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Ligne haute tension

L’année électrique 2022 a été la pire en France depuis plus de 40 ans


Le bilan de l’année électrique 2022 fait par le Réseau de Transport Electrique (RTE) souligne l’affaiblissement, passager, des capacités de production nucléaires du pays au pire moment, en pleine crise énergétique née de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La production d’électricité nucléaire a été la plus faible depuis 1988 et un malheur ne venant jamais seul, la sécheresse a ramené la production hydroélectrique à son niveau de 1976… Conséquence, la France aura été pour la première fois depuis plus de quarante ans importatrice nette d’électricité et a dû faire fonctionner à plein régime ses centrales à gaz.

L’année 2022 étant désormais derrière nous, il était temps pour RTE, le gestionnaire du réseau électrique français, de faire un bilan exhaustif de cette année hors normes. Nous allons tenter de résumer les principaux enseignements qu’il est possible d’en tirer.

Le premier est celui du coup de tonnerre qu’a représenté en France le fait de passer, pour la première fois depuis 1980, structurellement importatrice d’électricité. Alors il s’agit de relativiser à plusieurs niveaux. Tout d’abord, les importations d’électricité n’ont représenté, en 2022, avec un solde net de 16,5 TWh, que 3,7% de la consommation française.

Du coup, cette dépendance aux importations, minime, paraît anecdotique. Mais dans un pays qui s’est habitué, en 40 ans, à être l’un des premiers exportateurs mondiaux d’électricité, elle a créé un électrochoc. Dont l’aboutissement a été la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la question. Espérons que ce faux pas soit le seul et le dernier avant 40 ans à nouveau.

Source RTE

Le deuxième enseignement est que la défaillance du nucléaire explique en grande partie cet écart. Ainsi, la production nucléaire a difficilement atteint 279 TWh, son plus mauvais bilan depuis 1988, en baisse de 81 TWh par rapport à 2021.

Les causes de cet effondrement ont été discutées à de nombreuses reprises: la corrosion sous contrainte touchant les réacteurs les plus récents suite à un défaut de conception du circuit d’injection de sécurité et un planning de maintenance surchargé par les conséquences du Covid, des délais systématiquement non respectés et même des grèves auront emporté la production électronucléaire à des plus bas historiques.

La bonne nouvelle, c’est que si la production nucléaire devrait rester en dessous de ses standards en 2023, celle-ci devrait tout de même repartir assez largement à la hausse.

Source RTE

Le troisième enseignement est le poids de la sécheresse dans la réduction de notre production électrique. Ainsi, nos barrages auront au final connu leur plus mauvaise année depuis rien de moins que 1976. Pile au mauvais moment, bien entendu.

Mais cela ne peut que nous rappeler que même sur une énergie pilotable, l’aléa météorologique est extrêmement important à prendre en compte. Une piqûre de rappel salutaire, à l’aube de bouleversements climatiques majeurs qui vont nous contraindre à modifier notre mode de gestion de la ressource en eau.

Cependant, la satisfaction est que la gestion prudente du stock hydraulique a certes entraîné une forte baisse de la production durant l’été, mais a permis d’assurer une disponibilité optimale au 4ème trimestre permettant ainsi de faire efficacement face aux vagues de froid du début de l’hiver avec une production proche de la normale en novembre et décembre.

Source RTE

Le quatrième enseignement concerne l’usage de nos centrales thermiques et par conséquent le bilan carbone de notre production électrique. Face à la défaillance du nucléaire et de l’hydroélectricité, l’année 2022 s’est naturellement soldée par une augmentation du recours à celles- ci.

Avec cependant un contraste entre les deux centrales au charbon, en baisse par rapport à 2021 malgré le retour en production de celle de Saint-Avold par sécurité, et l’augmentation des centrales au gaz.

Tout comme les imports, la majeure partie de cette surutilisation des turbines à gaz reposen sur les mois de printemps ou d’été. Des mois où la production française, portée par son industrie nucléaire, est traditionnellement très largement excédentaire… sauf en 2022.

Source RTE

La conséquence en matière d’émissions de CO2 a été logique: celles ci sont en hausse sur 2022, mais sont contenue. Ainsi, la France reste malgré tout sur le podium européen des pays dont l’électricité est la moins carbonée.

Source RTE

Le dernier enseignement concerne les énergies renouvelables  2022 a été une année record en termes de raccordement d’ENR que ce soit éolienne ou photovoltaïque. Cette progression permet une progression de la production de 5 TWh, permettant de réduire de 25% nos besoins d’importations.

En résumé, le système électrique français aura montré en 2022 toute l’étendue de sa résilience. Ainsi, tout ce qui pouvait mal se passer cette année s’est mal passé. Entre sécheresse, climat anticyclonique nuisant à la production éolienne, corrosion sous contrainte, planning de grand carénage et de maintenance chargé, crise d’approvisionnement en gaz… Ce fut un véritable stress test avec un scénario qui aurait sûrement été considéré comme improbable il y a quelques années.

Malgré cela, le système a très bien résisté à tous ces aléas, offrant une exposition restreinte aux importations. Si l’année a donc été l’occasion de battre de triste records, le vrai enseignement est donc celui de la solidité du système français, permettant de traverser la tempête sans trop en souffrir.

Mais reprendre son rang dans la production électrique européenne ne sera pas une mince affaire, et le mouvement engagé depuis fin 2022 et qui devrait se poursuivre en 2023 sera long pour revenir à des niveaux de production cohérents.

Redevenir exportateurs nets en 2023 paraît tout à fait à la portée d’EDF et serait ainsi un premier jalon et un vrai motif de satisfaction.

Phillipe Thomazo

La rédaction