<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Politique énergétique : le rappel à l’ordre de l’Académie des technologies

3 novembre 2025

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Politique énergétique : le rappel à l’ordre de l’Académie des technologies

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Dans un rapport intitulé « Pour une politique française et européenne de l’énergie ambitieuse et réaliste », l’Académie des technologies somme les pouvoirs publics de se ressaisir, d’apporter des « ajustements urgents à la PPE3 » (Programmation pluriannuelle de l’énergie version 3) et de redonner ainsi de la cohérence et du réalisme à la politique énergétique du pays. Sinon, il n’a aucune chance d’atteindre les objectifs fixés de décarbonation de son économie.

L’Académie des technologies a rendu public le 27 octobre un rapport important sur la politique énergétique de la France et la trop fameuse PPE3 (Programmation pluriannuelle de l’énergie, version 3). Il est intitulé « Pour une politique française et européenne de l’énergie ambitieuse et réaliste ».

L’habileté de l’Académie des technologies est sur le fond de ne pas ménager ses critiques de la PPE3 et de la façon dont est menée la transition énergétique tout en étant dans la forme mesurée et didactique. Elle souligne ainsi que le débat public n’aborde pas vraiment de front le seul véritable enjeu de la transition qui est de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

« Le débat français sur le mix électrique est très animé (nucléaire versus renouvelables par exemple) ; il est utile mais la décarbonation des usages est la clef de la transition énergétique », écrit l’Académie.

« Garantir à tous la disponibilité d’une énergie abondante et bon marché »

Elle estime que « l’objectif environnemental de réduction des émissions doit se combiner avec, d’une part, un objectif social pour garantir à tous la disponibilité d’une énergie abondante et bon marché et économique d’autre part pour assurer la compétitivité de l’économie française et sa souveraineté, dont la production en France et en Europe des composants et services nécessaires à la décarbonation ».

Pour cela il importe de faire « des ajustements urgents à la PPE 3 et à la SNBC [Stratégie nationale bas carbone] 3 ». Car l’Académie « identifie plusieurs fragilités majeures de la PPE 3 qui doivent être corrigées… Pour la France, qui a déjà une électricité quasiment complètement décarbonée, les trois enjeux essentiels sont 1) la décarbonation des usages, 2) une sobriété énergétique préparée, choisie et partagée, 3) une croissance maîtrisée des énergies décarbonées (éolien, solaire, hydraulique, nucléaire, biomasse et géothermie) ».

Les prix de l’électricité sont devenus un obstacle

Il est ainsi nécessaire que « le mix électrique prenne en compte les coûts complets des différentes énergies et leur impact sur le système électrique (production, mais aussi stockage, stabilité des réseaux, sécurité de la production et de son approvisionnement en matériaux etc.) ».

L’Académie insiste sur le fait que « la décarbonation des usages sera la clé du succès, avec trois enjeux principaux : le transport, le secteur résidentiel et tertiaire et l’industrie ». La décarbonation des usages, c’est-à-dire l’électrification de ses usages. « La production actuelle d’électricité est, pour l’essentiel, déjà décarbonée. Au-delà de la sobriété et de l’efficacité énergétique, la décarbonation des usages énergétiques viendra largement de la conversion à l’électricité d’usages assurés actuellement par des énergies fossiles…».

Mais pour cela faut-il encore que les prix de l’électricité ne soient pas un obstacle, notamment du fait d’une fiscalité trop lourde. Ce que dénonce l’Académie. « Au regard de la promotion de l’électricité pour assurer la décarbonation, on doit cependant rappeler que la fiscalité appliquée à l’électricité est particulièrement curieuse puisqu’elle supporte deux taxes spécifiques, la Contribution tarifaire d’acheminement (CTA) qui finance des droits spécifiques relatifs à l’assurance vieillesse des personnels des industries électriques et gazières, et un droit d’accise perçu par l’État qui contribue au financement des énergies renouvelables et certaines obligations de service public d’EDF. La TVA (taux de 20%) s’applique au prix hors taxe de l’électricité, au coût de transport et aux deux taxes spécifiques ! Au total, l’électricité produite et distribuée supporte 47% de taxes à comparer aux billets d’avion qui ne supportent pas la TVA et aux soutes maritimes et aériennes (kérosène) qui ne supportent aucune taxe. Les droits d’accise sur l’électricité sont près du double de ceux supportés par le gaz (par kWh) : la fiscalité de l’énergie devrait être profondément repensée pour inciter à l’utilisation de l’électricité pour la décarbonation. »

Repenser la fiscalité de l’énergie

La conclusion du rapport de l’Académie des technologies est sans appel : « la fiscalité de l’énergie doit être repensée pour inciter à l’utilisation de l’électricité décarbonée alors que les droits d’accise sur l’électricité sont aujourd’hui le double de ceux du gaz, freinant le remplacement du chauffage individuel ou collectif au gaz ».

Elle ajoute que « la maîtrise du prix de gros de l’électricité doit être un objectif majeur de la politique française ; c’est la clé de la compétitivité de l’économie et de la dynamique de l’électrification/décarbonation. Un ordre de grandeur d’environ 50 €/MWh en moyenne serait très favorable à la France alors que des tarifs au-delà de 60 €/MWh seraient au contraire dissuasifs. » C’est mal parti. La CRE (Commission de régulation de l’énergie) a fixé à 60,3 euros le MWh les coûts complets de l’électricité nucléaire en France sur la période 2026-2028 et 63,4 euros le MWh pour la période 2029-2031.

Des contraintes européennes injustes

Enfin, l’Académie souligne que les contraintes européennes sont injustement défavorables à la France.

« La France est plus vertueuse que la moyenne de l’Europe pour la part d’énergie fossile dans sa production électrique, mais aussi pour sa production de chaleur et sa demande finale d’énergie. Il en résulte que réduire de 55% ses émissions de GES en 2030 par rapport à 1990 est plus difficile à atteindre par la France que par l’Europe pour deux raisons.

-Ayant décarboné son électricité plus tôt que la plupart des pays européens son réservoir de progrès pour décarboner sa production électrique est quasi épuisé.

-Il lui reste donc le réservoir de l’électrification des usages, autrement plus lent et plus difficile à réaliser. Or ces réservoirs de progrès, l’industrie et le transport en particulier, peuvent difficilement se décarboner plus vite que le reste de l’Europe. »

En conclusion, le rapport affirme « qu’atteindre la neutralité carbone représente un défi considérable, des efforts immédiats et des innovations pour une politique énergétique réaliste et ambitieuse dont il faut se donner les moyens, mais aussi une formidable opportunité de développement et de résilience pour la France, à condition d’en faire un projet collectif, cohérent et durable ».

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