Transitions & Energies

Pétrole, l’hypocrisie norvégienne


La Norvège se présente comme un exemple en matière de transition énergétique. C’est l’un des premiers pays à avoir ratifié la COP21. Il offre des subventions considérables aux acheteurs de véhicules électriques. Mais tout cela est notamment financé par le pétrole et le gaz extraits de la mer du nord et exportés massivement.

La Norvège se veut, sur le plan de la transition énergétique, un modèle. A coup de subventions massives, son marché automobile a basculé résolument vers les véhicules électriques. Le pays s’est doté d’un parc important de barrages hydroélectriques et d’éoliennes. Le problème, c’est que tout cela est notamment financé par le pétrole et le gaz extraits de la mer du nord, que cela n’est pas prêt de s’arrêter et que la Norvège vante son comportement vertueux…

Ainsi, le gouvernement norvégien expliquait à la mi janvier, sans sourciller, après l’inauguration d’un nouveau champ pétrolier baptisé Johan Sverdrup, le nom du premier Premier ministre du pays, qu’il «participait à la réduction des émissions» parce que son exploitation est alimentée par de l’électricité provenant d’énergies renouvelables. Dans un communiqué, Equinor, l’entreprise publique norvégienne qui exploite le champ, le troisième plus important du pays, déclare: «Johan Sverdrup est maintenant en exploitation. C’est une bonne nouvelle pour nos investisseurs, pour la Norvège et pour les émissions»… Le problème tient au fait que les émissions liées à la production de pétrole et de gaz comptent pour moins de 5% du total de cette industrie qui provient avant tout de la combustion de ce qu’elle produit.

Réduire les émissions à coups de subventions et exporter massivement du pétrole et du gaz

Comme l’explique à CNN, Mark van Baal, fondateur d’un groupe d’activistes du climat baptisé Follow, «une compagnie pétrolière qui s’en prend à ses propres émissions et pas à celle de ses produits est comme un fabricant de tabac qui promet que ses employés vont arrêter de fumer et augmente sa production de cigarettes».

Le champ qui se trouve à environ 140 kilomètres des côtes norvégienne a des réserves estimées à 2,7 milliards de barils de pétrole, assez pour être exploité pendant un demi siècle et apporter plus de 90 milliards d’euros à la Norvège. La plateforme (voir la photo ci-dessus) fonctionne avec de l’électricité provenant de la terre et de barrages hydroélectriques au lieu des générateurs diesels habituels. Mais ce qui sort du puit, c’est bien du pétrole brut!

Ainsi d’un côté la Norvège se présente comme un exemple. C’est l’un des premiers pays à avoir ratifié la COP21 et a prendre l’engagement d’être neutre sur le plan des émissions de CO2 en 2030. Il offre des subventions considérables aux acheteurs de véhicules électriques et a interdit la déforestation. Et dans le même temps, le pays finance sa prospérité et sa politique énergétique en pompant 2 millions de barils de pétrole par jour, ce qui en fait le deuxième producteur européen derrière la Russie. C’est également le cas pour le gaz naturel. Enfin, la Norvège ayant un potentiel hydroélectrique important et du vent, n’a pas besoin de beaucoup de pétrole et de gaz et exporte la quasi-totalité de sa production.

Le gouvernement norvégien peut ainsi clamer qu’il fait tout pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et qu’il n’est pas responsable de ce que les autres pays font avec le pétrole et le gaz qu’il leur vend… Selon les statistiques norvégiennes, le pays a émis 53 millions de tonnes de gaz à effet de serre en 2017. Ce qui le place, à environ 10 tonnes par personne, en assez bonne position en Europe. Mais les émissions du pétrole et du gaz vendus par la Norvège représentaient 470 millions de tonnes en 2017. Presque dix fois plus! Cela n’a pas empêché le gouvernement norvégien d’accorder 83 licences d’exploitation pétrolières et gazières en 2019 et d’autoriser le forage de 57 puits d’exploration. Vous avez dit hypocrisie.

La rédaction