Transitions & Energies

Ne pas nier la complexité de la transition


La transition énergétique demande de l’humilité et de la méthode.
 Le contraire de ce que font depuis des années les pouvoirs publics en France. Article paru dans le numéro 9 du magazine Transitions & Energies.

La complexité et l’incertitude paralysent. Ou alors elles cèdent le pas au simplisme, aux slogans, aux imprécations et aux baguettes magiques qui conduisent à l’échec. La transition énergétique est un défi majeur. Ce n’est pas une question morale, de bonne volonté et de comportements individuels comme on voudrait nous le faire croire. On ne remplace pas 10 milliards de tonnes d’énergies fossiles consommées par an dans le monde par de la culpabilité, des prophéties apocalyptiques et le recyclage inespéré du vieil anticapitalisme marxiste. On fait ainsi aujourd’hui de la transition un affrontement entre des catégories différentes de la population. Les métropoles contre la France périphérique. Les bobos contre les classes populaires. Là encore, la recette de l’échec.

Mesurer les conséquences des décisions

Il s’agit d’un problème technique, économique, social et politique dont nous sommes très loin aujourd’hui de maîtriser tous les aspects. Nous savons où nous devons aller. Il faut substituer progressivement d’autres sources d’énergies aux carburants fossiles. Mais nous ne savons pas quelle stratégie d’ensemble adopter et quelles seront les conséquences, les effets induits et les dommages collatéraux, des décisions qui sont prises aujourd’hui. D’autant plus que les choix publics sont souvent faits pour des raisons contestables, dans l’urgence et à la suite de calculs politiciens et électoraux.

Personne ou presque ne veut admettre que les moyens, certes utiles, dont nous disposons aujourd’hui, à savoir les renouvelables et les véhicules électriques, sont très insuffisants et présentent de sérieux inconvénients. Sans parler de l’hydrogène vert dont le potentiel existe indéniablement… en théorie.

Il faut plus d’humilité et de méthode. Quand un problème est trop complexe et difficile pour être appréhendé dans toute sa dimension, il faut tout simplement le diviser en plus petits problèmes à surmonter méthodiquement les uns après les autres. Exactement le contraire de ce que nous faisons aujourd’hui. Beaucoup d’emphase, beaucoup de promesses, beaucoup de grands plans, beaucoup d’exigences de résultats spectaculaires et immédiats.

Poursuivre deux objectifs

Il faut d’abord mobiliser toutes les ressources à notre disposition, industrielles, étatiques, scientifiques, universitaires, à la fois pour construire des stratégies de transition efficaces et acceptables par les populations et pour faire face aux conséquences du réchauffement.

Il faut poursuivre simultanément deux objectifs. Le premier consiste à aller aussi loin que nous le pouvons avec les outils dont nous disposons et avec une seule priorité, réduire les émissions de gaz à effet de serre. En clair, remplacer de l’électricité nucléaire décarbonée par de l’électricité éolienne décarbonée en y consacrant des dizaines et des dizaines de milliards d’euros est la définition même du gaspillage. Cet argent doit servir à décarboner les transports, le chauffage des bâtiments et l’industrie. Là, il sera utile.

Le second objectif tient au fait que les technologies dont nous disposons aujourd’hui ne nous permettrons pas de parvenir à atteindre le graal qui consiste à ramener à zéro les émissions nettes de CO2. Cela signifie que nous devons impérativement investir massivement dans la recherche et l’innovation énergétique et soutenir tout aussi massivement les jeunes entreprises qui portent de nouvelles technologies dans les batteries, le solaire, le stockage de l’électricité, la capture du CO2, les nouveaux réacteurs nucléaires de petite taille, les navires et les avions à hydrogène, les nano matériaux, les réseaux électriques intelligents, la production d’acier et de ciment sans énergies fossiles… Il faut que la puissance publique soutienne cet effort d’innovation et de recherche et surtout qu’elle ne décide pas quelles sont les bonnes et les mauvaises technologies. C’est la recette du désastre. Le passé comme le présent en apportent la démonstration.

Léon Thau

La rédaction