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Méthane brulé lors de l'extraction de pétrole en mer de Chine

Le rôle du méthane dans le réchauffement a été fortement sous estimé


Le méthane est un gaz à effet de serre dont l’importance a été longtemps négligée. Il serait responsable d’un quart du changement climatique d’origine humaine. Son pouvoir de réchauffement est 28 fois plus élevé que celui du CO2, mais il ne reste dans l’atmosphère qu’une dizaine d’années. Réduire les émissions de méthane aurait donc un impact climatique bien plus rapide.

Le dioxyde de carbone (CO2) est le gaz à effet de serre le plus important, le plus cité et le plus connu. Mais dans le réchauffement climatique, un autre gaz à effet de serre joue un rôle considérable, le méthane (CH4). S’il reste bien moins longtemps que le C02 dans l’atmosphère, une dizaine d’années contre au moins un siècle, son «pouvoir de réchauffement» est 28 fois plus élevé que celui du dioxyde de carbone. Environ un quart du changement climatique d’origine humaine proviendrait des émissions de méthane. Une étude publiée au cours des derniers jours à la fois dans les revues scientifiques Nature et Science montre que l’importance du méthane a été largement sous-estimée.

Il existe en fait deux catégories distinctes de méthane. Le méthane dit fossile qui a été séquestré pendant des millions d’années dans les gisements d’hydrocarbures. Il peut suinter naturellement ou être libéré lors de l’extraction des énergies fossiles que sont le gaz naturel, le pétrole et le charbon. Il y aussi le méthane dit biologique. Il est libéré naturellement dans les zones humides ou encore indirectement par l’action humaine via l’élevage, les rizières et les décharges.

Un lien direct avec les énergies fossiles

Le groupe de chercheurs qui vient de publier une étude dans Nature affirme qu’il faut revoir à la hausse les estimations de la part d’origine humaine dans les émissions mondiales de méthane. La concentration de méthane dans l’atmosphère est passée de 722 ppb (partie par milliard), durant la période préindustrielle, à 1.866 ppb en 2019.  Il s’agit de la valeur la plus élevée depuis 800.000 ans. Le méthane a longtemps été assez problématique pour les scientifiques car il est difficile d’en calculer la proportion anthropogénique puisqu’il existe de nombreuses sources naturelles.

Il n’est toutefois pas totalement impossible de différencier ces deux types de méthane et c’est ce qu’ont réussi les scientifiques de l’Université de Rochester. Lorsqu’il provient d’une source naturelle (volcan, bactérie, vaches…), il peut laisser derrière lui, au moment de sa libération, un isotope identifiable le carbone-14. Les auteurs de l’étude parue dans Nature ont rassemblé des tonnes et des tonnes de morceaux de glace issus du Groenland et ont utilisé aussi des données de l’Antarctique pour étayer leur analyse. Ils s’en sont servis comme d’une machine à remonter le temps dans l’atmosphère afin de retracer la présence de l’isotope carbone-14 entre 1750 et 2013.

L’analyse des morceaux de glace montre qu’il y a une période clé, autour de 1870. Auparavant, les niveaux de méthane sont assez faibles et leur source est avant tout naturelle. Ensuite, les niveaux bondissent et contiennent bien moins de carbone-14. Il existe donc une corrélation avec le développement industriel et celui de l’utilisation des énergies fossiles. Les émissions anthropogéniques de méthane, issues avant tout des énergies fossiles, seraient ainsi entre 25 et 40% plus élevées qu’estimé auparavant.

Un moyen plus rapide de lutter contre le réchauffement

Le responsable de l’étude, Benjamin Hmiel, considère qu’il ne s’agit pas d’une mauvaise nouvelle en soi. A partir du moment où les émissions de méthane sont essentiellement d’origine humaine, il est plus facile de les faire baisser et cela, en outre, a un impact bien plus rapide sur l’atmosphère que le CO2. «Si on arrêtait toutes les émissions de dioxyde de carbone, les hauts niveaux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère persisteraient pour un long moment. Le méthane est important à étudier parce que si nous faisons des changements dans nos émissions actuelles, cela se reflétera plus rapidement», écrit Benjamin Hmiel.

Le méthane est notamment associé à l’extraction de gaz naturel qui s’est considérablement accélérée au cours des dernières décennies. Le gaz naturel remplace de plus en plus souvent dans le monde le charbon pour produire de l’électricité car il émet moitié moins de CO2. Le passage du charbon au gaz naturel explique, par exemple, pourquoi les émissions de CO2 ont sensiblement baissé aux Etats-Unis l’an dernier. Mais produire et distribuer du gaz naturel libère aussi beaucoup de méthane.

Des chercheurs du MIT (Massachussetts Institute of Technology) ont notamment démontré dans une étude récente que les fuites des infrastructures de gaz naturel et notamment des gazoducs sont responsables d’importantes émissions de méthane. Près de 5% du gaz naturel ainsi transporté, dont la principale composante est le méthane, se répandrait dans l’atmosphère.

La rédaction