La bataille continue à faire rage en Europe entre les gouvernements, les institutions communautaires, les organisations militantes, les partis politiques et les milieux économiques et industriels sur la stratégie consistant à imposer la motorisation électrique. Pour le moment, la date de 2035 reste impérative et les constructeurs ne pourront plus alors commercialiser des véhicules neufs à moteur thermique. Le problème est que la demande n’est pas du tout au niveau attendu. Elle stagne ou baisse et est portée avant tout dans la plupart des pays, en-dehors de ceux de l’Europe du Nord, par des subventions massives, des contraintes imposées aux flottes d’entreprises et des « manipulations » de marché.
Les automobilistes dans une très grande majorité et dans quasiment tous les pays européens ne souhaitent pas passer à la motorisation 100% électrique. Ils achètent beaucoup moins de véhicules neufs et quand c’est le cas préfèrent les hybrides ou même l’essence. Face à cela, les constructeurs automobiles européens semblent pour la plupart perdus. Leur rentabilité est en danger. Ils ne sont pas compétitifs dans l’électrique en termes de coûts et de technologies face à leurs concurrents chinois et face à Tesla. Mais ils ont tellement investi dans l’électrique que faire machine arrière devient presque impossible. Ils cherchent donc à gagner du temps comme le montrent les demandes publiques récentes de reports de l’échéance de 2035 par Mercedes et BMW.
Le consommateur toujours réfractaire
Certains se consolent aussi en expliquant que la défiance d’une partie des consommateurs vis-à-vis de la motorisation électrique ne va pas durer et que les progrès technologiques des batteries vont rendre leur usage aussi facile ou presque qu’un véhicule à moteur essence ou diesel. On est loin d’en être là. Et il faut faire attention à certains chiffres mis trop facilement en avant. Comme les ventes record de véhicules électriques en Allemagne, premier marché automobile européen, au premier semestre de cette année.
Le principal syndicat des concessionnaires allemands, le ZDK (Zentralverband Deutsches Kraftfahrzeuggewerbe), dénonce une illusion statistique qui masque la demande réelle de « véritables » clients. Il y a eu officiellement 248.726 voitures électriques immatriculées au premier semestre de cette année outre-Rhin, soit 17,7% du marché. Mais sur ce total, seuls 82.294 véhicules ont été achetés par des personnes privées, une baisse de 9%…
Gonfler artificiellement la part des électriques
L’analyse du ZDK montre que les immatriculations « maison » se sont envolées : 65.401 voitures électriques enregistrées par les concessionnaires sur les six premiers mois de 2025, soit plus du double par rapport à 2023. Du côté des constructeurs, le même chiffre a quadruplé.
Il s’agit d’une pratique classique dans l’automobile pour écouler les stocks et remplir artificiellement les carnets de commandes. Les véhicules, soit disant vendus, sont intégrés à des flottes internes ou proposés ensuite dans des formules de leasing attractives. Mais cette stratégie pèse sur les marges et masque le niveau réel de la demande.
Elle a aussi aujourd’hui une autre logique : gonfler artificiellement la part des électriques dans les ventes des constructeurs pour leur éviter des pénalités sur leurs émissions moyennes de CO2. En multipliant les immatriculations internes, ils évitent les pénalités mais plombent quand même leurs comptes… Cela s’appelle la politique de l’autruche et n’a qu’un temps. Et cela se pratique également en France. En juillet dernier en France, les immatriculations neuves ont baissé de 8%. En proportion, les ventes électriques ont augmenté de 15%, grâce aux achats de flottes parce que les achats de particuliers continuent à baisser.
Une logique que dénonce Thomas Peckruhn, le Président du syndicat ZDK. « C’est un signal d’alarme que la politique ignore ». Il critique des stratégies de vente reposant sur les flottes d’entreprise et pas sur l’incitation des particuliers. Il réclame et vite une baisse des prix de l’électricité, la transparence sur les tarifs de recharge et des infrastructures mieux déployées. Pas sûr que cela soit suffisant.