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Le charbon continue à faire de la résistance


Selon le rapport annuel de l’ONG Global Energy Monitor, publié le 26 avril, pas moins de 34 pays ont encore des projets de construction ou d’extension de centrales à charbon. La Chine, notamment, continue à dépendre de cette source d’énergie qui assure près de 50% de sa consommation. Le déclin du charbon, l’énergie qui émet le plus de CO2, se fait toujours attendre.

La résistance du charbon illustre parfaitement les difficultés de la transition énergétique. Dans l’histoire humaine, les transitions énergétiques ne se sont jamais réalisées jusqu’à aujourd’hui sur des laps de temps inférieurs au demi-siècle, et plutôt que de transition, il faut parler de juxtaposition de nouvelles sources d’énergie. Ainsi, l’usage du bois n’a toujours pas disparu dans de nombreuses régions du monde, pour le chauffage et pour la cuisson des aliments, et le charbon reste dominant dans la production d’électricité de nombreux pays, à commencer par les plus peuplés, la Chine et l’Inde.

Le rapport annuel de l’ONG Global Energy Monitor publié le 26 avril ne fait que le rappeler comme de multiples études publiées, notamment par l’Agence internationale de l’énergie (AIE). A la fin de l’année dernière, le rapport de l’AIE baptisé Coal 2021 montrait que la consommation mondiale de charbon a rebondi de 6% en 2021 (par rapport à 2020) et devrait encore augmenter en 2022. «Le charbon est la source principale d’émissions de carbone dans le monde, et cette année les niveaux historiquement très élevés de production d’électricité avec du charbon sont un signe inquiétant qui montre comment le monde est très loin d’une trajectoire lui permettant de ramener les émissions à zéro net», écrivait Fatih Birol, le directeur exécutif de l’AIE.

La Chine, «exception criante»

Il existe aujourd’hui des projets de construction ou d’extension de centrales électriques au charbon dans 34 pays, surtout en Chine, et l’envolée des prix du gaz et du pétrole ne devrait pas les faire capoter, au contraire. Le monde compte aujourd’hui plus de 2 400 centrales à charbon dans 79 pays, pour un total de près de 2 100 gigawatts (GW) de capacité de production. Elle devrait augmenter de 457 GW avec les nouveaux projets de centrales à charbon. Pour autant, le déclin du charbon est lent, mais il est écrit.

«Il ne reste que 170 centrales (89 GW) soit 5% de la flotte en opération aujourd’hui, qui ne sont pas concernées par une date d’arrêt progressif ou un objectif de neutralité carbone», indique Global Energy Monitor qui est basé à San Francisco. En 2021, la flotte de centrales au charbon en opération dans le monde a augmenté de 18,2 GW.

Au sein de l’OCDE, 86% des pays n’ont actuellement plus aucun nouveau projet de charbon en cours. Six pays continuent néanmoins formellement d’envisager de nouveaux projets: États-Unis, Australie, Pologne, Mexique, Japon et Turquie, même si beaucoup d’entre eux «n’ont aucune chance de voir le jour», selon les auteurs.

La Chine «a continué d’être l’exception criante au déclin actuel des centrales en développement», pointe Global Energy Monitor. L’an passé, plus de la moitié (56%) des 45 GW unités de production mises en service se trouvaient en Chine (25,2 GW), 14% en Inde, et 11% en Indonésie, au Vietnam et au Cambodge. Et, à elle seule, la Chine compte quasiment autant de projets d’ouvertures (pour un total de 25,2 GW de capacité) que le reste de la planète compte de projets de fermetures (25,6 GW). En Chine, le charbon représente près de 58% de la consommation totale d’énergie et pour le reste du monde 17% en moyenne.

56 projets de centrales financés par la Chine

Le rapport dénonce aussi «la reprise des permis de construire» de centrales au charbon en Chine début 2022, permise par une «réécriture de la politique énergétique du pays» qui a fait suite aux pénuries et au rationnement de l’électricité dans plus de la moitié des provinces fin 2021. Les auteurs s’inquiètent de voir Pékin mener à bien les contrats déjà signés: «à ce jour, il est peu clair de savoir si la Chine coupera le cordon pour les 56 centrales en projet que ses banques publiques et compagnies privées envisagent de financer».

L’avenir du charbon est donc entre les mains de la Chine et de l’Inde, les deux pays les plus peuplés, de loin, de la planète qui représentent les deux-tiers de la consommation. En Chine, la consommation de charbon pourrait selon l’AIE augmenter d’environ 1% par an d’ici à 2024 (+ 135 Mt par rapport à 2021) «soutenue par la croissance rapide de la demande d’électricité et la résilience de l’industrie lourde», et en dépit des efforts du pays pour diversifier son mix électrique (en développant massivement les capacités hydroélectriques, éoliennes, solaires et nucléaires). L’Inde doit aussi faire face à des besoins d’électricité en forte progression ce qui pourrait se traduire par une augmentation presque aussi importante de la consommation de charbon d’ici 2024 (+ 129 Mt par rapport à 2021, soit une progression annuelle d’environ 4%).

La rédaction