<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Est-il possible de décarboner le transport de marchandises sur longue distance?

23 mai 2025

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Est-il possible de décarboner le transport de marchandises sur longue distance?

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Jusqu’à aujourd’hui, la transition de la majeure partie du transport de fret dans le monde (sur terre, sur mer et dans les airs), des combustibles fossiles vers de l’énergie bas carbone, reste une vue de l’esprit. Pas moins de 97% des poids lourds circulant dans l’Union Européenne fonctionnent au diesel... Il faudra des décennies que les solutions techniques alternatives deviennent compétitives et s'imposent.

Le transport de marchandises sur longue distance est l’une des activités essentielles les plus difficiles à décarboner avec l’industrie lourde. Que ce soit sur terre, sur mer ou dans les airs.

Le transport de marchandises représente environ 8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et jusqu’à 11% si l’on inclut les entrepôts et les ports. L’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine pourraient tripler la demande mondiale de fret d’ici le milieu du siècle, selon certaines études, ce qui pourrait doubler les émissions de gaz à effet de serre du secteur. Si d’autres activités semblent capables de réduire progressivement leur utilisation de combustibles fossiles, y compris l’industrie, on ne voit pas aujourd’hui comment le transport de fret sur longue distance peut ne plus dépendre fortement du pétrole et du gaz. Cela pourrait en faire le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre d’ici 2050.

Type de transport de fret Milliards de tonnes au kilomètre transportées (en 2023) Emissions de CO2 en millions de tonnes (en 2023)
Aérien 303 155
Rail 10.842 170
Route 26.807 2.230
Maritime et voies d’eau 101.486 657
Source : Climate Portal MIT. Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International license (CC BY-NC-SA 4.0).

Si près des trois quarts du fret mondial sont transportés sur les océans, les véhicules routiers tels que les camions et les camionnettes représentent la grande majorité, 65%, des émissions liées au fret. La plupart des navires brûlent des combustibles fossiles, essentiellement du fioul lourd, et émettent du carbone, mais ils transportent de très grandes quantités de fret, ce qui en fait le moyen le plus efficace sur le plan énergétique pour transporter ses marchandises. Le fret routier, en revanche, peut émettre plus de 100 fois plus de CO2 que les navires pour transporter la même quantité de marchandises sur la même distance.

Le transport routier est également un secteur en pleine expansion, 80% de l’augmentation mondiale de la consommation de diesel peut être attribuée aux camions. Le commerce électronique et la livraison à domicile expliquent en grande partie cette évolution.

Pas une fatalité

Mais que le transport de marchandises devienne le premier émetteur de gaz à effet de serre d’ici 2050 n’est pas une fatalité. Quand on voit le tableau ci-dessus, les priorités doivent évidemment être le maritime et la route. Et les solutions existent… au moins en théorie. En 2018, le Forum international des transports (ITF) de l’OCDE avait ainsi publié un rapport intitulé « Décarboner le transport maritime – Pistes pour un transport maritime sans carbone d’ici 2035 ». Pour l’OCDE, « le déploiement maximal des technologies actuellement connues pourrait permettre d’atteindre une décarbonation presque complète du transport maritime d’ici 2035 ». Les quatre voies potentielles de décarbonation du transport maritime citées par le rapport « permettaient une réduction des émissions de CO2 comprise entre 82% et 95% du niveau actuellement projeté pour 2035 ».

Selon l’ITF, les carburants alternatifs, tels que les biocarburants et les carburants synthétiques fabriqués à partir d’énergies renouvelables, pourraient permettre d’atteindre une grande partie des objectifs. Des moteurs modernes et des pratiques plus efficaces, telles qu’une utilisation plus rationnelle de l’espace des navires ou la baisse de la demande de fret, pourraient également permettre de réduire les émissions.

Les alternatives ne sont pas compétitives

Maintenant, si techniquement cela est peut-être possible, il faut de très fortes incitations et contraintes politiques pour que les armateurs engagent de tels investissements sans mettre en péril leurs équilibres financiers. On est évidemment très loin du compte. Si depuis 2018, plusieurs pays ont investi massivement dans le déploiement de capacités renouvelables de production d’électricité, dans les biocarburants et dans une moindre mesure dans les carburants synthétiques tel que l’hydrogène vert, les capacités mondiales n’ont rien à voir avec les besoins du transport maritime. Et les coûts de production très élevés de ses alternatives au fioul lourd et au gaz les rendent très peu compétitives.

Le constat est le même pour le transport du fret sur route. Selon Eurostat, en 2022, le fret routier représentait 77,8% du trafic total de marchandises dans l’Union Européenne (UE). Pour les véhicules utilitaires lourds, les poids-lourds, il n’y a pas vraiment aujourd’hui d’alternatives crédibles à grande échelle au diesel. Plusieurs pays européens ont cherché à promouvoir le transfert d’une partie du fret routier vers le ferroviaire, sans grand succès.

Pas moins de 97% des poids circulant dans l’UE fonctionnent au diesel

La seule réelle solution consiste à changer progressivement le type d’énergie utilisé par les camions et les utilitaires plus légers. Des expérimentations et productions en petites séries existent de véhicules alimentés par des moteurs électriques fonctionnant avec des batteries et des piles à combustible alimentées par de l’hydrogène. Il y a aussi la perspective de carburants synthétiques décarbonés utilisant les mêmes groupes motopropulseurs que les véhicules en circulation aujourd’hui. Un jour viendra…

D’après une analyse réalisée en 2025, l’électrification est l’option la plus solide pour réduire les émissions de carbone du fret routier. Mais elle présente des limites physiques difficilement surmontables : le poids des batteries (plusieurs tonnes dans un gros camion), l’autonomie, le temps de recharge et la puissance électrique nécessaire pour le faire, le déploiement des infrastructures de recharge à très haute puissance, le coût des matériels… Pas moins de 97% des poids lourds immatriculés dans l’UE en 2023 fonctionnaient au diesel.

Les gouvernements et les entreprises de la logistique un peu partout dans le monde sont de plus en plus conscients de la nécessité de développer des écosystèmes viables de transport de marchandises à faible émission de carbone. Mais pour le faire, cela nécessite une coopération internationale difficile à imaginer et l’accès à des financements considérables pour rendre un jour compétitives les solutions innovantes à faible teneur en carbone. Tout cela pour dire que la décarbonation du transport de fret est essentielle, mais prendra beaucoup de temps.

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