La COP30 va devoir prendre en compte un problème qui n’existait pas il y a encore quelques années. Celui du développement accéléré de l’Intelligence artificielle (AI) et de ses conséquences sur la consommation d’énergie et la trajectoire de la transition.
Les besoins informatiques considérables de l’IA alimentent une croissance sans précédent de la consommation d’électricité dans le monde, tirée par la multiplication des centres de données américains et chinois. La dépendance croissante à l’égard des combustibles fossiles, notamment pour les systèmes de secours d’alimentation des centres de données, et les tensions sur les chaînes d’approvisionnement menacent les progrès en matière d’émissions de gaz à effet de serre et renchérissent les coûts de l’énergie. Pour concilier l’expansion de l’IA , qui est inarrêtable, et la transition, les dirigeants politiques et les géants de la technologie doivent investir massivement dans des sources d’énergies bas carbone capables de produire de l’électricité 24 heures sur 24.
Une augmentation exponentielle de la consommation d’énergie
Le développement et le déploiement d’une IA avancée, en particulier des grands modèles génératifs tels que ChatGPT, sont les principaux moteurs de la croissance exponentielle de la demande mondiale d’électricité pour alimenter les centres de données. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la demande d’électricité des centres de données devrait plus que doubler d’ici à 2030 pour tendre vers les 1.000 térawattheures (TWh), l’équivalent de la consommation totale du Japon. Le FMI présente des projections plus alarmistes, considérant que les besoins en électricité induits par les usages de l’IA pourraient pousser sa consommation jusqu’à 1.500 TWh d’ici 2030, surpassant toutes autres sources de demande émergentes (véhicules électriques compris) et avoisinant la consommation électrique de l’Inde, le pays le plus peuplé au monde.
Le cabinet Rystad Energy prévoit pour sa part que la consommation électrique des centres de données va plus que doubler d’ici 2030 et atteindre 2.700 térawattheures (TWh) à l’échelle mondiale d’ici 2050, contre environ 400 TWh au début des années 2020.
Les centres de données ont besoin d’une alimentation électrique 24 heures sur 24 pour maintenir leurs services essentiels. Une brève coupure de courant peut corrompre les données, endommager irrémédiablement le matériel, interrompre des milliards de transactions et enfreindre les garanties de disponibilité de 99,999% données à leurs clients.
La fiabilité indispensable de l’alimentation des centres de données
Pour garantir cette fiabilité, les installations utilisent des systèmes redondants à plusieurs niveaux, qui partent de la connectivité au réseau et sont ainsi souvent reliés à plusieurs lignes provenant de différentes sous-stations. Elles déploient également des systèmes d’alimentation sans coupure (UPS), qui sont de grandes batteries fournissant une alimentation électrique instantanée pendant généralement cinq à quinze minutes en cas de panne du réseau. Enfin, elles disposent de sources d’alimentation de secours, telles que des générateurs diesel et à gaz, qui prennent le relais des systèmes UPS jusqu’à ce que l’alimentation du réseau soit rétablie.
La demande des centres de données en matière de production d’électricité de secours est telle qu’elle a aujourd’hui un impact considérable sur la chaîne d’approvisionnement de la production d’électricité au gaz. Cela se traduit par une inflation des prix supérieure à 300% et des délais de livraison de plus de cinq ans pour les turbines à gaz à haut rendement, également appelées turbines à gaz à cycle combiné. Les pays qui tentent de remplacer leurs centrales à charbon par des centrales à gaz pour réduire leurs émissions ne peuvent plus le faire.
Un formidable accélérateur de la transition
Les géants de la technologie, les Google, Amazon et Microsoft, se disent vertueux et comptent effectivement parmi les plus grands acheteurs mondiaux d’électricité renouvelable bas carbone. Mais le simple fait d’acheter chaque année suffisamment d’électricité renouvelable pour couvrir leur consommation mondiale ne signifie pas pour que leurs centres de données fonctionnent avec de l’électricité décarbonée 24 heures sur 24. C’est impossible. Lorsque le soleil se couche ou que le vent cesse de souffler, les centres de données continuent à s’alimenter à partir des réseaux électriques nationaux qui fonctionnent alors souvent avec des centrales thermique au charbon ou au gaz.
Le véritable défi consiste à assurer un approvisionnement en électricité bas carbone 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 des centres de données. Pour y parvenir, il faut investir massivement : dans de nouvelles capacités de production renouvelables intermittentes, dans des renouvelables pilotables (hydraulique, géothermie), dans de nouveaux réacteurs nucléaires grands et petits (SMR), dans l’amélioration de la flexibilité des réseaux et dans la mise en place de solutions de stockage d’électricité à grande échelle. Il s’agit d’un formidable accélérateur de la transition. En outre, l’IA peut apporter une accélération des innovations et utopies énergétiques. Elle pourrait être décisive, par exemple, dans le développement de la fusion nucléaire.














