Transitions & Energies

La crise du pétrole russe contaminé prend de l’ampleur


Cela fait près d’un mois que le pétrolier Mendeleev Prospect est amarré dans le port polonais de Gdansk et ne peut décharger sa cargaison de 50 millions de dollars de pétrole brut.En temps normal, le Mendeleev Prospect aurait transféré en quelques heures ces 700.000 barils de pétrole. Ils auraient été directement envoyés dans une raffinerie et transformés en essence, en diesel, en bitume et en kérosène. Mais le pétrolier est victime de la contamination du pétrole russe. Elle dure depuis plus d’un mois. Elle commence a sérieusement perturber l’approvisionnement en produits pétroliers d’une partie de l’Europe. Une crise dont on parle peu et dont on ne voit pas la fin.

A la fin du mois d’avril, des niveaux anormalement élevés de substances chimiques connues sous le nom de chlorures organiques ont été découverts dans le pétrole transporté par le pipeline géant Druzhba qui amène l’or noir de la Russie vers l’est de l’Europe. Il a été construit dans les années 1960 pour approvisionner alors les alliés de l’URSS, les pays du Pacte de Varsovie.

Ce pipeline de 4.000 kilomètres transporte jusqu’à 1,5 million de barils par jour. Le pétrole arrive directement dans deux raffineries via des dérivations et est acheminé vers des pétroliers à partir du terminal de Ust- Luga dans la mer Baltique.

Les chlorures organiques qui contaminent le pétrole russe ont pour inconvénient majeur de gravement endommager les raffineries. Le 24 avril, le pipeline Druzhba a été fermé et Moscou s’est engagé à régler rapidement le problème. Un mois plus tard, rien n’est rentré dans l’ordre.

La crise a pris aujourd’hui une dimension politique. Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a annoncé qu’il s’employait à trouver une solution. La Pologne a commencé à utiliser ses réserves stratégiques de pétrole. L’une des plus importantes raffineries d’Europe, celle de Leuna en Allemagne qui appartient à Total, est fermée. De nombreuses raffineries tournent au ralenti en Allemagne, en Biélorussie, en Pologne, en Hongrie, en Slovaquie, en République Tchèque, aux Pays-Bas…

La décontamination de millions de barils et de pipelines n’est pas chose facile. Toutes les tentatives pour relancer le pipeline Druzhba ont aujourd’hui échoué. Et il y a de nombreuses inconnues dans cette affaire.

Même si le pipeline Druzhba est fermé, la production de pétrole russe n’a officiellement pas baissé. Elle s’est établie à 11,23 millions de barils par jour en avril et à 11,15 millions de barils par jour en mai. Mais la Russie ne peut plus exporter au moins un million de barils par jour. Où sont stockés les 30 millions de barils, au moins, produits en trop?

Plus grande incertitude encore, qui est responsable de la pollution du pétrole? S’agit-il d’incidents techniques, de pollution délibérée ou de sabotage? Les pipelines sont contrôlés par Transneft dirigé par Nikolay Tokarev, un proche de Vladimir Poutine, ancien du KGB, et le pétrole vient de Rosneft, dirigé par Igor Sechin, lui aussi très proche de Vladimir Poutine. Le coût pour la Russie de cet incident pourrait dépasser un milliard de dollars.

Enfin, la contamination aux chlorures organiques est très inhabituelle. Elle intervient à un moment particulier sur le marché pétrolier où les tensions entre les Etats-Unis et l’Iran, les crises politiques et militaires au Venezuela et en Libye et les problèmes techniques au Mexique ont réduit l’offre.

La rédaction