Transitions & Energies

Une révolte en Allemagne contre les éoliennes


Contrairement à d’autres régions d’Allemagne et d’autres pays en Europe, les verts n’ont pas fait un bon score dans le Land de Thuringe à l’occasion, il y a deux semaines, des élections régionales. En revanche, la parti d’extrême-droite, l’AfD, a atteint un niveau record. Ce n’est évidemment pas la seule raison qui explique aussi le recul très net des partis traditionnels allemands, CDU et SPD, mais l’AfD est le seul à s’opposer aux éoliennes. Elles sont devenues si impopulaires en Allemagne que leur développement est aujourd’hui presque à l’arrêt explique l’agence Bloomberg. Au mois de mai dernier, le magazine Der Spiegel dénonçait en Une l’échec de la révolution énergétique allemande, l’Energiewende. «Le boom de l’éolien est terminé», prévenait Der Spiegel.

Le plus grand projet politique allemand depuis la réunification, la transition massive avec des centaines de milliards d’euros d’investissements de la production d’électricité vers les renouvelables, solaire et éolien, ne donne pas les résultats attendus en terme de baisse des émissions de gaz à effet de serre et devient extrêmement impopulaire.

Il y a près de 30.000 éoliennes en Allemagne, plus que partout ailleurs en Europe. Seuls, la Chine et les Etats-Unis, des pays bien plus vastes et plus peuplés, ont plus d’éoliennes. Pas moins de 23,5% de l’électricité allemande provient depuis le début de l’année du vent. Il s’agit de la première source d’énergie renouvelable du pays. Mais un chiffre résume l’étendue du problème. Au premier semestre de l’année 2019, seulement 35 éoliennes ont été installées, une baisse de 82% par rapport aux six premiers mois de l’année 2018. Et encore, 2018 a été une mauvaise années avec 743 turbines installées contre 1.792 en 2017.

Il y a deux raisons principales à cette situation. Les normes d’installations sont devenues plus strictes et l’opposition des populations locales ne cesse de grandir. En Bavière, par exemple, depuis 2014 la distance entre une éolienne et l’habitation la plus proche doit être dix fois supérieure à la hauteur du mât. Résultat, compte tenu de la densité de la population, il n’existe quasiment plus d’emplacements possibles. Le Brandebourg, l’Etat autour de Berlin, a adopté cette année une loi qui contraint les opérateurs d’éoliennes à payer 10.000 euros par an et par turbine aux collectivités se trouvant dans un rayon de trois kilomètres de leurs installations.

«Destruction» des paysages et fin des subventions

Et puis les populations locales s’opposent maintenant, souvent pas tous les moyens, aux nouvelles implantations. Selon le lobby des éoliennes, le BWE, il y a 325 projets qui sont bloqués aujourd’hui par des procédures devant les tribunaux. De plus en plus, les opposants aux éoliennes sont eux-mêmes des défenseurs de l’environnement qui entendent protéger leur cadre de vie, la nature, les oiseaux, les chauve-souris… et s’opposent ainsi à d’autres écologistes favorables aux renouvelables.

La «destruction» des paysages est un des arguments contre les éoliennes qui réunit le plus d’opposants. Dans le Thuringe, un projet soutenu par le gouvernement local (qui comprenait les verts) consistant à couper des arbres d’une forêt historique pour y installer deux champs d’éoliennes a provoqué l’indignation. Il y a aujourd’hui pas moins de 40 associations en Thuringe qui s’opposent aux éoliennes et qui sont loin d’être toutes liées à l’extrême-droite. Seulement six turbines ont été installées cette année dans ce Land contre 51 en 2017. Les lois de la physique sont immuables. Les renouvelables consomment beaucoup de ressources et de territoire pour une intensité énergétique faible.

La situation s’annonce d’autant plus compliquée pour l’énergie éolienne que le gouvernement fédéral doit mettre fin en 2021 aux subventions qui garantissent depuis près de 20 ans (depuis l’an 2000) le prix de l’électricité fourni par ses installations. En réponse, le lobby VDMA prévoit une baisse de près de 30% des emplois en Allemagne dans l’industrie des éoliennes d’ici 2030.

Berlin mesure bien l’impasse de l’éolien et tente de promouvoir en contrepartie l’énergie solaire. Mais il est loin d’être assuré que les panneaux solaires puissent, dans un pays comme l’Allemagne qui ne bénéficie pas d’une ensoleillement très important, compenser l’absence de futur développement de l’éolien. Le solaire représente aujourd’hui environ 10% de la production électrique du pays.

Si les énergies renouvelables ne répondent pas aux attentes dans un pays aussi riche et aussi avancé technologiquement que l’Allemagne, dans un pays sensible depuis longtemps aux questions écologiques, on peut s’interroger sur la stratégie consistant à les développer à outrance. La réponse est sans doute que les renouvelables ne peuvent être qu’une partie de l’équation qui permettra de se passer des énergies fossiles.

La rédaction