Il faut se souvenir du réquisitoire contre la PPE3 écrit il y a juste quatre mois par la très respectée Académie des Sciences. « Ce document est mal fait, il n’y a pas eu de travail de mise en cohérence des contributions des différents services ». Un niveau de rigueur « indigne d’une production des services de l’État ». L’Académie dénonçait à la fois les ambitions irréalistes et la méthode qui consiste à fixer des objectifs sans se donner les moyens de les atteindre, et sans se soucier des conséquences économiques, financières, politiques et sociales. « C’est complètement fou. C’est incohérent », concluait l’Académie des Sciences.
Le Parlement, que le gouvernement voulait et manifestement pour certains de ses membres veut toujours contourner en promulguant le texte par décret, ce qui est illégal, avait tout de même réussi à s’emparer de la question, notamment au Sénat via une proposition de loi sur la « Programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie », dite PPL Grémillet. Elle propose notamment de remplacer la catégorie des énergies renouvelables par celle des énergies décarbonées, ce qui change beaucoup de choses.
Contourner les parlementaires par tous les moyens
Les sénateurs avaient adopté un premier texte qui a été ensuite largement amendé par les députés avant d’être finalement rejeté. Une seconde lecture de la PPL doit avoir lieu à la mi-septembre à l’Assemblée et en cas de nouveaux désaccords avec le Sénat, une commission mixte paritaire sera réunie. Entretemps, il y avait eu un psychodrame avec le vote inattendu en juin à l’Assemblée d’un moratoire suspendant la construction de nouveaux parcs renouvelables intermittents, éoliens et solaires, qui a été finalement rejeté après une levée de boucliers et une agitation médiatique sans précédents de tous les partisans des renouvelables qui ont multiplié les accusations outrancières. Il ne s’agissait pourtant que de demander un rapport à RTE et de s’interroger enfin sérieusement sur la nécessité ou non d’investir des centaines de milliards d’euros pour produire une électricité décarbonée afin de remplacer… une autre électricité décarbonée.
Sauf qu’au sein du gouvernement et même manifestement à l’Elysée, on ne souhaite surtout pas de débats sur la politique énergétique du pays autres que ceux contrôlés par des porteurs de la « bonne parole ». Ou alors qu’il s’agisse de débats dans le vide. Marc Ferracci, pour ne pas le nommer, le ministre de l’Industrie et de l’énergie… et surtout des renouvelables a donc annoncé officiellement le 1er août dans un communiqué un passage en force au cœur de l’été et la promulgation de la PPE3 par décret. Une initiative bloquée in extremis par le Premier ministre, François Bayrou. Un épisode politique proprement ahurissant…
Des intérêts prêts à tout
Pour en revenir au fond de la PPE3, on peut résumer les principales critiques qui lui sont faites de la façon suivante. Et il ne s’agit pas, comme elles ont été sans cesse caricaturées par des intérêts prêts à tout, d’un rejet de la transition énergétique voire de climato-scepticisme ! Des outrances ridicules. La question n’est pas de savoir si les éoliennes ou les panneaux solaires son le bien ou le mal absolu. Cela n’a aucun sens sauf pour ceux qui veulent en faire un combat dogmatique quasi-religieux. Il s’agit seulement d’équipements qui permettent de produire de l’électricité bas carbone avec le vent et le soleil et sont à ce titre utiles et nécessaires… ou pas.
Pour la France, ils sont aujourd’hui inutiles et inutilement coûteux dans un pays financièrement exsangue après des années de gestion calamiteuse des finances publiques. La France n’a pas besoin de se doter dans les 10 ou 15 prochaines années de capacités supplémentaires massives de production électrique à partir de renouvelables intermittents comme le stipule la PP3 à raison de 20.000 éoliennes, plus de 30 parcs maritimes, une capacité solaire multipliée par cinq, pour une facture estimée à 300 milliards d’euros.
La France produit déjà trop d’électricité, décarbonée à 95% !
La quasi-totalité de l’électricité que la France produit aujourd’hui (en 2024), soit 95%, est décarbonée. La France a en outre une production d’électricité très nettement supérieure à la demande. Cette dernière n’a pas augmenté au cours des dernières années et a même légèrement baissé depuis 2017 du fait de l’amélioration de l’efficacité énergétique, ce qui est positif, et ce qui l’est moins de la désindustrialisation et du gonflement des factures qui a conduit les ménages modestes à moins consommer. Voilà pourquoi la France a exporté l’an dernier un excédent record de 89 TWh de production électrique.
Et la PPE3 prévoit à l’horizon 2035, une addition massive de capacité de production électrique renouvelable intermittente – de l’ordre de 200 TWh – à une production qui atteint déjà 540 TWh pour une consommation de 449 TWh en 2024. Cherchez l’erreur.
Pourquoi faire passer en force et à tout prix la PPE3 ?
Cela signifie que l’augmentation éventuelle de la consommation dans les prochaines années, même dans l’hypothèse ou soudain l’électrification des usages serait enfin au rendez-vous dans les transports et l’industrie, ne peut pas conduire à une augmentation massive de la consommation d’électricité. Les capacités actuelles de production sont très largement suffisantes. En outre, le pays est engagé à un horizon d’une quinzaine d’années dans la construction d’au moins 6 nouveaux réacteurs nucléaires.
Alors pourquoi faire passer à tout prix et en force la PPE3 ? Il y a de quoi se poser la question. Y-a-t-il des intérêts politiques, idéologiques et surtout économiques qui sont à la manœuvre au sein de l’appareil d’Etat, au gouvernement et dans l’entourage du Président de la République ? La suite du destin de la PPE3 nous apportera sans doute des réponses.
Nous publions également sur cette question majeure et sous forme de tribune le communiqué publié le 2 août par le très sérieux Cérémé (Cercle d’études et de réflexions sur le mix énergétique), Think tank (groupe de réflexion) spécialisé dans l’énergie et qui depuis des mois dénonce les failles et les dangers de la PPE3. Ce communiqué s’insurge contre l’inversion d’ordre inacceptable entre le règlement et la loi. On peut le trouver ici.