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Paris Champs Elysées Wikimedia Commons

Paris connaît encore un pic de pollution en plein confinement!


La circulation automobile est présentée comme la principale responsable de la pollution atmosphérique dans les grandes villes. Une thèse considérée comme inattaquable aussi bien par les décideurs politiques, les écologistes et la plupart des médias. La réalité semble bien plus complexe. Il y a eu trois pics de pollution aux particules fines cette année à Paris, dont deux pendant les confinements marqués pourtant par des baisses sensibles de la circulation routière. Le premier le 28 mars, le second les 26 et 27 novembre… Mais il est difficile de remettre en cause les dogmes.

La cause est entendue depuis longtemps. Il est même fortement déconseillé de la contester. Pour les décideurs politiques, la plupart des médias et les écologistes, l’utilisation de la voiture est à l’origine de la pollution atmosphérique dans les grandes villes et des émissions de particules fines et d’oxyde d’azote… Lors des épisodes importants de pollution atmosphérique, la circulation alternée et même l’interdiction des véhicules les plus polluants ont été instaurés notamment à Paris et en région parisienne. La ville de Paris a interdit progressivement, en 2016 puis en 2019, la circulation des véhicules les plus anciens et les plus polluants. Une partie de la métropole dite du Grand Paris a décidé de reprendre cette mesure depuis le 1er juillet de cette année. Tous les véhicules diesel et essence de plus de 18 ans ne peuvent plus circuler dans les limites d’un périmètre défini par l’autoroute A86 dans la semaine et aux mêmes horaires qu’à Paris, soit de 8 heures à 20 heures.

Un pic de pollution aux particules fines le 28 mars et un autre les 26 et 27 novembre, cherchez l’erreur

Anne Hidalgo, la maire de Paris, ne compte pas s’arrêter là «pour défendre la santé des Parisiennes et des Parisiens». L’an prochain seront interdits de circulation tous les véhicules ayant la vignette Crit-Air 4, de plus de 14 ans, y compris ceux à essence. Enfin, à partir de 2024, les zones à faibles émissions de la ville de Paris et du Grand Paris passeront à une nouvelle phase. Les véhicules particuliers à essence n’étant pas au moins homologués Euro 5, donc qui ne sont pas classés Crit’Air 1, et tous les véhicules diesel feront l’objet d’interdictions de circulation et de stationnement.

Est-ce que cela va réduire la pollution atmosphérique? Rien n’est moins sûr et les confinements en apportent la démonstration irréfutable. Lors du premier confinement, avec la baisse spectaculaire de la circulation automobile, illustrée, entre autres, par l’effondrement historique de la consommation de carburants, la qualité de l’air aurait dû considérablement s’améliorer. Mais si on compare les graphiques d’Airparif, qu’on ne peut soupçonner de partialité, en février avant le confinement, et en mars, avril et mai, on ne peut parler ni d’améliorations, ni même de différences. La région parisienne a même connu un pic de pollution atmosphérique le 28 mars… Le résultat est le même si on fait des comparaisons entre 2020 et 2019.

Et au cours du deuxième confinement, très exactement le 27 novembre 2020, Airparif a donné l’alerte sur un épisode de pollution aux particules fines dans l’air francilien (voir les captures d’écran ci-dessous). En conséquence, la préfecture de Police a abaissé de 20 kilomètres heure la vitesse maximale sur les routes en Ile-de-France… Pour quoi faire? Depuis le début du deuxième confinement, le trafic routier a diminué de 31% par rapport au mois de septembre et de 24% par rapport à octobre et la qualité de l’air s’est fortement dégradée! Cherchez l’erreur.

Qualité air Novembre 2020 Source Airparif
Qualité air Novembre 2020 Source Airparif
Qualité de l'air novembre 2019 Airparif
Qualité de l’air novembre 2019 Airparif
La comparaison entre la qualité de l’air, selon les graphiques d’Airparif, en novembre 2020 sous confinement et en novembre 2019 sans confinement est saisissante. Elle était bien meilleure en novembre 2019!

Peu de seuils critiques pour le dioxyde d’azote contrairement aux particules fines

Si les émissions de dioxyde d’azote semblent elles bien évoluer en corrélation avec le niveau de circulation automobile, il n’en est rien des particules fines qui sont cancérogènes et dont on affirme depuis des années qu’elles proviennent notamment des motorisations diesel. Mais depuis quelques mois, les communications officielles insistent surtout sur les niveaux de dioxyde d’azote. Ce polluant proviendrait à Paris pour 61% de la circulation automobile, selon les chiffres officiels. Et sa quantité dans l’atmosphère parisienne a bien diminué pendant le premier confinement de 28% en mars, 48% en avril et 44% en mai.

Le problème est que si le dioxyde d’azote est nocif pour la santé, il présente rarement un seuil critique… contrairement aux particules fines. La concentration dans l’air de dioxyde d’azote n’a déclenché le «seuil d’information» en Ile-de-France que seulement deux fois depuis 2015 contre 39 fois pour les particules fines…

Contrairement aux discours simplistes et idéologiques, automobile égale pollution, les phénomènes atmosphériques sont très complexes. La circulation automobile joue évidemment un rôle dans la concentration de particules fines dans l’air, mais il est difficile à mesurer et certainement pas décisif. Même Airparif est contraint de le reconnaitre.

Même pour Airparif, la météorologie prend le pas sur la circulation automobile

Karine Léger, directrice d’Airparif, expliquait ainsi au printemps que la pollution aux particules tenait alors plus à la saison et à la météorologie qu’à l’activité humaine! La conjonction de beau temps et d’absence de vent avait pour effet de créer des particules fines dans l’air, «par réaction chimique». Ou bien, autre explication avancée, il s’agissait des épandages agricoles. Qui sait?

Toujours selon Airparif, les particules fines ne proviendraient en fait que pour un tiers de la circulation automobile. Et encore, une étude d’Airparif qui remonte à 2017 montre des chiffres très inférieurs. En hiver et en automne, la contribution de l’automobile aux particules fines ne serait que de 15% en Ile-de-France contre 25% en été. La plus importante source de ces fines poussières serait en fait le secteur résidentiel (46%) et plus particulièrement le chauffage au bois. En cette fin du mois de novembre 2020, la météo jouerait encore un rôle majeur avec du beau temps et peu de vent, sans oublier le fameux chauffage au bois.

Démagogie à vocation électorale

Conclusion, la science de la pollution atmosphérique est encore tâtonnante. S’en prendre avant tout à la circulation automobile pour faire baisser la pollution atmosphérique a toutes les apparences de la démagogie à vocation électorale.

Cela ne signifie évidemment pas que les véhicules n’émettent pas de particules fines et d’oxyde d’azote et qu’ils ne contribuent pas ainsi à dégrader l’atmosphère, notamment des métropoles et de l’agglomération parisienne. Mais stigmatiser uniquement l’automobile revient à tromper sciemment l’opinion. Cela ne permet pas d’améliorer grandement la qualité de l’air et la santé des personnes victimes de la pollution atmosphérique. Mais cela permet de faire semblant de s’attaquer courageusement aux pollueurs et aussi de gagner des élections…

La rédaction