir la réponse dans quelques années. Car la conséquence du manque de découvertes de nouveaux gisements est la baisse des réserves et en toute logique la remontée à terme des prix du baril. Sauf si la demande faiblit réellement, et pas seulement en Europe et aux Etats-Unis.

La rédaction