« Aujourd’hui, la France n’a pas de politique énergétique », a déclaré la directrice générale d’Engie, Catherine MacGregor, à la Rencontre des Entrepreneurs de France, le 27 août. De fait, la Programmation pluriannuelle de l’énergie n’a pas vu le jour : le Parlement n’a pas fini ses débats, et la tentative de passer un décret le 1er août a été bloquée par François Bayrou. Pourtant, certains acteurs évoquent la publication de ce décret avant le 8 septembre, qui n’a pas été formellement exclue par le gouvernement.
La Fédération nationale de l’énergie solaire appelle même à publier avant cette date le décret abaissant à 5,5% la TVA pour les installations photovoltaïques résidentielles, alors que ce texte devait être examiné par le Conseil supérieur de l’énergie le 9, date fébrilement avancée au 4 !
Une triple erreur
Le débat est devenu caricatural : soutenir les renouvelables serait « progressiste » ; les critiquer, « populiste ». Alors qu’en réalité rien ne presse et que vouloir faire passer une PPE en catimini est une triple erreur : technique, financière et politique.
Techniquement, la consommation d’électricité en France baisse (-0,9 % sur les 7 premiers mois de 2025) et a décru de 6% par rapport à 2017. Notre puissance de production installée toutes filières confondues est le triple de la puissance moyenne consommée, donnant des marges de manœuvre pour passer les pics annuels. La France exporte près de 20% de sa production. Le véritable enjeu climatique est de consommer davantage d’électricité dans les voitures ou avec des pompes à chaleur par exemple, pas d’ajouter des moyens de production d’une électricité que nous ne savons pas stocker à grande échelle. C’est d’ailleurs pourquoi l’Académie des Sciences a recommandé de revoir à la baisse les objectifs de développement de l’éolien et du solaire, qui ont déjà augmenté de 140% entre 2017 et 2025, pour représenter aujourd’hui 32% de la puissance installée – à comparer aux 39% de puissance nucléaire d’EDF.
La surcapacité actuelle pèse sur les prix : les parcs éoliens ou solaires produisent au même moment, et se cannibalisent. Ainsi, le prix moyen de vente de l’électricité solaire décroche par rapport au marché d’ensemble. Cet écart est compensé pour les producteurs par une taxe (accise) qui se retrouve dans la facture électricité payée par les consommateurs. Les charges de soutien aux énergies renouvelables viennent d’être revues à la hausse, passant de 10,9 milliards pour 2025 à 12,9 pour 2026. Chaque parc nouveau installé et soutenu engage les finances publiques pour 20 ans et donc les charges supportées par nos enfants, pour reprendre l’argument mis en avant par François Bayrou le 25 août.
Investir au bon moment
Les filières industrielles poussent néanmoins pour une poursuite rapide et massive des investissements avec des soutiens publics. Nous ne devons pas perpétuer un modèle d’industries subventionnées aux frais des contribuables et il s’agit ici largement d’activités d’assemblage de composants importés. Les entrepreneurs de nombreux secteurs savent, eux, s’adapter à la dynamique de leurs marchés, sans tendre ainsi la sébile, surtout dans le contexte d’aujourd’hui.
Sans urgence technique, et compte tenu de ses coûts importants, la fuite en avant sur les énergies renouvelables ne se justifie nullement. La vraie question est d’investir au bon moment. Même si la consommation repartait, ce qui est loin d’être acquis, nous avons un réservoir de production très économique avec une augmentation possible de la production nucléaire, car les réacteurs ne produisent aujourd’hui qu’autour de 67% de leur capacité.
Et s’il fallait ajouter rapidement de la puissance de production, les dirigeants du photovoltaïque eux-mêmes disent qu’en trois ans nous pourrions installer une puissance supplémentaire de 15 à 20 GW rien que sur les parkings. Tout ceci combiné avec le programme en cours d’augmentation de la durée de vie des centrales nucléaires nous donne le temps de voir venir de façon responsable à la fois à court et long terme.
Enfin, faire passer un décret sur la planification énergétique dans la situation politique d’aujourd’hui serait dévastateur. Et témoignerait du poids des lobbys et de la faiblesse de l’État en donnant aux citoyens le sentiment qu’ils ne seraient bons qu’à payer des décisions inconséquentes.
Une transparence nécessaire
La politique énergétique engage le long terme. Elle doit être le fruit de décisions politiques fondées sur une clarté scientifique et technique, avec une vraie transparence financière et un débat démocratique. Même s’il fallait attendre une nouvelle majorité, voire reposer le débat après l’élection présidentielle, ce délai supplémentaire est supportable tant les enjeux de souveraineté et financiers sont importants.
Le Premier ministre a déclaré le 28 avril qu’il tiendrait le plus grand compte de l’avis de l’Académie des Sciences. Il a de nouveau fait preuve de discernement en arrêtant le projet de décret poussé par le ministre de l’Énergie le 1er août. Espérons que jusqu’au 8 septembre, il pourra faire régner le sens de l’État dans cette période confuse et propice à toutes les pressions.