<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> L’accord énergétique entre Ursula von der Leyen et Donald Trump est une mascarade

30 juillet 2025

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Ursula Von der Leyen, on the left, and Donald Trump Wikimedia Commons
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L’accord énergétique entre Ursula von der Leyen et Donald Trump est une mascarade

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Pour obtenir que les droits de douane américains soient ramenés à 15% sur les exportations venant d'Europe, la Commission européenne et sa Présidente, Ursula von der Leyen, se sont engagées au nom des 27 pays de l’Union à acheter pour 750 milliards de dollars d'énergies fossiles et de combustible nucléaire aux Etats-Unis en l’espace de 3 ans. Un chiffre absurde qui ne correspond à aucune réalité physique et économique. Un effet d’annonce déconnecté de la production et des marchés de l’énergie. En outre, ce n'est pas Bruxelles qui importe de l'énergie ou en dicte les flux, mais des entreprises privées pour la plupart. De qui se moque-t-on ?

L’accord sur les droits de douane entre les Etats-Unis et l’Europe négocié entre Donald Trump et la Président de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, comporte un important volet énergétique. Pour obtenir que les droits de douane américains soient ramenés à 15%, l’Union Européenne (UE) s’est engagée à acheter pour 750 milliards de dollars d’énergies fossiles et de combustible nucléaire aux Etats-Unis en l’espace de 3 ans.

Un chiffre qui n’a aucun sens. Les Etats-Unis ne sont pas capables physiquement en trois ans d’exporter vers l’Europe du pétrole, du Gaz naturel liquéfié (GNL), du charbon voire de l’uranium pour une telle somme, même si les cours s’envolaient. Et les Européens seraient incapables de le consommer. Comme l’écrit sobrement l’agence Reuters, « la promesse de l’UE d’importer pour 250 milliards de dollars d’énergie américaine [ par an ] est illusoire ». Même sans tenir compte de la contradiction totale avec le pacte vert européen, si cher à Ursula von der Leyen, dont l’objectif est de réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre en se passant de combustibles fossiles…

Une vérité alternative chère à Donald Trump et maintenant à Ursula von der Leyen

L’accord est juste un effet d’annonce totalement déconnecté de la réalité de la production et des marchés de l’énergie. En quelque sorte, une vérité alternative. En outre, la Commission européenne n’a aucun moyen de forcer les pays et les entreprises européennes à importer davantage d’énergie des Etats-Unis. Ce n’est pas Bruxelles qui importe de l’énergie ou en dicte les flux, mais des entreprises privées pour la plupart.

Ce qui n’a pas empêché Ursula von der Leyen d’expliquer que : « l’achat de produits énergétiques américains permettra de diversifier nos sources d’approvisionnement et contribuera à la sécurité énergétique de l’Europe. Nous remplacerons le gaz et le pétrole russes par des achats importants de GNL, de pétrole et de combustibles nucléaires américains ».

Impossibilité physique

« Mais c’est irréalisable non seulement parce que la demande de l’UE ne peut pas augmenter autant, mais aussi parce que les exportateurs américains ne peuvent pas non plus fournir autant », résume Davide Oneglia, économiste chez TS Lombard, cité par l’agence Bloomberg.

En 2024, les exportations énergétiques des États-Unis vers l’ensemble des acheteurs mondiaux se sont élevées à 318 milliards de dollars, selon l’U.S. Energy Information Administration. Sur ce total, l’UE a importé pour 74 milliards de dollars de pétrole, de GNL et de charbon, selon les chiffres du Département américain du commerce. Les États-Unis sont déjà le premier fournisseur de GNL et de pétrole de l’UE, couvrant l’an dernier 44% de ses besoins en GNL et 15,4% en pétrole. Multiplier par 3,3 ces importations est impossible physiquement avant de nombreuses années et à condition d’y consacrer des investissements considérables de part et d’autre de l’Atlantique et de contraindre les entreprises européennes et américaines. Pour le média spécialisé OilPrice, « l’Europe veut plus de gaz américain qu’il en existe ».

Déjà dans l’accord commercial avec le Japon

Au cours des trois dernières années, les importations européennes totales de pétrole, de gaz et de charbon ont représenté entre 300 et 400 milliards de dollars par an. Pour en acheter pour 750 milliards aux Etats-Unis, soit donc 250 milliards par an, l’UE devrait acheter entre 62% et 83% de ses approvisionnements aux Etats-Unis. Et les Etats-Unis devraient fournir 79% de leurs exportations actuelles à l’Europe…

C’est d’autant plus impossible que d’autres pays se sont aussi engagés à acheter davantage de pétrole, de GNL et de charbon américains toujours dans le cadre d’accords commerciaux avec l’administration Trump. C’est le cas du Japon qui a accepté une « expansion majeure des exportations énergétiques américaines » dans l’accord commercial conclu avec Washington la semaine dernière. La Corée du Sud a également manifesté son intention d’augmenter sensiblement ses achats de GNL dans le cadre d’un futur accord commercial.

Les Etats-Unis consomment autant de pétrole qu’ils en produisent

On peut entrer un peu plus dans le détail pour mesurer l’absurdité de ce qui est présenté comme le volet énergétique de l’accord Trump-von der Leyen. Commençons par le pétrole. Les Etats-Unis sont de loin le premier producteur au monde, grâce au pétrole de schiste, et sortent de leur sous-sol un peu plus de 19 millions de barils/jour. Et ils en consomment un peu moins de 19 barils par jour. On ne voit pas vraiment où ils vont pouvoir trouver les 10 millions de barils de pétrole que l’Union Européenne consomme par jour et qui sont importés à 97%. D’autant plus que les réserves de pétrole de schiste américaines s’épuisent assez rapidement et elles sont de plus en plus difficiles et coûteuses à exploiter.

Et si les Etats-Unis exportent officiellement du pétrole en assez grande quantité, environ 4 millions de barils par jour, en fait ce n’est pas le leur. Il provient des gisements canadiens, exploités souvent par des compagnies américaines, qui sont connectés au réseau de pipelines et aux terminaux pétroliers américains.

Entretenir l’illusion, le temps que les médias et l’opinion oublient

Le problème est presque le même pour le gaz. Les Etats-Unis en produisent environ 900 millions de tonnes par an et en consomment 750 millions de tonnes. L’Europe en utilise un peu moins de 300 millions de tonnes, importées à 90%. Mais déjà, le gaz américain acheté par les Européens ne peut être que du GNL transporté par des méthaniers. Les Etats-Unis sont devenus le premier exportateur mondial de GNL en vendant à l’Europe une grande partie de ce qu’ils peuvent produire, soit 88,3 millions de tonnes l’an dernier. Mais ils n’ont pas de capacités supplémentaires disponibles et les gazoducs et les terminaux de liquéfaction ne se construisent pas en quelques mois. D’autant plus que l’administration Biden avait gelé une partie des investissements prévus dans le GNL pour des raisons environnementales.

Restent le charbon, les carburants raffinés et l’uranium, mais ils ne représentent qu’une valeur modeste. Et pour ce qui est du combustible nucléaire proprement dit, les Etats-Unis sont déjà incapables d’en produire suffisamment pour leurs propres besoins. On ne voit pas comment ils pourraient en exporter ! Jusqu’à l’invasion de l’Ukraine en février 2022, la Russie fournissait environ un quart de l’uranium légèrement enrichi consommé dans les centrales américaines. Voilà pourquoi la Maison Blanche a attendu mai 2024 pour finir par promulguer une loi votée par le Congrès instaurant un embargo sur l’uranium russe et tous ses dérivés. Elle a aussi créé un système de subventions afin de développer au plus vite, aux Etats-Unis et dans des pays alliés, les capacités d’enrichissement qui manquent. Et c’est surtout Orano, la filiale d’EDF, qui devrait en profiter compte tenu de son savoir-faire et des investissements annoncés.

Pour conclure, on peut considérer que l’administration Trump et la Commission européenne d’Ursula von der Leyen ont toutes les deux le même intérêt à faire perdurer l’illusion d’un accord énergétique impossible à mettre en œuvre le plus longtemps possible. Le temps que les opinions et les médias oublient… C’est en général tout au plus une question de mois.

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