Transitions & Energies

La Chine et l’Inde ne veulent pas entendre parler de la taxe carbone européenne aux frontières


La nouvelle taxe carbone européenne aux frontières sur les importations d’acier, de ciment, d’aluminium, d’engrais, d’électricité et d’hydrogène est entrée depuis quelques semaines dans une phase dite de transition. Les importateurs doivent maintenant déclarer quelles sont les émissions de CO2 liées aux productions en question. Non seulement les doutes existent sur l’efficacité, les augmentations de prix inévitables qu’elle va entraîner et surtout sur les failles de cette taxe, mais elle suscite une opposition grandissante de plusieurs pays importants dont la Chine et l’Inde.

Avec son Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF), l’Union Européenne s’est dotée d’une taxe carbone inédite qui doit permettre, en théorie, à son industrie, dans un premier temps, de se soumettre à des normes plus sévères que ses concurrents dans le monde et de survivre. Il s’agit sans surprise d’une usine à gaz technocratique dont la Commission de Bruxelles a le secret qui sera testée dans un premier temps dans six secteurs hautement stratégiques, ceux des importations d’acier, de ciment, d’aluminium, d’engrais, d’électricité et d’hydrogène.

Le ciment, l’acier et les engrais azotés indispensables à la survie de l’humanité

Rappelons tout simplement que notre mode de vie moderne et même la survie des huit milliards d’êtres humains reposent sur ses matériaux essentiels et notamment le ciment, l’acier, et l’ammoniac (qui permet de fabriquer les engrais azotés). Nous en produisons respectivement par an dans le monde : 4,5 milliards de tonnes (le matériaux le plus utilisé sur terre en dehors de l’eau), 1,8 milliard de tonnes et 150 millions de tonnes via des process qui consomment de grandes quantités de carburants fossiles et émettent donc énormément de gaz à effet de serre. Les technologies permettant de se passer, en partie, des énergies fossiles pour fabriquer du ciment ou de l’acier sont encore embryonnaires et très peu compétitives… Pour ce qui est de l’ammoniac, la solution vient et viendra de l’hydrogène vert ou décarboné.

Phase de transition

Pour en revenir à la taxe carbone industrielle aux frontières, non seulement les doutes existent sur son efficacité, sur les augmentations de prix inévitables qu’elle va entraîner et surtout sur ses failles. Comment contrôler les émissions réelles des pays exportateurs… Mais elle suscite aussi maintenant une opposition grandissante de plusieurs pays et non des moindres, notamment la Chine et l’Inde.

Le MACF est en tout cas entré depuis le 1er octobre dans ce que les experts appellent une phase de transition. Les importateurs en Europe des six produits industriels concernés doivent maintenant déclarer les émissions de carbone de ces produits. À partir de 2026, ils seront également soumis à des taxes en fonction justement du niveau de ses émissions. Ce que l’Inde comme la Chine refusent. Et les deux pays ont bien l’intention d’utiliser tout leur poids diplomatique et économique pour que l’Europe réexamine sa taxe.

Des négociations rapides avec l’UE

Le plus virulent adversaire st sans surprise la Chine, l’usine du monde.  Il y a quelques jours, l’association sidérurgique du pays (China Iron And Steel Association ou CISA), soutenue par l’État, a affirmé que «l’établissement unilatéral du MACF est par essence une nouvelle barrière commerciale créée sous les auspices de la réduction des émissions de carbone ». L’agence Reuters rapporte que la CISA veut des négociations rapides avec l’Union européenne car la taxe ne prend pas en compte les différentes phases de développement des différents pays. Certains analystes estiment que la taxe carbone aux frontières pourrait rendre les exportations chinoises non viables. Et Pékin envisagerait des mesures de rétorsion commerciales sur les importations européennes.

Une plainte devant l’Organisation Mondiale du Commerce

L’Inde s’oppose également à la nouvelle taxe européenne. Le ministre du commerce et de l’industrie, Piyush Goyal, a récemment déclaré qu’elle était « mal conçue » et que l’UE s’en devrait abandonner complètement l’idée. L’Inde a annoncé son intention de déposer une plainte auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

Mais le ministre indien a aussi expliqué que son gouvernement pourrait créer une taxe nationale équivalente à la taxe européenne et utiliser les recettes pour la transition vers les énergies décarbonées. Il n’y aurait donc plus besoin de MACF pour éviter une concurrence déloyale aux industriels européens…

La rédaction