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Méthane brulé lors de l'extraction de pétrole en mer de Chine

Le pétrole est au plus haut et le super cartel Opep+ se déchire à nouveau


Tout semblait aller pour le mieux pour les producteurs de pétrole. Après avoir connu un effondrement sans précédent des cours au début de l’année dernière avec la pandémie et la récession mondiale, ils avaient réussi en créant un super cartel mondial à stabiliser et faire remonter les cours en abaissant fortement leur production. Depuis le début de l’année, les cours du baril ont même regagné 50% et les pays producteurs connaissent une situation financière redevenue confortable. Ils devaient se réunir la semaine dernière et au début de cette semaine pour continuer à augmenter très progressivement leur production et accompagner la reprise mondiale. Mais un différend entre les Emirats arabes unis et l’Arabie Saoudite a torpillé toute possibilité d’accord. Le chaos menace à nouveau le marché pétrolier.

Le super cartel pétrolier mondial baptisé Opep+ emmené par l’Arabie Saoudite et la Russie n’aura-t-il tenu qu’un peu plus d’un an? En mars dernier, l’effondrement soudain de la croissance économique mondiale pour cause de pandémie et de confinement généralisé avait entrainé un temps une guerre des producteurs de pétrole. L’Arabie Saoudite et la Russie étaient même entrés dans un conflit direct accélérant l’effondrement des cours du baril. Puis ils s’étaient ressaisis… Les 23 pays de l’Opep+, à savoir les 13 membres de l’Opep et leurs dix alliés menés par la Russie étaient parvenus à s’entendre pour limiter considérablement la production (de près de 10 millions de barils par jour) et soutenir ainsi les cours.

Le baril à près de 77 dollars et les cours ont bondi de 50% depuis le 1er  janvier

Et pour la première fois ou presque les engagements des uns et des autres avaient été respectés. Même par la Russie qui avait pour habitude «d’oublier» les restrictions de production. Le super cartel pétrolier mondial a tenu à peu près jusqu’à aujourd’hui et a réussi même à amplifier la remontée des prix du pétrole en continuant à limiter sa production en dépit de la reprise de l’économie mondiale. Les deux références du pétrole brut, le Brent et le WTI, oscillent aujourd’hui aux alentours de 75 dollars, une hausse de 50% depuis le 1er janvier, et du jamais vu depuis octobre 2018… des mois avant la pandémie.

Mais la hausse des cours affaiblit la discipline et aiguise les appétits… Les 23 producteurs n’ont pas réussi à nouveau à s’entendre au cours des derniers jours sur leurs quotas de production de brut à compter du mois d’août. Ils avaient reporté au lundi 5 juillet les négociations commencées le 1er juillet qui devaient alors être conclues en une journée… Et finalement la rencontre du 5 juillet a été annulée. Aucune autre date n’a été fixée. Résultat, le baril a continué à monter lundi 5 juillet pour atteindre près de 77 dollars

Cette fois, ce n’est pas la traditionnelle rivalité entre Moscou et Ryad qui pose problème. Les Emirats arabes unis exigent un changement du quota qui leur est attribué ce qui a été refusé par les autres et notamment l’Arabie Saoudite. Abou Dhabi demande une révision à la hausse de son volume de production de référence. Ce seuil arrêté à la date d’octobre 2018 est jugé obsolète par les Emirats qui revendiquent une capacité de production bien plus élevée après avoir beaucoup investi au cours des dernières années. Actuellement à 3,17 millions de barils par jour, les Emirats ont insisté pour que leur niveau de production soit relevé à 3,8 millions de barils par jour. Le pétrole représente 30% du Pib du pays.

Ne pas toucher à un accord qui a sauvé les producteurs

Le problème pour le cartel n’est pas cette demande en elle-même. Mais le fait qu’elle créerait un précédent. Car les producteurs ont collectivement décidé de limiter encore leur production de 5,8 millions de barils par jour. Et l’Arabie saoudite, premier exportateur mondial de brut, soutient la prolongation en l’état d’un accord qui a bien fonctionné au moins jusqu’à la fin de l’année 2022. La Russie semble également pour une prolongation jusqu’en 2022. Et cela même si la discipline se relâche. Ainsi, la production de l’Opep a augmenté de 855.000 barils par jour en juin au lieu des 350.000 barils prévus. Et l’Arabie Saoudite a assuré l’essentiel de cette augmentation (490.000 barils par jour en plus par rapport à mai). Au total, les 13 membres ont produit le mois dernier en moyenne 26,47 millions de barils par jour dont 8,95 millions par l’Arabie Saoudite.

Les pays producteurs de l’Opep et leurs alliés s’étaient mis d’accord avant les négociations en cours pour maintenir les prix du baril à un niveau élevé mais pas trop non plus au risque de casser la reprise de l’économie mondiale, ce qui n’est pas dans leur intérêt. Ils souhaitaient augmenter la production de pétrole de 400.000 barils par jour par mois entre août et décembre. Cela aurait permis le retour d’un volume de 2 millions de barils par jour d’ici à fin 2021 sur le marché. Une façon de rouvrir peu à peu le robinet d’or noir. Début juin, le groupe avait déjà opté pour la prudence, le terme favori du ministre saoudien de l’Énergie Abdelaziz ben Salmane, actant pour juillet une hausse d’une proportion similaire (+441.000 barils par jour) par rapport au mois précédent. Mais les divergences au sein même de l’Opep et plus particulièrement l’opposition devenue virulente entre les Emirats arabes unis et l’Arabie Saoudite ont mis à mal ce scénario.

Les producteurs de pétrole sont dans une situation délicate. Ils sont de fait tous concurrents et dépendent tous des revenus pétroliers et gaziers. Ils ne veulent pas non plus se retrouver dans une situation de surproduction catastrophique comme au début de l’année 2020 si jamais l’économie mondiale ne poursuivait pas sa reprise. La propagation du très contagieux variant Delta du Covid-19 inquiète. Elle a déjà conduit plusieurs pays à mettre en place de nouvelles mesures de restrictions de déplacement des biens et des personnes. Le retour éventuel sur le marché des exportations iraniennes, si les négociations internationales sur le contrôle de son programme nucléaire venaient à aboutir, présente aussi une menace. Il viendrait de fait réduire les parts de marché de tous. Sans compter que les producteurs américains de pétrole de schiste, durement touchés par les conséquences de la pandémie, redeviennent très rentables avec un baril à plus de 75 dollars.

La rédaction