Transitions & Energies
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Pour bon nombre d’écologistes, les émissions ont toujours été un prétexte


Les pires ennemis des écologistes les plus radicaux sont l’énergie nucléaire et la capture et le stockage du CO2. Deux technologies qui sont les seules pouvant permettre d’atteindre en 2050 le fameux objectif de « Net Zero » émissions. Mais elles sont considérées comme « dangereuses » pour l’avenir de l’humanité et des « manœuvres des multinationales et autres producteurs de pétrole ». Pour ces écologistes, la réduction des émissions de gaz à effet de serre n’a en fait jamais été la priorité. Il s’est toujours agi de détruire le système, de construire un homme nouveau et, comme Malthus le souhaitait déjà, de limiter le nombre d’êtres humains pouvant vivre sur terre. Par Léon Thau. Article publié dans le numéro 18 du magazine Transitions & Energies.

La transition énergétique est une entreprise sans précédent et d’une telle ampleur que pour avoir une chance d’être menée à bien, elle doit être définie de la façon la plus simple, la plus claire et la plus compréhensible par tous. En théorie, c’est facile, même si les moyens pour le faire le sont moins. Il s’agit de réduire et d’éliminer les émissions de gaz à effet de serre qui participent au réchauffement climatique. Donc, tout ce qui permet de réduire les émissions et de les éliminer est bon à prendre. Mais pour bon nombre d’écologistes, ce n’est pas vraiment cela. Sinon pourquoi rejettent-ils avec tant d’animosité et de rancœur le nucléaire ou la capture et le stockage de CO2 ? Rappelons que le nucléaire est le moyen permettant de produire de l’électricité en émettant le moins de CO2 et que la capture et le stockage du CO2 sont considérés par toutes les institutions internationales comme sérieuses et indispensables à la transition.

L’objectif premier des écologistes, reconnu d’ailleurs parfois par certains d’entre eux, n’est pas de lutter contre le réchauffement mais de déconstruire le système qui y a conduit et de créer pour cela un homme nouveau. On sait où ont mené les expérimentations qui dans l’histoire voulaient aussi créer un homme nouveau. En général, elles se sont traduites par des dizaines de millions de morts, la fin justifiant alors toujours les moyens.

Des glissements sémantiques répétés

Aujourd’hui, nous n’en sommes pas encore là mais nous voyons cette idéologie totalisante et donc totalitaire au sens premier du terme, l’explication de tout par l’écologie, se répandre par de subtils glissements sémantiques répétés et diffusés en permanence, notamment via des médias complaisants, afin de conditionner l’opinion publique. Cela est à l’œuvre depuis des années et a fini par imposer des dogmes quasi religieux allant du catastrophisme et du millénarisme en passant par la collapsologie sans oublier les nécessaires repentances, contritions et châtiments des pécheurs…

Mais il n’y a pas que des logiques idéologiques qui sont à l’œuvre, il y a aussi des intérêts économiques bien compris. La transition énergétique, ce sont plusieurs milliers de dollars ou d’euros investis tous les ans dans les prochaines décennies (lire page 5) dont une partie importante d’argent public. On comprend mieux aussi la motivation derrière la volonté de définir, d’orienter et de contrôler le discours sur le climat et sur les technologies de la transition, voitures électriques, renouvelables, rénovation des bâtiments… On le voit ne serait-ce que dans l’évolution des termes passés de « réchauffement climatique » à « changement climatique » et maintenant « crise climatique ». Le secrétaire général des Nations unies a même franchi un cap supplémentaire en qualifiant les vagues de chaleur et canicules de l’été « d’ébullition planétaire ».

Une autre évolution sémantique est encore plus problématique car elle ne cache même plus sa logique malthusienne. Pour lutter contre le réchauffement climatique, la seule chose à faire est de réduire les émissions de gaz à effet de serre et plus particulièrement de CO2 afin d’en limiter la quantité présente dans l’atmosphère. Mais maintenant que l’industrie est sur le point de maîtriser et de développer la technologie de capture et stockage du CO2, à la fois dans les process industriels et dans l’atmosphère (lire page 36), les écologistes la dénoncent et la rejettent par tous les moyens.

L’ONU en pleine dérive

La prochaine COP, la 28e, se tiendra en novembre dans les Émirats arabes unis. Le président de la COP28, le sultan Ahmed Al Jaber, a annoncé son intention de faire de la capture et du stockage du CO2 l’un des points importants à l’ordre du jour. Il s’est fait immédiatement reprendre vertement par l’ancienne responsable du climat à l’ONU, Christiana Figueres, qui a joué un rôle essentiel dans la conclusion de l’accord historique de Paris sur le climat en 2015. « L’approche des Émirats arabes unis à l’égard du sommet sur le climat de la COP28 qu’ils présideront en novembre est très dangereuse et constitue une menace directe pour la survie des nations vulnérables », a-t-elle déclaré. Elle a ajouté que le pays assurant la présidence du sommet de l’ONU ne pouvait pas mettre en avant sa propre position et devait être neutre… De qui se moque-t-on ?

Car dans le même temps, la fameuse loi adoptée à l’été 2022 par le Congrès américain pour accélérer la transition, le Inflation Reduction Act ou IRA, comprend des aides et autres subventions très généreuses pour développer la capture et le stockage du CO2. Ce n’est pas pour rien si l’industrie s’est soudain mobilisée pour multiplier les projets et les investissements.

Le meilleur moyen de parvenir à capturer le CO2 présent dans l’atmosphère et donc avoir un impact rapide sur le réchauffement climatique est d’accélérer également la renaissance de l’énergie nucléaire. Car capturer le CO2 dans l’atmosphère demande beaucoup d’énergie et il faut qu’elle soit constante, abondante, bon marché et décarbonée. Seul le nucléaire peut faire cela. Et rappelons que le nucléaire est la façon de produire de l’électricité la plus sûre existante avec une mortalité de 0,03 par TWh produit très inférieure à celle de l’éolien, de l’hydraulique et évidemment des carburants fossiles comme le montrent les études de Markandya & Wilkinson (2007), Sovacool (2016) et l’UNSCEAR (2008 et 2018).

Discréditer par tous les moyens

Avec une capacité nucléaire suffisante et la capture du CO2atmosphérique, les objectifs de 2050 actuellement totalement hors de portée du fameux « Net Zero » émissions deviennent soudain plausibles. D’autant plus que le carbone retiré de l’atmosphère servira à fabriquer des carburants synthétiques verts (voir page 22) qui permettront aux économies de continuer à fonctionner et à se développer avec les équipements existants et donc de ne pas être asphyxiées financièrement et appauvries par la destruction des investissements réalisés depuis des décennies.

Mais cette logique fait horreur à la plupart des écologistes car elle permet de faire perdurer et même de redonner une nouvelle vie au système marchand capitaliste, et d’éviter le chaos social, politique et économique avec un chemin de transition efficace, rapide et relativement abordable. Il faut donc utiliser tous les moyens de communication et les relais médiatiques et institutionnels nombreux pour continuer à discréditer le nucléaire et rejeter la capture du CO2 qui n’est « qu’une manœuvre des multinationales et autres producteurs de pétrole ». Il n’a jamais été question d’émissions. Il s’est toujours agi, comme Malthus le souhaitait, de limiter le nombre d’êtres humains pouvant vivre sur terre.

La rédaction