<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> QuotaClimat, la censure institutionnalisée

23 octobre 2025

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QuotaClimat, la censure institutionnalisée

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L’association QuotaClimat s’était donnée pour mission initiale en 2022 de pousser les médias audiovisuels à beaucoup plus traiter les questions climatiques. Pourquoi pas. Mais elle s’est donnée plus récemment une autre mission, lutter contre ce qu’elle appelle la désinformation environnementale dans les médias. Elle le fait via un « Observatoire des médias sur l’écologie » créé l’an dernier avec le financement du ministère de la Culture, de l’Arcom, de l’Ademe et de la Fondation de France. Le problème est que QuotaClimat fait sciemment un amalgame entre le climato-scepticisme et le débat nécessaire et légitime sur la politique énergétique et la stratégie énergétique du pays. Et elle entend imposer par le biais d’une loi sa vérité. QuotaClimat organisait ainsi le 22 octobre à l’Assemblée nationale un colloque sur la lutte contre « l’essor de la désinformation climatique ». Dans un entre-soi caractéristique, il y a eu fort heureusement une voix discordante, celle d’Agnès Pannier-Runacher, ex-ministre de la Transition écologique. Elle s’est déclarée : « contre toutes les formes d’atteintes à la liberté de la presse ». « On ne peut pas définir une forme de bien-pensance », a-t-elle ajouté. Le danger est bien celui-là.

Le 22 octobre, l’association QuotaClimat organisait à l’Assemblé Nationale en présence de plusieurs députés un évènement portant sur la lutte contre « l’essor de la désinformation climatique ». Selon QuotaClimat, l’événement était « parrainé par Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale »… qui n’était pas vraiment au courant et a déclaré avoir juste prêté la salle. Le colloque a été organisé avec le député socialiste Stéphane Delautrette et était soutenu, toujours selon QuotaClimat, par près de 100 parlementaires issus de huit groupes parlementaires différents, essentiellement le Nouveau Front Populaire.

Sont intervenus, entre autres, Agnès Pannier-Runacher, ex-ministre de la Transition écologique, Jean-François Soussana, président du Haut Conseil pour le climat, Bénédicte Lesage, membre du collège de l’Arcom et Livia Saurin, secrétaire générale adjointe de France Télévisions.

Un rapport sur la désinformation climatique

Le même jour, QuotaClimat a rendu public un rapport réalisé avec les ONG Data For Good et Science Feedback intitulé « Cartographie de la désinformation climatique dans les médias français et brésiliens ». Le choix incongru du Brésil tient au fait que la COP30 se tiendra dans ce pays du 10 au 21 novembre.

L’association QuotaClimat a parfaitement le droit de contester des prises de positions, des informations ou des « désinformations » qu’elle juge mensongères et dommageables sur les questions climatiques et énergétiques. Le problème est quand la vérité de QuotaClimat devient une vérité d’Etat imposée par des institutions de la République.

« Une forme de bien-pensance »

Depuis 2023, l’organisation a ainsi multiplié les saisines auprès de l’Arcom, vingt-deux. Dont trois avec succès. La majeure partie d’entre elles s’apparentent plutôt à de l’intimidation.

Le colloque du 22 octobre de plus de trois heures à l’Assemblée nationale a été sans grand intérêt avec une succession de plaidoyers pro domo dans une atmosphère d’entre-soi. Seule voix discordante, celle d’Agnès Pannier-Runacher, qui à la fin de son discours a expliqué « qu’il est nécessaire de débattre du chemin pour mener la transition écologique et qu’il n’est pas unique ». Plus important encore, elle s’est déclarée « contre toutes les formes d’atteintes à la liberté de la presse. On ne peut pas définir une forme de bien-pensance ».

QuotaClimat a été créé en 2022 par trois jeunes assistantes parlementaires avec pour ambition de pousser les médias à beaucoup plus traiter les questions climatiques. Pourquoi pas. Il s’agissait d’imposer « un quota d’informations environnementales » dans les médias audiovisuels français – à hauteur de 20% de temps d’antenne. Mais elle s’est ensuite donnée une autre mission, censurer la désinformation environnementale et plus gênant encore faire taire les voix dissonantes et discordantes sur la façon dont est menée la transition énergétique. L’association dénonce et entend faire interdire les propos qui lui semblent contraire à ce qu’elle estime être la vérité climatique et énergétique et pousse à l’adoption d’une loi visant à réprimer la « désinformation environnementale ».

Amalgame douteux

Transitions & Energies défend depuis sa création il y a plus de six ans la nécessité de mener la transition énergétique et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais se méfie comme de la peste des vérités d’Etat. Et celles de QuotaClimat sont très problématiques.

Car l’association et son Observatoire des médias sur l’écologie, qu’elle a créé l’an dernier, s’en prend aux climato-sceptiques et plus perturbant aux critiques de la façon dont est menée la transition énergétique. QuotaClimat fait ainsi un amalgame douteux entre le climato-scepticisme et le débat légitime et nécessaire sur la politique énergétique. Elle considère, par exemple, que s’interroger sur l’opportunité d’investir dans les renouvelables, c’est du climato-scepticisme.

« Nous avons basculé dans une nouvelle forme de déni climatique où ce n’est plus l’existence du changement climatique qui est niée mais la confiance dans la viabilité des solutions et la légitimité des messagers qui sont remises en cause », affirme Eva Morel, secrétaire générale de QuotaClimat.

Connivence avec des institutions

Dans son rapport, QuotaClimat cite les impacts économiques de ce qu’il appelle la désinformation autour des éoliennes. Selon le syndicat des énergies renouvelables, seules 267 MW de nouvelles capacités éoliennes ont été installées au cours des six premiers mois de l’année (2025), le niveau le plus bas des vingt dernières années. Ce ralentissement « résulte des campagnes de désinformation et du matraquage idéologique, qui ont conduit à l’absence d’un cadre pluriannuel stable et d’une feuille de route énergétique nationale ».

Il est difficile de voir en quoi s’interroger sur de nouveaux investissements massifs dans des capacités renouvelables dans un pays qui produit en surabondance une électricité décarbonée à 95% avec des records de surproduction et qui a dans les tuyaux des dizaines de GW de capacités éoliennes et solaires supplémentaires, c’est du climato-scepticisme.

Et on peut parler de véritable connivence avec des institutions de la République. QuotaClimat et l’Observatoire des médias sur l’écologie bénéficient du soutien financier de l’autorité publique de la communication, l’Arcom, pour 28.000 euros en 2024, et de l’agence publique de la transition énergétique, l’Ademe (150.000 euros). Cela signifie en clair qu’une autorité et une agence publiques financent une association qui dénoncent les propos climatiques et énergétiques qu’elle juge déviants, notamment auprès de cette même autorité. Et ce n’est pas tout. Le ministère de la Culture a lui apporté une subvention de 350.000 euros via le plan France 2030. On se demande ce que vient faire le ministère de la Culture sur ce terrain. La Fondation de France a elle versé 200.000 euros, qui seront complétés « par un dernier versement de 100.000 euros en 2026, à l’achèvement du projet », qui doit bientôt s’étendre au contrôle de la presse écrite.

Graver dans le marbre de la loi

Mais la grande ambition de QuotaClimat mise en avant dans le rapport publié le 22 octobre est de graver dans le marbre législatif la censure des débats sur la politique énergétique. « Le cadre de régulation médiatique en France ne permet pas actuellement de répondre pleinement à la menace croissante de la désinformation climatique. Le renforcement de ce cadre reste néanmoins réaliste et politiquement soutenu… ». Et c’est bien le cas. Une proposition de loi a été déposée par le député Stéphane Delautrette. Elle serait portée par une coalition de près de 100 députés. Elle vise « à garantir le droit d’accès du public aux informations relatives aux enjeux environnementaux et de durabilité ». Comme si ce droit n’existait pas aujourd’hui…

Si cette proposition de loi était adoptée, elle aurait pour effet de verrouiller totalement l’information sur les sujets liés à la transition énergétique. Plus de questionnement sur le prix de l’électricité, les inégalités créées par les ZFE (Zones à faible émission), sur l’efficacité et l’utilité des éoliennes, sur les ratés à répétition de Ma Prim’Rénov, sur le rejet par une majorité d’automobilistes du véhicule électrique, sur la fragilisation des systèmes électriques quand les productions renouvelables intermittentes deviennent massives… Il s’agirait de « fausses informations » sanctionnées par l’Arcom.

QuotaClimat a de grands projets pour l’Arcom. « Renforcer sa mission de de protection de l’environnement » et « placer auprès de l’Arcom un Observatoire national de la couverture médiatique des enjeux environnementaux ». Il s’agit également de « donner à l’Arcom la compétence d’établir des règles temporaires de production, de programmation et de diffusion sur les enjeux écologiques uniquement en période électorale ». L’objectif est de « dissuader la désinformation climatique en refondant le régime de sanctions de l’Arcom à travers trois gradients : mise en demeure, sanctions financières jusqu’à 10% du chiffre d’affaires, retrait de l’autorisation d’émettre ». Rappelons que l’Arcom finance QuotaClimat. On n’est jamais si bien servi que par soi-même…

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