L’industrie automobile européenne est confrontée à une crise existentielle liée essentiellement à la conversion à marches forcées vers la motorisation électrique qui lui a fait perdre du jour au lendemain tout avantage technologique et compétitif. Elle est aujourd’hui à la traîne de l’industrie automobile chinoise qui technologiquement et économiquement possède des années d’avance. Au point que la Commission européenne, après avoir imposé la fin de toute vente de véhicule neuf à moteur thermique d’ici 2035 et des contraintes toujours plus fortes sur les émissions de CO2 des véhicules, a fini pour sauver ce qui peut l’être en augmentant les droits de douane sur les importations de véhicules chinois. Quant au fameux Airbus des batteries tant vanté par les gouvernements, et par Emmanuel Macron, il tourne au fiasco à l’image de la faillite de Northvolt.
Cela dit, l’industrie automobile chinoise affronte aussi une crise qui a conduit le gouvernement de Pékin à intervenir directement auprès des constructeurs pour tenter d’éviter une guerre des prix à outrance. Car les constructeurs chinois doivent gérer des surcapacités de production considérables aggravées par les droits de douane imposés aux Etats-Unis et en Europe. La Chine a été l’an dernier le premier exportateur automobile mondial.
Plus de 50% de surcapacités de production
Mais les surcapacités sont trop grandes pour que l’industrie en sorte indemne. Même si le nombre de fabricants de véhicules électriques a commencé à diminuer pour la première fois l’année dernière dans le pays, l’industrie utilise encore moins de la moitié de ses capacités de production. Le taux moyen d’utilisation des capacités de production dans l’industrie automobile chinoise était de 49,5% l’an dernier selon l’institut de recherche automobile Gasgoo de Shanghai. Cette situation est d’autant plus difficile à gérer que la croissance du marché automobile chinois, le premier au monde, a commencé à ralentir.
Les autorités chinoises tentent d’éviter une crise trop brutale et ont critiqué ouvertement les entreprises du secteur pour leur « concurrence effrénée ». Les dirigeants des grandes marques ont été convoqués à Pékin il y a quelques jours. Ils ont été sommés de « s’autoréguler » et de ne pas vendre des voitures à perte. BYD, le leader du marché, est dans la ligne de mire pour avoir fortement baissé les tarifs de ses véhicules, de plus de 30% en moyenne contre 20% environ pour la plupart de ses concurrents. La guerre commerciale en cours réduira ses bénéfices et celui des constructeurs les plus puissants, mais cela sera un mauvais moment à passer et surtout cela fera disparaître les concurrents les plus faibles.
Des risques pour le « made in China »
Cette stratégie risquée effraye le gouvernement chinois, les autorités locales et les investisseurs. La capitalisation boursière de BYD, qui pourrait être l’un des grands gagnants de la consolidation massive de l’industrie qui se profile, a perdu 21,5 milliards de dollars depuis le sommet atteint par ses actions à la fin du mois de mai.
Les rabais incessants érodent les marges, sapent la valeur des marques et font que les entreprises, même les plus capitalisées, se retrouvent dans des situations financières difficiles. Il y a des risques aussi sur l’image et la qualité des véhicules chinois. En réduisant leurs coûts pour rester à flot, les constructeurs sont contraints de diminuer les investissements dans la qualité, la sécurité et le service après-vente. Des produits à bas prix et de mauvaise qualité peuvent gravement nuire à la réputation internationale des voitures « fabriquées en Chine », a mis en garde le Quotidien du peuple, l’organe du parti communiste. Au moment même où les modèles de BYD, de Geely, de Zeekr et de Xpeng sont vantés un peu partout dans le monde pour leur avance technologique.
Les consommateurs freinent leurs achats
La guerre des prix a aussi un impact sur les consommateurs et le niveau des ventes. Elle leur est à priori favorable. Mais l’imprévisibilité des tarifs et les baisses permanentes découragent et provoquent le mécontentement. Sur les réseaux sociaux chinois, les automobilistes se demandent pourquoi acheter une voiture quand elle sera moins chère la semaine prochaine…
BYD, la marque automobile la plus vendue en Chine, est pointé du doigt par tous les autres. « Il est évident pour tout le monde que c’est le plus gros acteur qui fait cela », affirme Jochen Siebert, directeur général de la société de conseil en automobile JSC Automotive. « Les tactiques agressives de BYD soulèvent des inquiétudes quant au dumping potentiel de ses voitures, aux problèmes de gestion des concessionnaires et à l’éviction des fournisseurs ».
Jochen Siebert souligne aussi que les perspectives à l’exportation ne sont pas très favorables. « Le marché américain est complètement fermé, et le Japon et la Corée pourraient l’être très bientôt s’ils constatent une invasion de constructeurs automobiles chinois. La Russie, qui était le plus grand marché d’exportation l’année dernière, devient maintenant très difficile. Je ne vois pas non plus l’Asie du Sud-Est comme une opportunité ».