La centrale nucléaire de Tchernobyl se rappelle à notre souvenir, ce dont nous nous serions bien passés. Il s’agit des conséquences d’une frappe par un drone explosif de l’armée russe en février dernier sur l’arche qui isole le réacteur numéro 4 de sinistre mémoire, celui dont l’explosion le 26 avril 1986 a été la plus grande catastrophe nucléaire civile de l’histoire.
Sur une vidéo et des photos diffusées alors par l’Ukraine (voir ci-dessus) on distingue un trou dans la grande structure métallique qu’il a fallu neuf ans pour construire et qui a été inaugurée en 2019. Elle isole un premier sarcophage de fortune construit en deux mois en 1986 dans l’urgence absolue par les Soviétiques au-dessus des débris radioactifs du réacteur. Evidemment, la Russie avait démenti toute implication dans la frappe qui a endommagé le dôme métallique.
Et si dans un premier temps, aucune augmentation de la radioactivité n’avait été décelée, la situation est précaire.
L’arche a perdu « ses fonctions de sécurité primaires… »
L’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) a annoncé dans un rapport en date du 5 décembre que ses équipes qui sont en Ukraine ont constaté que l’arche a perdu ses « fonctions de sécurité primaires y compris la capacité de confinement ». Elle estime aussi qu’il n’y a « pas de dommages permanents aux structures porteuses ou aux systèmes de surveillance… Des réparations temporaires limitées ont été effectuées sur le toit, mais une restauration rapide et complète reste essentielle pour prévenir une dégradation supplémentaire et garantir la sûreté nucléaire à long terme ».
L’AIEA a précisé que le site entreprendrait des réparations temporaires supplémentaires pour soutenir le rétablissement de la fonction de confinement de l’arche protectrice en 2026, avec le soutien de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), « ouvrant la voie à une restauration complète une fois le conflit terminé » avec la Russie.
C’est la partie supérieure de la structure de l’arche qui est endommagée. Le revêtement métallique, l’isolant et les couches de protection qui empêchent normalement toute infiltration d’air ou d’humidité sont dégradées. L’une des préoccupations majeures concerne les risques d’infiltration d’eau.
Protéger des radiations pendant un siècle
Il avait fallu neuf ans pour construire cette arche qui fait 110 mètres de haut, 150 mètres de large et 256 mètres de long. Le coût de sa fabrication avait été de 1,5 milliard d’euros. Elle était conçue alors pour protéger l’environnement des radiations pendant un siècle.
Le premier sarcophage avait été lui construit en 1986 en deux mois après l’explosion du réacteur dans des conditions dramatiques qui avaient coûté la vie à plusieurs dizaines de personnes baptisées alors « liquidateurs ». Il n’était plus étanche depuis de nombreuses années.
Le réacteur numéro quatre de Tchernobyl a explosé le 26 avril 1986 à la suite d’une accumulation d’erreurs, de conception et de gestion du réacteur, d’un exercice de sécurité mené dans des conditions invraisemblables et d’une augmentation incontrôlée de la puissance qui a fait entrer en fusion le cœur et provoqué une explosion d’une très grande puissance. Elle a détruit l’enceinte du réacteur et mis en contact directement avec l’atmosphère le cœur en fusion libérant des quantités considérables de radiations et de matières radioactives. Selon les estimations, toujours très difficiles, la catastrophe a provoqué la mort de dizaines de milliers de personnes. A Three Mile Island en 1979 aux Etats-Unis et à Fukushima en 2011 au Japon, les deux autres grandes catastrophes nucléaires civiles, il n’y a eu aucun mort résultant directement des accidents sur les réacteurs.
Des estimations qui n’ont rien à voir
A Tchernobyl, les estimations varient grandement. Les principales sont les suivantes.L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) écrivait dans un document en date du 5 septembre 2005, « qu’un total allant jusqu’à 4.000 personnes pourrait éventuellement mourir à la suite de l’exposition aux radiations de la centrale nucléaire de Tchernobyl il y a près de 20 ans ».
Le Centre international de recherche sur le cancer , qui dépend de l’OMS, a des chiffres plus importants. Il estime qu’il a pu y avoir 9.000 cancers supplémentaires mortels parmi la population de 6,8 millions d’habitants, qui vivaient dans les zones les plus touchées par le nuage radioactif en Biélorussie, en Ukraine et dans la Fédération de Russie, et que dans le reste de l’Europe, il pourrait y avoir jusqu’à 16.000 cancers mortels supplémentaires jusqu’en 2065.
Enfin, The Union of Concerned Scientists (l’Union des scientifiques inquiets) porte le total hors de la zone la plus proche de Tchernobyl à 27.000 décès possibles plutôt que 16.000, estimant que des populations en Afrique, en Asie et en Amérique ont également été affectées. On peut donc dire, sans prendre trop de risques, que les victimes se chiffrent bien en dizaines de milliers.














