Transitions & Energies

La consommation mondiale de pétrole va-t-elle continuer à augmenter ou enfin diminuer?


Les cours du pétrole sont repartis à la hausse depuis la fin de l’année dernière. Les prix du baril ont à nouveau dépassé les 80 dollars et ont regagné près de 20% en trois mois. Des fluctuations habituelles, mais la question de fond est de savoir si la consommation mondiale de pétrole va finir par refluer. L’Agence internationale de l’énergie, qui n’a cessé de se tromper, en est plus que jamais persuadé, et le cartel de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), évidemment pas du tout.

C’est une controverse plus idéologique que technique. D’un côté, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) devenue depuis quelques années une ardente militante de la transition énergétique et qui annonce année après année le recul imminent de la consommation des énergies fossiles. Malheureusement, elle ne cesse de se tromper et de prendre ses désirs pour la réalité. La consommation de pétrole, de gaz naturel et même de charbon bat des records année après année. Mais l’AIE nous le promet encore, le point de bascule est imminent. Elle affirme maintenant que la demande de pétrole atteindra son maximum avant 2030 tout comme celle de charbon et même de gaz.

Des prévisions à prendre avec des pincettes des deux côtés

Le directeur exécutif de l’AIE, Fatih Birol, a ainsi déclaré avec emphase : « la transition vers les énergies propres est en cours dans le monde entier et rien ne pourra l’arrêter. Ce n’est pas une question de « si », c’est juste une question de « quand » – et le plus tôt sera le mieux pour nous tous ». La demande mondiale de pétrole descendra selon l’Agence en moyenne autour de 97 millions de barils par jour dans les années 2030 contre 102 millions de barils par jour en moyenne dans les années 2020.

De l’autre côté, l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), annonce évidemment, elle aussi année après année, que le monde n’est pas près de se passer de son précieux or noir. Dans une récente publication, elle se moque ouvertement de ceux qui ont annoncé depuis des décennies le fameux « peak oil » ou pic de la production et de la consommation de pétrole, y compris l’AIE. Pour le cartel pétrolier, la demande va continuer à croître au moins jusqu’au milieu du siècle pour atteindre 116 millions de barils par jour d’ici 2045.

Il faut prendre les prévisions de l’AIE comme celles de l’OPEP avec des pincettes. Les deux organisations ont des intérêts politiques et économiques qui sont tout sauf étrangers à leurs prévisions. Pour le cartel de l’OPEP, c’est parfaitement clair et pour l’AIE, cela l’est depuis que l’Agence et Fatih Birol ont décidé de promouvoir par tous les moyens la transition la plus rapide possible pour se passer des combustibles fossiles quitte à multiplier les erreurs de prévisions et d’analyse.

Les Etats-Unis viennent de battre leur record historique de production de pétrole

Et pour compliquer encore l’équation, les Etats-Unis ont même battu l’an dernier leur record historique de production de pétrole. Selon la dernière analyse du Département américain de l’énergie, les États-Unis ont produit tout simplement le plus de pétrole brut dans le monde pendant les six dernières années consécutives que tout autre pays dans l’histoire sur une même période.

En 2023, la production quotidienne moyenne de pétrole brut aux États-Unis a atteint le chiffre record de 12,9 millions de barils. Le précédent record de 12,3 millions de barils par jour remontait à 2019. Et la production continue à augmenter. En décembre, elle a dépassé le niveau sans précédent de 13,3 millions de barils par jour.

Les allers et retours de l’AIE

Pour en revenir à l’Agence internationale de l’énergie et aux doutes sur ses prévisions, il faut rappeler que dans son scénario original dit « Net Zéro » (émissions) d’ici 2050, rendu public en mai 2021, elle expliquait alors qu’il fallait cesser immédiatement tous les investissements dans l’exploration et l’exploitation pétrolière et gazière car la transition vers les énergies décarbonées était suffisamment rapide. Seulement six mois plus tard, l’AIE était contrainte de reconnaître les errements de son modèle et la nécessité de poursuivre les investissements dans la prospection de pétrole et de gaz pour éviter des pénuries qui auraient encore plus compliqué la transition…

En 2023, l’AIE a commencé l’année en prévoyant une croissance de la demande de pétrole de 1,9 million de barils par jour. Au cours des 11 mois suivants, elle n’a cessé de réviser cette estimation à la hausse pour terminer l’année avec une croissance de la demande mondiale de 2,3 millions de barils par jour, un chiffre très proche des prévisions de l’OPEP.

Les politiques énergétiques nationales dépendent avant tout des questions de coûts et de sécurité d’approvisionnement

Et pour 2024, la situation semble identique. Dans son rapport de février sur le marché pétrolier, l’AIE prévoit une croissance modeste de la demande de pétrole de 1,2 million de barils par jour cette année, citant un ralentissement de la progression de la demande notamment en Asie. L’OPEP anticipe au contraire cette année une augmentation de la consommation de 2,2 millions de barils par jour, ce qui permettrait d’entretenir la hausse des cours du enregistrée depuis le début de l’année. Et la banque Standard Chartered, plus neutre, prévoit une augmentation moyenne de la consommation de 1,7 million de barils par jour. Elle annonce également un record absolu de demande de pétrole dans les prochains mois qui pourrait culminer en août à 104,3 millions de barils par jour.

Au-delà de la bataille idéologique, l’évolution de la demande de pétrole cette année et pendant les prochaines décennies va dépendre avant tout du niveau de croissance de l’activité économique et de la vitesse de déploiement des sources d’énergies décarbonées et des véhicules électriques en Chine, en Inde et en Afrique. Il est particulièrement difficile de les anticiper parce que cela est lié à des contraintes de ressources propres, financières, géopolitiques et politiques internes des pays.

Il n’y a pas de stratégie de transition énergétique internationale et même en Europe, elle est presque impossible à coordonner et unifier. Les mix énergétiques des pays sont tous différents et évoluent à des rythmes aussi différents. Ils répondent avant tout dans l’écrasante majorité des pays à des impératifs de coûts et de sécurité d’approvisionnement pas de maîtrise immédiate des émissions de gaz à effet de serre. On peut le déplorer ou rêver comme l’AIE à un monde meilleur…

La rédaction