Le constat est accablant. En moins de deux décennies une succession de décisions politiques désastreuses faisant de l’automobiliste à la fois une vache à lait et un coupable désigné et dans le même temps d’erreurs répétées des dirigeants de la plupart des groupes automobiles ont détruit le marché automobile français et, dans une moindre mesure, européen. Les Français ont tout simplement cessé d’acheter des voitures neuves, qu’elles soient thermiques ou électriques.
Un chiffre résume la situation. Il est cité par Flavien Neuvy, économiste et directeur de l’observatoire Cetelem. « Au milieu des années 1990, on avait à peu près 7 à 8% des ménages qui achetaient une voiture neuve chaque année, là on est plutôt autour de 2% des ménages, cela veut dire que les gens n’achètent plus de voitures neuves ». Les particuliers ne représentent plus que 40% des acquisitions de véhicules neufs contre 62% en 2001…
Et la France ne produit plus sur son sol que 1,35 million de véhicules par an. Elle en fabriquait 3,5 millions au début des années 2000. Depuis la crise sanitaire, près de 40.000 emplois industriels ont été perdus en France dans l’automobile.
La dégringolade des ventes électriques est encore plus rapide
Les voitures neuves ne sont plus achetées avant tout que par les entreprises, petites ou grandes. Selon les estimations, environ 1,5 million de véhicules neufs devraient être vendus cette année en France contre 2,2 millions en 2019, dernière année avant la crise sanitaire. Soit une chute de 27% en six ans. Et la France n’est pas un cas particulier. Depuis 2020, le marché européen dans son ensemble s’est réduit de près d’un tiers.
En France, le mois de mai 2025 a confirmé une tendance longue. Pour le cinquième mois consécutif, les ventes ont baissé à 123.919 immatriculations en recul de 12,5%. Et le salut ne viendra certainement pas de l’électrique dont la dégringolade des ventes neuves est encore plus marquée (-18,7%) pour atteindre seulement 19.414 unités, soit une part de marché de 15,7%. Et encore, les flottes d’entreprises sauvent ce qui peut l’être. Les immatriculations électriques chez les particuliers se sont effondrées de 58%, l’électrique ne représentant plus que 14% de leurs achats. En revanche, les flottes enregistrent une forte progression de 15%, atteignant 19% de leurs acquisitions.
Seules les hybrides tirent vraiment leur épingle du jeu avec une progression de 20,3% des immatriculation à 53.583 unités, une technologie plébiscitée par les consommateurs et… dénoncée par les écologistes.
L’occasion, planche de salut
Enfin, le marché de l’occasion résiste lui avec 426.306 transactions (+0,3%). Le cumul annuel représente 2,268 millions d’unités, une légère progression de 2%, mais une progression. Le segment le plus dynamique est celui des transactions entre particuliers, en hausse de 12% depuis le début de l’année. Une explication à cela : les véhicules de plus de 10 ans représentent désormais 48% des échanges, illustrant le vieillissement du parc automobile français. Il y a 39 millions de voitures circulant en France (84% des ménages français ont au moins un véhicule et 31% en ont deux). Elles sont âgées de 11,2 ans en moyenne, légèrement en-deçà de la moyenne européenne de 12,5 ans. Près de 21 millions de voitures circulant en France ont plus de 10 ans.
Il y a plusieurs explications à cette situation, à commencer par l’envolée des prix Il faut plus de 35.000 euros en moyenne pour acquérir un véhicule neuf et près de 43.000 euros pour un véhicule électrique.
« L’Europe saborde son industrie automobile »
L’accumulation de contraintes réglementaires et fiscales qui visent à favoriser la motorisation électrique ont presque tué le marché. Surtout avec les changements incessants de politiques publiques, notamment en matière d’aides à l’électrique et de renforcement des malus. Enfin, la disparition des véhicules chinois, avant tout électriques, qui étaient très abordables a fait disparaître un segment de l’offre.
Pour le Président de la Plateforme automobile, Luc Chatel, l’industrie automobile française est tout simplement en péril. « Il y a des tas d’industries qui ont disparu en Europe au moment de grandes transformations, et notre industrie automobile n’est pas à l’abri », affirme-t-il au Journal du Dimanche. Il ajoute que « l’Europe saborde son industrie automobile ».