Transitions & Energies
Les batteries lithium-ion d'une Nissan Leaf

Batteries, des promesses toujours des promesses


Les annonces depuis des années de percées spectaculaires dans la technologie des batteries, qui ne se concrétisent jamais, finissent pas lasser. Il ne se passe pas une semaine ou presque sans qu’un centre de recherche, une université, un constructeur automobile promettent, avec la complaisance de médias devenus des relais de communication, des batteries se rechargeant plus rapidement, concentrant plus d’énergies, utilisant moins de métaux stratégiques, coûtant moins cher à fabriquer.

S’il est bien un domaine où les annonces de percées technologiques se succèdent sans discontinuer toutes les semaines depuis des années et même des décennies, c’est bien celui des batteries. On peut même parler de mythe alimenté en permanence par les laboratoires de recherche universitaires en mal de financement, par les constructeurs de voitures électriques et le tout relayé complaisamment par les médias. Celui des progrès constants effectués par les batteries et les promesses de nouvelles technologies qui vont bientôt permettre d’augmenter considérablement leur autonomie, de réduire fortement leur temps de recharge et d’abaisser leurs prix. Les batteries qui se rechargent en cinq minutes, les batteries solides, celles qui ont une durée de vie considérables sans perdre de performances, celles qui stockent beaucoup plus d’énergie pour un même poids et un même volume, celles qui utilisent très peu de métaux dits stratégiques… La réalité jusqu’à aujourd’hui est très différente et les promesses ne se sont jamais concrétisées en dehors des laboratoires.

«Un bond radical dans la densité d’énergie des cellules de batterie..»

Dernière annonce fracassante en date, le quotidien britannique Telegraph annonçait la semaine dernière que «les batteries de véhicules électriques à venir balayeront les combustibles fossiles des transports…». Et d’expliquer que «l’Argonne National Laboratory aux États-Unis vient de faire exploser la technologie des batteries pour les véhicules électriques, découvrant un moyen d’augmenter l’autonomie future des véhicules électriques standard à un millier de kilomètres ou plus. Il promet de le faire à moindre coût sans épuiser l’approvisionnement mondial en minéraux critiques. Le projet conjoint avec l’Illinois Institute of Technology a permis de faire un bond radical dans la densité d’énergie des cellules de batterie. La batterie lithium-ion typique utilisée dans l’industrie automobile stocke aujourd’hui environ 200 Wattheures par kilo. Leur expérience de laboratoire a déjà atteint 675 Wattheures par kilo avec une variante lithium-air».

Et d’ajouter, «il s’agit d’une densité suffisamment élevée pour alimenter les camions, les trains et sans doute les avions moyen-courriers, longtemps considérés comme hors de portée de l’électrification. L’équipe de recherche pense qu’elle peut atteindre 1.200 Wh/ kg. Si c’est le cas, presque tous les transports mondiaux peuvent être décarbonés plus facilement que nous le pensions, et probablement à un coût net négatif par rapport au maintien du statu quo des hydrocarbures».

Deux décennies d’annonces toujours plus spectaculaires

Rien de nouveau sous le soleil… Il y a 18 ans, en mars 2005, on pouvait lire dans le très sérieux New Scientist qu’une découverte spectaculaire dans un laboratoire du Nevada permettait «de recharger totalement une batterie en seulement six minutes, qu’elle dure 10 fois plus longtemps que les batteries rechargeables actuelles et qu’elle peut fournir une électricité jusqu’à trois fois plus puissante…».

En 2011, la revue Grist dont la devise est Climat, Justice, Solutions titrait très sérieusement… un article: «Pas de blague: c’est la plus grande percée de batterie jamais réalisée». «Un pionnier de la recherche sur les batteries qui a déjà lancé avec succès une entreprise de 350 millions de dollars pour fournir des batteries à GE et Chrysler l’a encore fait –mais cette fois, il s’agit d’une réinvention totale de la technologie des batteries telle que nous la connaissons. Cette technologie est en phase de recherche, mais si elle peut être mise sur le marché de manière rentable –et il y a toutes les raisons de croire qu’elle pourrait l’être– elle pourrait révolutionner la façon dont nous stockons et transportons l’énergie, remplaçant ainsi complètement les combustibles fossiles et en particulier le pétrole».

Plus près de nous, en décembre 2020, Nikkei annonçait que «Toyota a l’intention d’être la première entreprise à commercialiser un véhicule électrique équipé d’une batterie solide dans les prochaines années. Le premier constructeur automobile mondial devrait dévoiler un prototype l’an prochain». C’est-à-dire en 2021… On l’attend toujours. En théorie, une batterie solide peut parvenir à fournir 450 Wh par kilo.

La responsabilité des médias et des chercheurs

On comprend bien l’intérêt et les motivations pour grandement améliorer les performances des batteries lithium-ion existantes. Avec les centaines de milliards de dollars et d’euros investis dans les voitures électriques, la pression grandissante mise dans de nombreux pays par les gouvernements sur les constructeurs automobiles pour les fabriquer et sur les consommateurs pour les acheter, les attentes de progrès sur les batteries sont de plus en plus grandes. Les batteries sont le cœur des véhicules électriques. Elles représentent de loin la part la plus importante de leur valeur, autour de 40%. Elles conditionnent aussi de fait leur autonomie, leurs performances, leur prix et leur facilité d’utilisation.

Les véhicules électriques ne pourront surmonter les limites de leurs usages et de leurs performances par rapport à leur équivalent à moteur thermique que par une augmentation importante des performances des batteries. Un jour viendra… Car même les améliorations progressives des performances des batteries existantes sont incroyablement difficiles et lentes.

Il ne faut pas non plus oublier la responsabilité des médias dans cette situation, qui ne font que relayer des campagnes de communication sans faire leur travail pour en vérifier la véracité. Et puis, il y a l’attitude problématique des chercheurs. Pour eux, les incitations à fortement exagérer la signification des progrès et des découvertes sont grandes: des financements, la renommée, la reconnaissance… Le problème, c’est qu’avec la multiplication d’annonces de percées spectaculaires qui n’en sont pas, il est devenu presque impossible de distinguer celles qui un jour en seront vraiment…

La rédaction