<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Plus grand barrage du monde au Tibet, la Chine ne recule pas

22 juillet 2025

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Plus grand barrage du monde au Tibet, la Chine ne recule pas

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La Chine construit des équipements de production d’électricité à une échelle sans équivalent dans l’histoire de l’humanité. L’usine du monde installe plus de parcs éoliens, de parcs solaires et de centrales à charbon que le reste du monde. Elle a les mêmes ambitions avec le projet pharaonique de barrage de Motuo, sur le fleuve Yarlung Tsangpo situé sur le haut plateau tibétain. Il sera quatre fois plus gros que le barrage des Trois Gorges sur le Yangtze qui est déjà le plus grand au monde. Mais la construction du barrage de Motuo pourrait avoir de très sérieuses conséquences environnementales et politiques. Notamment parce que le Yarlung Tsangpo, long de 2.900 kilomètres, devient le Brahmapoutre quand il traverse l'Inde et le Bangladesh. Deux pays très inquiets de voir la Chine prendre le contrôle d’une ressource en eau vitale pour eux. Cela n’a pas empêché le premier ministre chinois Li Qiang de lancer officiellement il y a quelques jours, le 19 juillet dernier, la construction du « projet du siècle ».

La Chine est engagée depuis plusieurs années dans une frénésie de construction d’équipements de production d’énergie et plus particulièrement d’électricité à une échelle sans équivalent dans l’histoire. Que ce soit des parcs éoliens et solaires, des réacteurs nucléaires de différentes technologies, des centrales thermiques à gaz et au charbon et même des barrages hydroélectriques. Dans ce dernier cas, on peut même parler de démesure.

Non contente d’avoir déjà battu tous les records avec le barrage des Trois Gorges, la Chine veut maintenant faire quatre fois plus gros avec son projet de barrage de Motuo, sur le fleuve Yarlung Tsangpo (voir la photographie ci-dessus) situé sur le haut plateau tibétain. Le projet comprend cinq barrages en cascade et sera situé autour de la ville de Nyingchi, dans le sud-est de la région autonome du Tibet. Un investissement évalué à plus de 167 milliards de dollars (1.200 milliard de yuans) d’ici 2045. Il aurait une capacité de 70 Gigawatts, plus du triple du barrage des Trois Gorges (22,5 GW). Pour donner un ordre d’idée, la puissance du barrage de Motuo serait 42 fois celle du nouveau réacteur nucléaire EPR de dernière génération de Flamanville…

Déplacer 1,2 million de Tibétains

Le projet devrait donner un coup de fouet économique au pays notamment dans des secteurs comme la construction, le ciment et l’acier et apporter une nouvelle source importante de production d’électricité bas carbone qui pourrait aider la Chine à atteindre son objectif de zéro émission nette d’ici à 2060. Mais la construction du futur barrage de Motuo pose aussi de sérieux problèmes à la fois techniques, politiques, géopolitiques et environnementaux. Il faudra déplacer 1,2 million de Tibétains et noyer sous les eaux des temples, des monuments, des réserves naturelles protégées. Les écologistes chinois s’inquiètent ainsi de l’impact irréversible de la construction de barrages dans les gorges du Yarlung Tsangpo, là où le fleuve descend de 2.000 mètres d’altitude sur une distance de seulement 50 kilomètres.

Et lorsque le Yarlung Tsangpo long de 2.900 kilomètres change de nom et devient le Brahmapoutre, il traverse alors l’Inde et le Bangladesh, deux pays très inquiets de voir la Chine prendre le contrôle d’une ressource en eau vitale pour eux. La Chine a à la fois affirmé ses « droits légitimes » à développer le fleuve et a assuré dans le même temps que le projet n’aurait « aucun effet négatif en aval ». Mais l’Inde n’accorde pas la moindre confiance à la parole de Pékin. Elle a fait part officiellement de ses préoccupations et assure qu’elle « fera le nécessaire pour protéger ses intérêts ». Et puis, il y a aussi de sérieux problèmes techniques. La région du Tibet où sera construit le barrage est fortement sismique. Il y a des risques de tremblements de terre, de glissements de terrains, d’inondations… Le projet prévoit notamment de modifier le cours du fleuve et de détourner l’eau par des tunnels.

Enfin, pour le moment personne ne sait comment les travailleurs achemineront les équipements lourds nécessaires vers un site isolé de l’Himalaya. Et de la même façon quand le barrages sera éventuellement terminé, en raison de son éloignement des centres urbains et de consommation, il faudra construire de très longues lignes électriques unidirectionnelles susceptibles d’affecter la flexibilité du réseau.

Une nouvelle société, la China Yajiang Group, chargée de mener le projet

Tout cela n’a pas empêché le premier ministre chinois Li Qiang de lancer officiellement il y a quelques jours, le 19 juillet dernier, la construction du « projet du siècle ». Il a annoncé la création d’une nouvelle société, la China Yajiang Group, qui selon l’agence de presse officielle Xinhua sera chargée de mener le développement du barrage. Et lors de son discours d’inauguration, Li Qiang a insisté sur l’innovation technologique du projet, sa sécurité sismique et sa compatibilité environnementale…

Pour rappel, la construction du barrage des Trois Gorges qui enjambe le fleuve Yangtze a commencé en 1994 et il est entré progressivement en service entre 2003 et 2012. Sa hauteur est de 185 mètres et sa longueur de plus de 2.300 mètres. Sa construction a nécessité 28 millions de mètres cubes de béton et suffisamment d’acier pour construire 63 copies de la Tour Eiffel. Il a fallu 40.000 personnes pour le faire pour un coût total de 37 milliards de dollars. Il peut contenir 40 milliards de mètres cubes d’eau. Le barrage des Trois Gorges a battu le record de production d’électricité en 2020 avec 111.795 GWh, près du tiers de la production du parc nucléaire français.

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La rédaction

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