La précarité énergétique n’est pas une vue de l’esprit en France. Plus du tiers des foyers (36%) déclare avoir eu des difficultés pour payer des factures d’électricité ou de gaz au cours des douze derniers mois, un niveau inédit selon le baromètre annuel du médiateur national de l’énergie, publié le 28 octobre. Ce sondage, le septième du genre, a été réalisé par l’institut BECOMING du 10 au 17 septembre auprès d’un échantillon représentatif de 2.000 foyers français métropolitains.
Les difficultés de paiement, qui concernaient 28% des foyers en 2024 et 18% en 2020, n’ont jamais affecté autant de ménages français. Ils sont aussi 85% à estimer que leurs factures énergétiques représentent une part importante de leur budget. Ce chiffre est le plus élevé depuis 2007. Autre indicateur de la réalité de la précarité énergétique : la restriction de chauffage pour des raisons financières concerne près des trois quarts des ménages, avec un taux de 74% proche du record de 79% enregistré en 2023.

Source: Médiateur national de l’énergie (2025).
Une sobriété énergétique subie, certainement pas choisie
Conséquence logique, le nombre élevé de ménages déclarant « avoir souffert du froid au moins 24 heures dans leur logement l’hiver dernier ». Ils sont 35% cette année, contre 30% en 2024 et étaient 14% en 2020. Ce sont évidemment les ménages les plus modestes qui sont les plus touchés par la précarité énergétique : 59% des bénéficiaires du chèque énergie disent avoir souffert du froid.
« On est souvent dans des profils de familles, de jeunes ou de foyers avec un seul revenu, des personnes également au chômage, qui, bien souvent, habitent dans ce qu’on appelle des passoires thermiques – des logements mal isolés – et pour lesquelles le coût de l’énergie est très important », expliquait sur franceinfo Frédérique Feriaud, directrice générale du Médiateur national de l’énergie.
Le baromètre du Médiateur national de l’énergie démontre aussi que la sobriété énergétique tant vantée par les gouvernements, les agences de l’Etat et les organisations écologistes est subie et certainement pas choisie. Pas moins de 87% des ménages disent qu’ils adaptent leurs comportements et diminuent leur consommation d’énergie pour « réduire leurs factures ».

Source : Médiateur national de l’énergie (2025).
Attention aux factures, avec le nouveau système des heures pleines et des heures creuses
La publication de ce sondage préoccupant intervient au moment même où à partir du 1er novembre le système des heures pleines et des heures creuses qui permet d’alléger la facture d’électricité et auquel sont habitués depuis des décennies des millions de foyers change. La Commission de régulation de l’électricité (CRE) tient compte ainsi des conséquences de la politique qu’elle favorise depuis des années avec la multiplication des investissements dans les renouvelables intermittents, éolien et solaire, qui bouleverse la production d’électricité. Et la variable d’ajustement, ce sont évidemment les consommateurs. Ce qui signifie que les ménages devront faire très attention s’ils ne veulent pas voir leurs factures d’électricité augmenter fortement.
Car un foyer sur deux déclare avoir souscrit un contrat heures pleines/heures creuses et parmi ceux-ci 70% déclarent utiliser leurs machines à laver pendant les heures creuses et 54% avoir mis en place un déclenchement automatiquement de leur ballon d’eau chaude. Mais seuls 28% adaptent leur chauffage à ces périodes, alors qu’il s’agit pourtant du principal poste de consommation d’électricité dans les logements.
Retard du chèque énergie
Sur l’année écoulée, en plus de la progression du montant des factures d’énergie constatée par une majorité de foyers, les plus modestes des consommateurs ont aussi été affecté par la distribution tardive du chèque énergie 2025 – en novembre et non au printemps en raison du retard d’adoption de la loi de finances. Et encore, il a été sauvé in extremis par le gouvernement Bayrou après sa censure. Le ministère de l’Economie a finalement annoncé mi-octobre que 3,8 millions de foyers allaient recevoir leur chèque énergie à partir du 3 novembre.
Ce versement décalé a été pénalisant pour 61% des foyers bénéficiaires de cette aide destinée aux plus modestes et 35% d’entre eux ont connu des difficultés de paiement pouvant aller jusqu’à des frais supplémentaires (14%), des problèmes avec leur fournisseur d’énergie (13%) et une coupure ou une réduction de l’alimentation en électricité au strict minimum (10% des foyers bénéficiaires).
Le problème de fond de la précarité énergétique
Le médiateur national de l’énergie, Olivier Challan Belval, a appeler à interdire les coupures d’électricité en cas d’impayés et à instaurer un droit permanent à une alimentation minimale en électricité. « A la veille de la trêve hivernale, je tiens à rappeler que l’électricité constitue un produit de première nécessité », a-t-il affirmé
Il a ajouté que les coupures d’électricité pour impayés « sont d’une grande violence pour les foyers les plus vulnérables » et propose « de les remplacer par une limitation de la puissance de la fourniture d’électricité ».
Et puis, il y a surtout le problème de fond de la précarité énergétique et des moyens publics utilisés pour la réduire. Déjà, la mesure statistique de la précarité énergétique pose de sérieux problèmes. Parce que les organismes et organisations qui luttent contre la précarité énergétique en ont fait une catégorie d’action publique, justifiant leur existence et leurs moyens, plutôt qu’une caractéristique identifiant des ménages et des personnes. Les normes, les textes, les réglements se sont multipliés. Pour quelle efficacité ? Le chèque énergie est ainsi attribué non pas en fonction du niveau de dépenses en énergie d’un ménage, d’une situation d’impayés d’énergie ou des caractéristiques de son logement mais à partir du nombre de parts et du revenu fiscal…













