Transitions & Energies

Les conséquences limitées de la guerre entre Israël et le Hamas sur les marchés de l’énergie


Il y a un peu plus d’un mois, quand le Hamas a lancé une guerre contre Israël, médias et experts de tous poils ont prédit une extension dramatique du conflit et une envolée des prix de l’énergie, annonçant des embargos et autres pénuries de pétrole et de gaz. Jusqu’à aujourd’hui, il n’en a rien été. En revanche, les implications à plus long terme du conflit peuvent mettre à mal des projets de développement gaziers, gisements et gazoducs, dans l’est de la Méditerranée.

Jusqu’à aujourd’hui, les conséquences sur les marchés de l’énergie de la guerre entre Israël et le Hamas provoquée par les massacres du 7 octobre ont été limitées. En dépit des appels répétés de l’Iran aux pays producteurs de pétrole et à l’Opep de mettre en place un embargo vers les pays « alliés » d’Israël comme en 1973 lors de la guerre israélo-arabe de Kippour, il n’y a pas eu le moindre arrêt des exportations et les cours du pétrole n’ont finalement pas vraiment été affectés par le conflit. Ils ont même un peu baissé depuis le 6 octobre.

Lors des premiers jours de la guerre, le baril de qualité Brent est bien passé de 85 dollars à un peu plus de 90 dollars avant de revenir autour de 81 dollars à la fin de la semaine dernière. Même chose pour le baril de qualité WTI (West Texas Intermediate), passé de 82 à 88 dollars après le 7 octobre avant de redescendre rapidement et de s’échanger autour de 77 dollars le 10 novembre. Les fondamentaux économiques ont repris le dessus, à savoir un ralentissement économique mondial et des perspectives de stagnation voire de baisse de la consommation de pétrole l’an prochain. En outre, les baisses de production maintenues notamment par l’Arabie Saoudite pour soutenir les cours sont compensées par les augmentations venant des Etats-Unis, du Brésil et du Guyana.

Cela ne signifie pas pour autant que le conflit entre Israël et le Hamas n’a aucun impact sur les marchés de l’énergie. La situation sur le marché du gaz est un peu plus tendue que sur celui du pétrole. Le prix de référence du gaz naturel en Europe, le Dutch TTF (Title Transfer Facility), est passé d’un peu moins de 43 euros le mégawattheure le 6 octobre à plus de 56 euros le 13 octobre avant de revenir à la fin de la semaine dernière autour de 48 euros… Rien de dramatique. En août 2022, les cours avaient dépassé 300 euros et étaient encore supérieurs à 150 euros en décembre 2022. Depuis avril 2023, ils n’ont plus été supérieurs à 60 euros.

Baisse de la production et des exportations israéliennes de gaz

La guerre entre le Hamas et Israël a en tout cas des conséquences directes sur la production israélienne de gaz. L’exploitation du gisement offshore Tamar de 240 milliards de mètres cubes qui fournit près de 40% de la production du pays a été stoppée pour éviter qu’il soit endommagé par d’éventuelles attaques du Hamas parce qu’il se trouve non loin des côtes de Gaza, au large d’Ashkelon. Du coup, Israël qui est le deuxième exportateur de gaz naturel de la méditerranée orientale après l’Egypte a vu ses exportations baisser de 50% depuis le début de la guerre ce qui lui coûte environ 200 millions de dollars par mois.

La production des deux autres grands gisements de gaz offhsore israéliens de Leviathan et Karish qui se trouvent plus à l’est est aujourd’hui avant tout utilisée pour les besoins domestiques du pays. Avec 650 milliards de mètres cubes de gaz récupérable, Leviathan est le plus important gisement se trouvant en Méditerranée.

L’Egypte en difficultés

La conséquence de tout cela est qu’aujourd’hui seule une fraction de la production de gaz israélienne est exportée vers l’Egypte ce qui crée de sérieux problèmes à l’économie égyptienne qui n’avait pas vraiment besoin de cela. Au mois d’août dernier, les gouvernement israéliens et égyptiens ont conclu un accord pour augmenter leur coopération en matière gazière qui devait se traduire par des exportations plus importantes vers l’Egypte, notamment à partir du gisement Tamar.

L’économie égyptienne dépend à plus de 75% du gaz pour sa production d’électricité. Le pays arabe le plus peuplé est dans une situation économique désastreuse. Les coupures de courant incessantes sont selon le gouvernement égyptien liée à la forte réduction des importations de gaz en provenance d’Israël même si elles existaient déjà avant le 7 octobre. Autre problème pour l’Egypte, le pays a de facto interrompu les exportations de GNL (Gaz naturel liquéfié) à haute valeur ajoutée à partir des deux terminaux méditerranéens d’Idku et de Damiette qui lui apportaient de précieuses devises. Les trois quarts des cargaisons égyptiennes étaient dirigées vers les terminaux de l’Union Européenne et de la Turquie et se sont substituées aux exportations russes.

Le budget de la République islamique d’Iran

A 2.000 kilomètres de là, la République islamique d’Iran fait aussi face à des difficultés économiques profondes. Elle est totalement dépendante d’exportations de pétrole… qui ne sont pas au rendez-vous. Le responsable iranien du budget, David Manzor, a reconnu il y a deux semaines que les recettes pétrolières ne correspondaient, lors des sept premiers mois de l’année civile persane en cours, qu’à 70% de ce qui était prévu. La République islamique n’est pas parvenue, comme annoncé, à exporter 1,5 million de barils de pétrole par jour et à atteindre également un prix moyen de vente de 80 dollars par baril. Il a ainsi démenti les annonces par des hauts fonctionnaires du gouvernement selon lesquelles les exportations quotidiennes de pétrole de l’Iran avaient dépassé 1,8 million de barils.

Voilà pourquoi Téhéran cherche par tous les moyens à ressusciter le projet d’un oléoduc irako-syrien de 825 kilomètres qui relirait la région irakienne de Kirkouk au port syrien de Banias sur la Méditerranée. Il permettait à l’Iran de faire transiter une partie de sa production pétrolière à partir de Kirkouk et d’obtenir ensuite l’appui russe pour la commercialiser. La Russie dispose sur la côte syrienne d’une base navale importante (Tartous), d’une base aérienne (Lattaquié) et d’une station d’écoute majeure (à l’extérieur de Lattaquié).

Enfin, la guerre entre Israël et le Hamas et ses conséquences régionales posent aussi un sérieux problème à la stratégie européenne consistant à construire un gazoduc en Méditerranée orientale entre Chypre et la Grèce. Chypre partage l’exploitation avec Israël d’une partie des gisements de gaz, notamment de Leviathan. Ce gazoduc construit en eaux profondes représente déjà des coûts élevés qu’il sera difficile d’amortir mais en plus le soutien croissant de la Turquie au Hamas associé au conflit permanent entre la Turquie d’un côté et Chypre et la Grèce de l’autre compliquent encore un peu plus la situation.

La rédaction