<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Nucléaire : corrosion sous contrainte, l’histoire sans fin

12 juin 2025

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Nucléaire : corrosion sous contrainte, l’histoire sans fin

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Une canalisation du réacteur numéro 2 de la centrale de Civaux (Vienne) présenterait à nouveau des fissures qui seraient le signe de réapparition du phénomène dit de corrosion sous contrainte. Il avait sérieusement perturbé la production du parc nucléaire d’EDF au plus mauvais moment, en 2022, en pleine crise énergétique. Il n’affecte que les réacteurs les plus récents et les plus puissants, à l’exception de l’EPR de Flamanville. La canalisation qui serait affectée a déjà fait l’objet de réparations ce qui montrerait qu’il s’agit bien d’un problème structurel lié à un défaut de conception de géométrie des tuyauteries des dernières générations de réacteurs du parc d'EDF.

La découverte à la fin de l’année 2021 d’un sérieux problème dit de corrosion sous contrainte sur des canalisations essentielles de réacteurs nucléaires des dernières générations a eu de sérieuses conséquences. Cela a contraint EDF a lancé dans l’urgence un programme de contrôle et ensuite de réparations sur une partie importante de son parc nucléaire et a limité au pire moment, celui de la crise énergétique de 2022, la capacité de production d’électricité nucléaire française.

Le problème a été surmonté dès 2023 et même plus rapidement que prévu avec la mobilisation par EDF de ses équipes et de ses moyens et même le recours à des soudeurs Canadiens et Américains. Mais il faut croire que ce problème de corrosion sous contrainte est la conséquence d’une mauvaise conception de la géométrie des canalisations des réacteurs de type dits N4 et P4 car elle vient de réapparaitre sur le réacteur numéro 2 d’une puissance de 1.450 MW, qui a pourtant été réparé, de la centrale de Civaux dans la Vienne (voir la photographie ci-dessus). Il s’agit de l’un des derniers réacteurs construits en France et des plus puissants, à l’exception de l’EPR de troisième génération de Flamanville (Manche). En 2021, les fissures avaient été découvertes à Civaux, sur le réacteur numéro 1.

Des fissures de quelques millimètres qui indiquent un problème structurel

L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) évoque « deux indications de corrosion sous contrainte ». Elles seraient limitées, des fissures de quelques millimètres. Il s’agirait seulement du début du phénomène, mais cela montre qu’EDF va devoir contrôler étroitement tous les réacteurs de cette génération et devra à intervalles réguliers les arrêter pour réparer des canalisations mal conçues. EDF indique qu’une « expertise est en cours sur des tuyauteries, conformément au programme de contrôles 2025 définis dans la stratégie de traitement de la corrosion sous contrainte ».

Les 32 réacteurs de 900 MW, les plus anciens du parc, ne sont pas concernés. Les huit réacteurs de 1.300 MW de première génération sont aussi épargnés. En revanche, 16 réacteurs sensibles ou fortement sensibles ont été identifiés. Il s’agit donc des 4 réacteurs du palier dit N4 de 1.450 MW, comme les deux de Civaux, et les 12 réacteurs de 1.300 MW du palier dit P4, les plus récents. La géométrie des tuyauteries, plus complexe sur ses réacteurs, serait à l’origine du problème structurel.

Nombreuses sécurités

La géométrie des coudes des canalisations en acier inoxydable permettant de refroidir en urgence le réacteur a été modifiée sur les N4 et P4. Il est apparu que les torsions de métal provoquaient à la longue des microfissures dans des canalisations qui ne sont peu utilisées sauf pour des tests et lors d’opérations de maintenance. Plus précisément, les canalisations en question sont les circuits d’injection de sécurité. Elles ne sont pas nécessaires au fonctionnement normal du réacteur. Elles permettent d’envoyer rapidement de grandes quantités d’eau borée pour refroidir le réacteur en cas de défaillance du circuit de refroidissement et pour son refroidissement à l’arrêt, utilisé quand la tranche est en maintenance.

Les fissures présentent clairement un risque de rupture du circuit concerné… Mais il existe de nombreuses sécurités. D’abord, ce circuit est redondant. Il existe au moins deux boucles permettant, en cas de défaillance de l’une d’elle, d’assurer pleinement son rôle malgré tout. Le palier P4 (Civaux) en compte même quatre. Chacune dimensionnée de façon à être capable seule d’assurer l’intégralité de la fonction. Enfin, même en cas d’accident et de rupture de la boucle concernée, le réacteur a malgré tout la capacité d’assurer son arrêt en toute sécurité.

En tout cas, il semble bien que le phénomène de corrosion sous contrainte s’amorce rapidement en seulement quelques cycles de production. En mai 2024, Bernard Doroszczuk, alors encore président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), avait mis en garde à l’occasion de sa dernière audition devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). « Personne ne peut dire, ni affirmer qu’on n’en trouvera pas de nouveaux [problèmes de corrosion… il ne faut pas baisser la garde… notamment parce que les réparations ont été faites à l’identique ».

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