L’hydrogène n’a plus vraiment le vent en poupe. Fabriqué à partir d’électricité décarboné et par électrolyse, l’hydrogène vert est un combustible bas carbone qui peut remplacer les énergies fossiles là où cela est presque impossible pour l’électricité à savoir dans l’industrie lourde (chimie, cimenteries, verrerie, sidérurgie…) et les transports lourds sur longues distances (surtout aérien et maritime). Mais la construction d’une économie de l’hydrogène s’avère bien plus difficile qu’anticipé au cours des dernières années en dépit de subventions publiques massives. L’hydrogène n’est pas compétitif et ne le sera pas tant que des investissements majeurs ne seront pas réalisés dans les capacités de production ce qui ne se fait pas faute de demande… du fait des prix trop élevés. Un problème de poule et d’œuf.
Pourtant à contre-courant, un constructeur automobile continue à croire à l’hydrogène comme carburant pour alimenter un véhicule électrique via une pile à combustible. Il s’agit de BMW. Cela est d’autant plus surprenant que la perspective de voir se développer des véhicules légers à hydrogène n’est pas considérée comme une priorité, loin de là, et passe après des usages jugés bien plus prioritaires dans l’industrie et les transports lourds.
Une BMW à hydrogène commercialisée en 2028
BMW estime aujourd’hui que le véhicule électrique à hydrogène peut en fait profiter du rejet persistant, par une bonne partie des automobilistes, du véhicule électrique à batteries, notamment pour des raisons d’autonomie, de temps et de facilité de recharge et de poids des batteries
Le directeur général du programme de développement de la technologie de l’hydrogène, le Dr Jürgen Guldner, a déclaré très récemment à la revue spécialisée Driving Hydrogen que BMW accélère même ses plans de production de véhicules à pile à combustible. Là première voiture à hydrogène du constructeur allemand doit être mise sur le marché en 2028 et sera probablement basé sur son SUV X5. Jusqu’à présent, BMW n’a jamais produit en série de véhicule à pile à combustible à hydrogène, seulement des prototypes. Seuls Toyota, Honda et Hyundai fabriquent aujourd’hui en petite série, à quelques milliers d’exemplaires par an, des voitures à hydrogène et les vendent à des tarifs très élevés.
Utiliser l’électricité renouvelable excédentaire pour fabriquer l’hydrogène vert
BMW collabore d’ailleurs étroitement avec Toyota pour le développement de véhicules à pile à combustible à hydrogène; Son prototype iX5 est propulsé par des piles à combustible Toyota. En complément de la gamme déjà fournie de véhicules électriques à batteries de BMW, Jürgen Guldner pense que l’hydrogène pourrait offrir le « meilleur des deux mondes… Les véhicules à hydrogène offrent l’expérience de conduite électrique – silencieuse, sans émissions, avec un couple instantané – mais peuvent être ravitaillés en trois ou quatre minutes, comme une voiture à essence… L’hydrogène résout parfaitement les problèmes de recharge ».
Il rejette aussi les arguments contre le véhicule à hydrogène et à pile à combustible qui reposent sur son efficacité énergétique faible. Elle est de l’ordre de 30% puisque l’électricité est d’abord transformée en hydrogène vert par électrolyse et ensuite l’hydrogène est retransformé en électricité via la pile à combustible. « L’efficacité seule n’est pas suffisante comme critère », explique Jürgen Guldner. « La valeur réelle de l’hydrogène apparaît lorsque l’on considère l’ensemble du système énergétique, y compris le stockage, le transport et l’utilisation de l’énergie renouvelable excédentaire. Si les énergies renouvelables sont autrement gaspillées, les convertir en hydrogène revient à utiliser de l’énergie gratuite ».
De nombreux obstacles n’ont pas disparu
Il ajoute enfin que les infrastructures permettant l’alimentation des véhicules se développent au Japon, en Corée du sud et dans plusieurs pays européens. « Des projets tels que le programme de camions à hydrogène au Royaume-Uni, qui comprend des options de ravitaillement pour les voitures particulières, représentent l’avenir. BMW ne peut pas construire toutes ces stations seul, mais nous travaillons de manière proactive avec des partenaires pour développer le réseau ». Un optimisme qui ne manque pas de surprendre…
Car si les véhicules à pile à combustible et à hydrogène fonctionnent bien, leur diffusion à une échelle industrielle se heurte toujours à plusieurs sérieux obstacles. A commencer par le manque d’infrastructures, de stations notamment, permettant de remplir leurs réservoirs.
Il faut y ajouter le fait que la production aujourd’hui d’hydrogène vert, fabriqué par électrolyse avec de l’électricité décarbonée, est modeste. Les projets sont nombreux, les réalisations tardent à se concrétiser. Et la logique suivie aujourd’hui est que cet hydrogène bas carbone, quand il sera produit en quantité, ira prioritairement aux besoins qui n’ont pas d’autres alternatives aux carburants fossiles, l’industrie et les transports lourds sur longue distance.
Autre difficulté sérieuse, l’hydrogène vert produit en petite quantité avec de l’électricité décarbonée, également en quantité insuffisante, coûte très cher comme les voitures produites en petite série. Enfin, ni les gouvernements, ni la plupart des constructeurs automobile qui ont investi des centaines de milliards d’euros et de dollars dans la motorisation électrique à batterie et ont tant de mal à l’imposer à des consommateurs récalcitrants n’ont envie de voir cette technologie concurrencée et menacée.