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Une avancée majeure dans la fusion nucléaire


Des scientifiques du laboratoire américain Lawrence Livermore, situé en Californie, auraient obtenu pour la première fois un «gain net d’énergie» d’un réacteur à fusion nucléaire expérimental. La fusion nucléaire est le graal de la recherche nucléaire. Elle pourrait permettre en théorie de fournir à l’humanité une énergie surabondante, décarbonée et sans aucun dommage infligé à l’environnement.

Le département américain de l’Energie devrait annoncer mardi 13 décembre une «avancée scientifique majeure» dans le domaine de la fusion nucléaire. Le quotidien britannique Financial Times a révélé que des scientifiques du Laboratoire national Lawrence Livermore (LLNL), situé en Californie, ont obtenu pour la première fois un «gain net d’énergie» d’un réacteur à fusion expérimental. Le LLNL a été construit à l’origine pour tester les armes nucléaires et simuler leurs explosions. Il a été depuis reconverti dans la recherche sur la fusion nucléaire.

Pour comprendre l’importance d’une telle réussite, il faut revenir sur les fondamentaux de l’énergie nucléaire. Aujourd’hui, la totalité de l’énergie nucléaire utilisée dans le monde (dont les 56 réacteurs français) provient du processus dit de fission nucléaire. Un noyau d’uranium est cassé en particules plus petites, libérant ainsi de l’énergie. Mais il existe une autre façon, encore plus performante pour produire de l’énergie nucléaire: la fusion.

Comme au cœur des étoiles

Il s’agit d’un processus au cours duquel deux atomes s’assemblent pour former un atome plus lourd. Cette réaction est celle qui se produit au cœur des étoiles. Les recherches pour maîtriser la fusion ont commencé depuis les années 1950, mais la perspective de son utilisation industrielle est restée très longtemps à la fois incertaine et éloignée. Le problème est à la fois de provoquer une réaction en chaîne de fusion, de l’alimenter et de la contenir. Pour y parvenir sur terre où les pressions n’ont rien à voir avec celles existantes au centre d’une étoile, cela requiert des conditions extrêmes. Il faut notamment parvenir à une température supérieure à 100 millions de degrés, 10 fois plus que celle du cœur du Soleil!

Induire le processus de fusion nécessite donc de chauffer puis maintenir un mélange à très haute température (on parle alors de plasma) et donc d’y consacrer beaucoup d’énergie. Le défi du réacteur de fusion jusqu’à aujourd’hui était de prouver qu’il était possible de produire plus d’énergie que celle nécessaire à son fonctionnement. C’est apparemment ce que les chercheurs du Laboratoire national Lawrence Livermore ont réussi à faire. Selon le Financial Times, citant trois personnes ayant eu connaissance des résultats préliminaires, la réaction de fusion aurait produit 2,5 mégajoules d’énergie correspondant à un gain net de 120% par rapport aux 2,1 mégajoules utilisés par les lasers. L’installation du LLNL se compose de près de 200 lasers qui ciblent un point minuscule d’hydrogène avec de hauts niveaux d’énergie pour initier une réaction de fusion (voir la photographie ci-dessus). Si le progrès est spectaculaire, une centrale civile commerciale nécessitera un gain bien plus élevé de l’ordre de 150 à 200%.

Une annonce officielle le 13 décembre

Plusieurs start-up comme la britannique First Light Fusion et l’allemande Marvel Fusion, qui a signé un accord de partenariat scientifique avec le français Thales, travaillent sur des approches similaires à celles du Laboratoire national Lawrence Livermore. Mais la plupart des procédés utilisés pour développer la fusion sont différents et consistent à contrôler le plasma via une gigantesque cage magnétique pour contenir la réaction de fusion appelée Tokamak. Il s’agit de la technologie du réacteur ITER pour International Thermonuclear Experimental Reactor (Réacteur thermonucléaire expérimental) en cours de construction en France à côté de Cadarache. C’est le plus grand projet scientifique au monde mené conjointement par 35 pays. Le Tokamak a été conçu dans les années 1950 par les physiciens russes Igor Tamm et Andreï Sakharov. Il doit maintenir la matière devenue plasma à près de 150 millions de degrés sous contrôle à l’aide d’aimants surpuissants.

Les porte-paroles du département de l’Energie américain ont annoncé après la publication de l’article du Financial Times que la secrétaire d’État américaine à l’Energie, Jennifer Granholm, organisera le 13 décembre un événement au cours duquel elle «présentera une percée scientifique majeure». Le porte-parole du LLNL a ajouté que «l’analyse (était) toujours en cours… Nous avons hâte de partager plus d’informations mardi lorsque ce processus sera terminé». Des équipements d’analyse auraient été endommagés pendant l’expérience par une production d’énergie plus importante qu’attendu ce qui explique la prudence des autorités.

Que des avantages

Les avantages potentiels de la fusion nucléaire sont considérables: de très faibles émissions de CO2 comme pour toute énergie nucléaire, pas de déchets radioactifs à haute activité et vie longue (des déchets à vie courte sont tout de même formés), un procédé intrinsèquement sûr car la réaction s’arrête quasi instantanément en cas de problème. De plus, la concentration énergétique est considérable, un gramme de combustible contient autant d’énergie que 11 tonnes de charbon. Par ailleurs, la matière première nécessaire, l’hydrogène, est surabondante. Il s’agit du matériau le plus courant dans l’univers. Il y en a pour des millions et des millions d’années sur terre. En théorie, la fusion nucléaire pourrait fournir toute l’énergie nécessaire à l’humanité dans des conditions qui ne poseraient aucun problème à l’environnement et sans la moindre émission de gaz à effet de serre.

La rédaction